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LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL – Mai 2014

Les LDDSM sortent trop rarement de leur tanière, et quand c’est le cas, comme à l’occasion de cette mini-tournée bien sympa au début de l’été, faut pas les rater. On en a profité pour choper deux des frangins Maverick par le col (Francky, guitariste / chanteur, et Bobby, bassiste / chanteur), les asseoir sur une sorte de bout de rampe de skate un petit moment au doux son d’un bon vieux Judas Priest, afin de les interroger sur ce qui se passait dans le petit monde des Disidentes. Comme d’habitude, les gars ont été non seulement sympas mais aussi intéressants et toujours passionnés, et tandis que leur dernière galette “Arcane” a encore laissé des traces toutes chaudes dans nos chaînes hi-fi, ils nous donnent déjà envie d’entendre leurs nouveaux titres.

 

 

C’est plus vraiment de l’actu “chaude”, mais ça fait maintenant un an qu’est sorti “Arcane”, votre second album. Et pourtant, il était déjà enregistré depuis un moment avant sa sortie. Rappelez-nous pourquoi vous aviez attendu si longtemps ?

 

Francky : Dans nos vies perso il y a eu quelques “chamboulements”, tout ne peut pas forcément être prévu à l’avance dans le calendrier… C’est aussi pour cela que la tournée actuelle [ndlr : en mai 2014] est finalement la première que nous faisons en bonne et due forme pour défendre cet album !

 

Un an plus tard, quelles réflexions avez-vous sur cet album ?

 

On a eu de très bons retours sur l’album, qu’il s’agisse de la presse, mais aussi du bouche-à-oreille. On est vachement contents, c’est même bien mieux que le premier album, qui pourtant avait déjà bénéficié de retours très positifs ! Pour “Arcane” c’est quasiment unanime, on est vraiment super heureux, et c’est même le cas autant à l’étranger qu’en France.

 

Vous avez eu l’opportunité de le sortir ailleurs qu’en France ?

 

Oui, notamment grâce à un deal de distribution internationale qu’a mis en place notre label Deadlight Records. En réalité l’album est sorti sur deux labels : Deadlight, mais aussi HellProd, qui est notre propre label, pour travailler sur le vinyl en particulier. On a trouvé un distributeur anglais, Plastichead, qui centralise la distribution et gère ça pour le reste du monde.

 

 

Pouvez-vous revenir sur les raisons qui font que vous avez si peu tourné ces derniers mois, comme tu nous le disais tout à l’heure ?

 

Oui, notre dernier concert était à Marseille l’été dernier… On a eu chacun de notre côté des galères de boulot, moi je suis devenu papa… Tout ça nous a forcé à lever un peu le pied – tu ne peux pas tout faire, dans la vie… On a donc mis un peu de temps à reprendre la route, le temps que les choses se remettent un peu en place.

 

Bobby : Après, si tu regardes, depuis que l’album est sorti on a fait une dizaine ou une quinzaine de dates, mais ce qui est cool c’est qu’on a fait des grosses dates : on a ouvert pour Red Fang, Orange Goblin, Le Bal Des Enragés, Loading Data…

 

C’étaient des coups de chance ou le fruit d’une volonté de jouer des concerts plus “marquants” ?

 

C’est quelque chose que l’on cherchait plus ou moins. L’autre aspect qui fait plaisir c’est qu’on est aussi venu nous chercher pour ces premières parties, notamment suite à notre passage aux Eurockéennes [en 2012].

 

En terme de public, d’une certaine manière, ces dates équivalent à une petite tournée de bars avec quelques dizaines de personnes à chaque fois…

 

Francky : Et oui, c’est peut-être bête à dire, mais tu as plus d’efficacité à jouer une fois devant 300 personnes plutôt que 30 fois devant 10 personnes…

 

Vous êtes tout de même partis sur un format “mini-tournée” cette fois, avec dix à douze dates – quelques incertitudes sur les dernière dates avec un risque d’annulation…

 

Ouais, pour le Luxembourg et la Belgique, on a quelques craintes, même si les mecs ont l’air de faire du mieux qu’ils peuvent pour les maintenir ou trouver un autre lieu. En tous les cas, les dates jusqu’ici sont cools et se passent super bien : super date au Brin de Zinc [à Chambéry], hier première fois pour nous que l’on jouait dans le Centre de la France à Clermont Ferrand, très bien aussi… On fait des clubs plutôt cools sur cette tournée, c’est sympa.

 

Vous faites donc un peu moins de concerts qu’avant, mais vous avez de plus en plus de projets parallèles (International Unplugged Rock’N’Roll Society – IURRS pour les intimes – , un single en solo pour Francky, etc…). On se demande tout simplement si la place qu’occupe le groupe dans vos vies a changé, voire diminué ?

 

Pendant les huit mois où on n’a pas fait de concert, le groupe n’était pas en stand-by. On a beaucoup répété et composé pour le nouvel album. Etant donné que c’est un album qui nous demandera probablement beaucoup de temps, on fait ça à notre rythme.

