On vous avait déjà fait la chronique passionnée, les résumés de concert complètement subjectifs, les photos, les news, … Il ne manquait plus que linterview, ce qui est désormais chose faite. Rencontre avec les trois Lillois sur une place sombre à loccasion de leur concert au Buzzfest. Promis, après on vous lâche avec Glowsun.
Pour ceux qui ne vous connaîtraient pas encore, pouvez-vous nous présenter Glowsun et revenir sur lhistoire du groupe ?
Johan (Guitare, Chant) : Jai formé Glowsun en 1999 avec dautres musiciens de la région de Lille après avoir découvert le stoner, notamment grâce aux concerts organisés par Orange Factory en Belgique. Jai directement apprécié ce style de musique et je suis donc parti dans cette direction. Nous avons rapidement sorti une première démo en 2001 et enchaîné quelques dates. La deuxième démo, « Escape from Hell », a été enregistrée à Mons chez le batteur de Blutch en 2003 mais nous avons splitté peu de temps après.
Deux ans plus tard, en discutant avec Fabrice que je connaissais depuis longtemps, on sest dit que ce serait bien de reformer Glowsun et on a relancé la machine. Nous avons rapidement composé de nouveaux titres qui se sont retrouvés sur « Lost Love ».
Comment Ronan vous a-t-il rejoint ?
Ronan (Basse) : Avec Fabrice, on avait un groupe de rocknroll qui sappelait Attack of the Mutant Camel dans lequel je jouais de la guitare. Nous nous sommes retrouvé à une Fête de la Musique à loccasion de laquelle Fabrice jouait dans les deux formations. On sest dit quil valait mieux concentrer nos efforts sur un seul groupe et jai donc rejoint Glowsun où jai pris la basse.
Vous avez opté pour des morceaux essentiellement instrumentaux. Pourquoi navoir pas donné plus dimportance aux vocaux ?
Johan (Guitare, Chant) : Cà vient en partie dune saturation vis-à-vis des groupes où le chanteur a trop dimportance.
Fabrice (Batterie) : Ce nest pas vraiment un choix, on le sent comme çà, ce nest pas tout à fait une décision réfléchie. Nous jouons avec nos tripes sans trop calculer et lorsque le besoin se fait sentir de mettre du chant, on en met. Mais à aucun moment on ne simpose den rajouter, çà fait partie de notre façon dappréhender notre musique. Le micro est toujours branché lorsque nous composons et ensuite, cest plus une question de feeling.
Johan : Nous essayons aussi de sortir des traditionnels enchaînements couplet-refrain pour donner plus dimpact aux vocaux. Nous évitons le blah-blah pour aller directement à lessentiel et donner plus de sens aux paroles. Quand nous parlons par exemple de « Lost Love », lamour perdu, il ne sagit pas du sentiment quon peut éprouver pour quelquun, cest plutôt en rapport avec la relation entre lêtre humain et la planète et le fait que nous nous dirigeons vers une certaine auto-destruction par manque de respect pour notre environnement.
Acceptez-vous dêtre catalogué comme un groupe stoner ?
Fabrice : Oui, moi çà ne me dérange pas, je pense que çà correspond assez à ce que nous faisons même si nous ne donnons pas dans la copie de Kyuss ou Fu Manchu. Je pense que nous avons réussi à bien définir le concept et le son de Glowsun en se détachant de nos références qui sont très différentes pour chacun dentre nous. La seule référence commune revendiquée, cest The Heads, cest dailleurs pour çà quun de nos nouveaux titres porte le nom de cet excellent groupe anglais.
Vous avez limpression dévoluer dans le même style queux ?
Fabrice : Non, pas du tout, excepté sur ce morceau qui est une sorte dhommage sur lequel nous avons essayé de faire quelque chose qui est un peu dans le même esprit. Mais généralement, on ne se dit jamais quon va faire un morceau dans tel ou tel style. Nous écoutons tous du stoner au sens large ainsi que plein dautres choses et nous nous retrouvons sur The Heads qui est une inspiration commune mais pas vraiment une influence directe.
Johan : Les riffs que japporte sont parfois influencés par ce que jécoute, mais ce nest quun élément déclencheur que je présente aux autres. Nous travaillons sur cette base et chacun apporte ses idées et sa touche, il y a un échange qui au final aboutit à du Glowsun.
Tous vos titres sont donc issus de jams ? Comment se déroule lécriture de vos morceaux ?
Fabrice : On boit un hectolitre de Duvel et ensuite çà coule tout seul !
Johan : A la base, je prépare les choses chez moi, jenregistre des riffs sur mon pc que je propose ensuite à Ronan et Fabrice. Cest un peu une réserve didées dans laquelle nous allons piocher, nous faisons une espèce de collage qui donne lossature des morceaux que nous développons ensemble lors des répet.