 

Bobby : Je pense que la place du groupe pour nous n’a pas changé. C’est juste que nous avons ressenti le besoin à un moment donné d’aller rechercher des expériences, de s’investir dans des projets… Là par exemple on vient de sortir avec HellProd un skeud d’un mec de Strasbourg, Dirty Deep, or ça nous a certes pris beaucoup de temps, mais on avait vraiment à cœur de sortir ce truc-là, ça nous intéressait. A titre personnel, moi j’ai eu envie de m’investir dans le label et de travailler avec d’autres musiciens par ce biais.

 

Est-ce que vous allez encore plus développer le label ?

 

Francky : On aimerait bien, ça dépendra des opportunités. Mais on ne vise pas de devenir Sony ! Là, pour le coup, avec Dirty Deep, la rencontre humaine et artistique était parfaite, donc on n’a pas hésité, on a foncé.

 

 

Vous êtes aussi au cœur d’une sorte de réseau d’artistes (vidéo, photos, etc…) avec qui vous travaillez étroitement depuis longtemps. Est-ce que vous envisagez aussi de développer ce type d’interactions artistiques ?

 

Bobby : On est en train de travailler sur un projet de clip qui va probablement à nouveau débouler sur un truc assez cinématographique. Pas aussi long qu’un film, mais avec un budget conséquent, une grosse prod. Ca sera sur la base d’un des morceaux de l’album. En parallèle, Alex de Deadlight bosse avec une boîte de prod aux Etats-Unis qui fait des films d’horreur, et notre morceau “Z” devrait se retrouver sur un film de leur catalogue.

 

On note que votre réseau de collaborations se structure principalement autour de Strasbourg, est-ce que cet attachement local ne freine pas une volonté de développement national et international ?

 

Francky : C’est sûr que si on parle par exemple des IURRS [ndlr : un rassemblement de musiciens à géométrie variable qui interprètent des reprises rock en format acoustique], on est les noyaux du truc étant donné que l’on a initié le projet, mais il y a plein de musiciens qui gravitent autour de ce truc-là, et ça nous apporte énormément humainement et musicalement. Chaque année on essaye de renouveler un peu les musiciens, et d’aller voir un peu ce qui se passe dans notre région, quels groupes sont en train de se développer… Et ça marche : plusieurs groupes et musiciens pas encore très connus émergent ensuite en quelques mois et récoltent un succès mérité. Et c’est ça qui nous éclate : faire connaître cette scène strasbourgeoise qui est géniale. Il y a un réseau de musiciens en Alsace qui est trop peu exporté, on ne comprend pas pourquoi.

 

On commence à voir pas mal de groupes français qui tournent autant en France qu’à l’étranger (Abrahma, Glowsun, Mars Red Sky, …), voire même plus à l’étranger qu’en France pour certains. Ce n’est pas votre cas, la plupart de vos concerts sont en France. Est-ce un choix de votre part ou un manque d’opportunités ?

 

Bobby : Il y a effectivement un manque d’opportunités. Mais il y a un autre phénomène que l’on nous a souvent fait remarquer, c’est que nous avons notre public essentiellement en France. C’est bizarre, les gens nous connaissent en France, mais à l’étranger ils sont plus réticents… Sinon, tu as aussi le fait qu’Abrahma par exemple est signé chez Small Stone, donc derrière tu as le poids d’un label international, ça aide aussi, et ce n’est pas le cas pour nous.

 

Francky : Nous on ne demande que ça ! Le noyau français on l’a, c’est cool, maintenant on aimerait commencer à s’exporter. Tu vois l’autre jour on se faisait la remarque dans le van que l’an prochain ça fera dix ans que LDDSM existe. Or sur la durée, on a trop peu joué à l’étranger, tu as raison. Donc je pense que dans un futur proche, on va vraiment se pencher là-dessus. On n’a pas manqué de bonne volonté en tout cas, on a joué quelques dates ici ou là en Europe, des dates en Club dans différents pays, avec parfois très peu de monde, et ça nous faisait douter, au regard des efforts nécessaires pour organiser ça et le temps passé, l’argent dépensé… Mais bon, on a aussi eu de super bonnes surprises sur d’autres dates, avec plein de monde, où tout s’est super bien passé…

 

 

Parlons du prochain album : il en est où pour le moment ?

 

On a un concept et quelques compos, quatre titres environ. Ca sera un concept album, un vrai, plus que les autres : sur les deux premiers il y avait des thématiques, mais là ce sera un vrai concept album, un peu dans l’esprit “The Wall” – sans aucune prétention de comparaison, évidemment. Ce sera l’histoire d’un personnage que l’on va suivre dans un contexte qu’on a inventé, ce sera complètement imaginaire. Les chansons vont raconter des chapitres de cette histoire. Et au vu de l’histoire, il faudra que l’on trouve un lien pour relier temporellement tous ces chapitres, donc on réfléchit à la manière de créer ces ellipses : peut-être du texte ou des images dans le livret, ou de la vidéo… En tous les cas on aimerait bien que la personne qui reçoit cet album se penche dedans pour réellement apprendre cette histoire. Du coup ça va prendre un petit peu de temps, car c’est compliqué à composer et à créer tout ça.

 

Et musicalement, est-ce qu’une tendance se dessine avec ces premières compos ?

 

Le style va évoluer aussi, on tend de plus en plus vers quelque chose d’un peu plus progressif. Mais ce n’est pas du tout calculé, on joue et les morceaux tombent comme ça. Pour le moment, on n’a aucun morceau en dessous de six minutes, mais ce n’est pas une volonté en soi, c’est simplement que collectivement on se dit que le morceau doit se développer comme ci ou comme ça.

 

Comment vous vous y prenez pour composer un concept album, étant donné qu’il y a la progression de l’histoire à gérer ? On commence du début de l’histoire avec la première chanson et on avance comme ça ?

 

Alors bizarrement… pas chez nous en tout cas! [Rires]

 

Bobby : Ce qu’on a fait d’abord c’est essayer de poser l’histoire, on a fait un brainstorming pour aboutir à l’idée globale, puis on a essayé de diviser l’histoire par chapitres, pour rendre le tout cohérent. Ensuite – il faut savoir que nous on compose généralement la zique avant les paroles – en fonction de l’ambiance des morceaux que l’on composait, on se disait : “tiens, ça ça correspondrait bien à tel ou tel passage de l’histoire”.

 

Francky : Ce qui est vachement intéressant, et qu’on n’avait jamais fait jusqu’à maintenant, c’est qu’au sein même de ta chanson, tu essayes ensuite de recréer l’ambiance souhaitée, tu te dis : “le mec, dans cette situation, il serait comment : il serait fatigué ? stressé ? énervé ? content ?”. Et tu injectes ton intention dans le jeu, et c’est très intéressant à faire comme exercice, notamment dans le chant. Pour revenir à la question initiale, bizarrement pour le moment on a composé la fin de l’histoire : il se trouve que les riffs que l’on avait au début de la phase de composition collaient mieux à l’ambiance de la fin de l’histoire.

 

Bobby : Du coup, plus on va se rapprocher de la fin de l’album, plus ça va être compliqué, parce qu’il va nous rester un morceau, et là il faudra écrire exprès la musique qui va bien pour ce morceau, on n’aura pas le choix.

 

Francky : J’avais vu un reportage sur l’écriture de The Wall, justement, et Roger Waters disait qu’il avait commencé par enregistrer tout l’album chez lui, et lorsqu’il était venu en studio pour travailler le mix avec l’ingé son, ce dernier lui avait ouvert les yeux en lui disant : “il te manque quelque chose dans ton histoire”, ce qui les avait obligé à écrire des bouts de chanson ici ou là, ce qui explique certaines pistes très courtes par exemple qui font des transitions. Et bien si ça se trouve on sera peut-être obligé de faire ce genre de choses, on ne sait pas…

 

Comment vous imaginez le live autour de l’album ? C’est peut-être un peu tôt pour se poser la question, mais vous seriez obligés de jouer l’album complet d’affilée ?

 

Bobby : Ca serait même l’objectif : monter un show global, en fait, jouer tout l’album, avec une mise en scène particulière peut-être. Mais on n’en est pas là pour le moment, on a encore le temps d’y penser.

 

Vous jouez de nouveaux morceaux sur scène, là ?

 

On va en faire un ce soir [cf. chronique du concert de Bordeaux dans ces pages]. On teste pour voir si ça tourne ou pas.

 

Vos plans maintenant sur les prochains mois, c’est quoi ?

 

On va faire quelques concerts d’ici la fin d’année. Ce qui est bien c’est que sur cette tournée, on a eu quelques dates qu’on n’a pas pu caler, mais les mecs voulaient quand même nous faire jouer, donc on les garde sous le coude et on verra. Il y a aussi un projet dont on parle depuis un an, avec un musicien de Strasbourg qui s’appelle Thomas Schoeffler Jr., un mec génial qui est en train d’exploser en ce moment – il fait Jazz à Vienne cet été, le Cognac Blues l’été dernier… C’est un one-man band de bluegrass / country, on se connaît depuis longtemps, et on s’est dit que ça serait intéressant de mélanger nos deux univers, qui a priori ne sont pas forcément compatibles. Du coup on réfléchit à sortir un 45 tours ou autre d’ici la fin de l’année. Les morceaux sont déjà écrits en fait, il s’agit maintenant de trouver un créneau pour passer en studio, ce qui n’est pas facile parce que lui il tourne à fond, il est sur-occupé ! Du coup, ça sera notre prochaine sortie, et ça fera tranquillement la transition avec le nouvel album.