Fabrice : On aime aussi beaucoup limprovisation, on balance un truc quon enregistre et on réécoute ensuite pour retenir les meilleurs plans quon retravaille. En général, nous déterminons la structure dun nouveau titre en une heure ou deux et ensuite ce nest plus que de la mise en place, des arrangements, du travail sur lintro ou la fin du morceau … Mais çà va très vite, on pond presque un nouveau morceau par répet même si nous nexploitons pas tout.
Pourtant, vos morceaux sont assez complexes, pas vraiment linéaires. Le fait dajouter une partie plus calme ou un passage psyché, est-ce décidé à lavance ?
Johan : Oui, parfois nous nous concertons, on se dit que ce serait bien de calmer le jeu avant de remettre la pêche. Jaime beaucoup limage des vagues pour décrire notre musique …
Fabrice : Nous essayons dexploiter ce que nous appelons entre nous le côté « mayonnaise », le fait que lintensité monte progressivement pour culminer sur la fin du titre. On le fait au sein des morceaux mais également dans lagencement des titres que nous jouons sur scène pour amener lauditeur à entrer progressivement dans notre trip. Pour les compos, si on attaque par un plan qui dégomme dentrée de jeu, on va avoir tendance à calmer la sauce pour la rendre encore plus intense ensuite.
Vous avez joué une grosse partie de vos dates en Belgique plutôt quen France, même si la tendance est en train de sinverser. Est-ce vraiment un gros problème de jouer du stoner en France ?
Johan : Petit à petit, çà commence à venir, nous allons bientôt avoir loccasion de jouer en compagnie de Zoe à Villeneuve dAscq dans une grande salle, avec une grosse production derrière. Cest la première fois que çà nous arrive (ndlr : depuis, ce concert a déjà eu lieu).
Fabrice : Le problème rejoint en partie ta question concernant le chant. En France, à mon avis, les gens ne sont pas suffisamment ouverts pour le style de musique que nous jouons. Ils nous arrivent très souvent quaprès un concert, des mecs viennent nous dire que cétait bien mais que çà manquait de chant. La différence avec la Belgique, cest que le public attend moins de choses calibrées tandis quen France, il a besoin de repères pour accrocher et apprécier la musique.
Malgré tout, il existe une scène stoner française qui est en train de se développer.
Fabrice : Oui, cest très flagrant ces derniers mois, mais de part le fait que nous ne faisons pas une musique en filiation directe avec Fu Manchu ou la scène suédoise par exemple, nous navons pas vraiment limpression de faire partie de cette scène. Etant donné que Glowsun existe déjà depuis longtemps, jai limpression de faire quelque chose de moins stéréotypé sur lequel on ne peut pas vraiment coller détiquette.
Johan : Il faut dire aussi que la distribution de labels orientés stoner et les concerts sont rares en France et que donc, on y connaît surtout les gros groupes, ce qui donne peut-être une image assez clichée de ce quest le stoner.
Vous avez des relations avec dautres groupes français ? Vous avez limpression que cest vraiment une scène ou bien que chacun fait son truc dans son coin ?
Fabrice : Oui, nous communiquons un peu avec Junkyard Birds, Kubota, Jabberwockies et dautres mais cest encore assez frileux. Le problème, cest que la France est un grand pays. Faire venir un groupe de Toulouse est par exemple plus compliqué que daller jouer à Tournai ou à la frontière luxembourgeoise pour nous. Malgré tout, on communique, on essaye de monter des concerts ensemble et cest appelé à se développer dans le futur.
Revenons un peu sur « Lost Love », votre dernière démo. Lorsquon la compare aux deux démos précédentes, on constate que le style a très fort évolué, en partie en raison du fait que Johan demeure le seul membre originel. Pourquoi avoir gardé le nom de Glowsun dans ces conditions ?
Johan : Le nom existait et était un peu connu, donc on sest dit quon allait le garder même si Fabrice et Ronan ne jouaient pas sur les premières démos, de façon à ce que les gens qui nous connaissaient constatent une évolution.
Fabrice : Cest vrai que sur le coup nous avons été un peu opportuniste mais après tout, Glowsun a été formé par Johan à la base et ce que nous faisons aujourdhui est la continuité de ce quil aurait fait avec dautres musiciens. Nous avons dailleurs déjà trouvé des concerts grâce aux contacts quil avait développé auparavant.
A lheure actuelle, vous disposez dun répertoire important de nouveaux titres. Est-il hors de question de jouer danciens titres issus des premières démos ?
Johan : Non, je ne veux plus jouer ces morceaux car quelque part, ce ne sont que les ébauches de ce que nous faisons actuellement. Et puis ce ne sont plus les mêmes musiciens et à lépoque je composais tout, alors quaujourdhui nous composons à trois. Rejouer ces morceaux, ce serait pour moi faire marche arrière et on préfère aller de lavant en continuant à composer de nouveaux titres.
Fabrice : Nous avons malgré tout lintention de réadapter un morceau de « Escape from Hell », la deuxième démo, mais on nen dira pas plus.
Vous avez enregistré « Lost Love » il y a plus dun an. Pensez-vous avoir atteint vos objectifs avec cette démo ?
Fabrice : Oui, carrément. Nous ne lavons pas sortie innocemment mais nous ne pensions pas obtenir autant de bonnes retombées en terme de chroniques et de propositions de concerts. Nous lavons sortie sans prétention et çà nous est revenu comme une balle de jockari en pleine tronche, on sest rendu compte quil se passait quelque chose et nous avons décidé de profiter de lengouement relatif. Il nest dailleurs pas improbable que si nous enregistrons un album, ce qui est de plus en plus à lordre du jour, nous introduisions ces quatre titres pour les exploiter complètement car nous en sommes très satisfaits. Ils méritent une vie au-delà de la simple démo.
Vous parlez dun album. Avez-vous déjà eu des contacts avec certains labels ?
Johan : Cest difficile car nous ne faisons pas dans le stoner classique ou le rock classique, on a limpression dêtre un peu marginaux par rapport à ce qui se fait actuellement et les labels sont réticents, dautant plus quavec la chute des ventes de cd en raison dinternet, les labels prennent moins de risques.
Fabrice : Nous avons peut-être une ouverture avec Buzzville, plus précisément avec Buzztown, la structure parallèle quils ont créé pour faire uniquement de la distribution.
Johan : Mais il ny a absolument rien dofficiel pour le moment, on préfère rester prudent.
Fabrice : En fait, il ne sagirait pas vraiment dune signature, cest une aide à lauto-production, Nous leurs livrerions un master entièrement terminé et ils prendraient en charge une partie de la promotion et de la distribution, mais effectivement, rien nest encore signé pour le moment, nous avons simplement évoqué cette possibilité avec les gars de Buzzville.
Par contre, il est très probable quun de nos titres se retrouve sur la prochaine compilation « RocknRoll Boulevard » de ce label. Nous ne savons pas encore sil sagira dun titre de la démo ou dun titre enregistré pour loccasion, ce sera la surprise.
Vous avez de quoi remplir un album ?
Fabrice : Oui, nous bossons continuellement sur de nouvelles compos et léventualité de cet album est une motivation supplémentaire. Des titres comme « Need » ou « The Heads » sont prêt à être enregistrés et je pense que le répertoire tel quil existe aujourdhui mériterait de passer en studio.
Ronan : Le set que nous jouons actuellement est suffisamment cohérent pour faire un album complet et nous avons dautres idées en cours de développement, donc ce nest vraiment pas un problème.
Vous avez récemment fait un concert au Kab à Genève et ce soir vous êtes à laffiche du Buzzfest, ce qui représente deux dates importantes dans votre histoire. Quelle est la prochaine étape que vous aimeriez franchir ?
Johan : Peut-être avoir loccasion de faire un autre festival important mais surtout continuer à obtenir une reconnaissance de la part du public.
Fabrice : Jouer, jouer et encore jouer !! Enregistrer nos morceaux, recevoir de bons échos, … cest important, mais le moteur cest la scène. Parvenir à établir une connexion avec le public, lui faire partager notre trip cest ce qui nous motive le plus. Le fait davoir fait récemment des dates plus importantes est encourageant, nous avons limpression davoir gravi une marche et nous aimerions que çà évolue dans ce sens en décrochant la première partie dune pointure par exemple, mais on nen fait pas une priorité, limportant cest de pouvoir jouer.
Johan : Peu importe la taille de la salle tant que nous prennons notre pied et que le public apprécie.
Ronan : Jouer au Buzzfest, çà le fait, mais si la semaine prochaine on doit jouer dans une cave à Lille, çà le fait aussi, pas de problème. Tant quon séclate et quon connecte avec le public, on est partant.
Le concert au Kab, vous en garder quel souvenir ?
Fabrice : Laccueil incroyable des organisateurs. On jouait dans le cadre du Festival Underground, ces gars ont une solide expérience de lorganisation de concert et nous avons été reçus comme des rois. Nous avons été reçus sur un pied dégalité avec des formations beaucoup plus réputées et nous en gardons un excellent souvenir.
Une dernière question pour Johan. Tu gères laspect graphique du groupe (pochettes, flyers, affiches, …), peux-tu nous parler de ton travail ?
Johan : Ben oui, je suis graphiste et jessaye de travailler dans le rock-art en amenant des idées originales, même si cest un peu prétentieux de dire çà. Jessaye de sortir des clichés metal où on utilise beaucoup de noir, je pense quon peut utiliser des couleurs pour représenter des sentiments plus sombres. Jutilise aussi beaucoup la femme qui représente pour moi la mère-nature, il y a énormément de symbolisme dans mon travail.
Un dernier mot ?
Nous vous remercions pour votre soutien et nous dédions le concert de ce soir à Karine (NDLR : Karine est la conjointe de Shinkibo) sans qui rien naurait été possible.