The Freeks – Shattered


freeks

Poissard parmi les poissards, Ruben Romano traîne avec lui cette réputation de talentueux et gentil loser, depuis qu’il a contribué à enfanter Fu Manchu, qu’il a quitté dix ans après, avant le succès qu’on leur a connu depuis. Il lança alors avec son compère d’infortune Eddie Glass les géniaux Nebula, qu’il quitta là aussi après dix ans, dans des conditions pour le moins opaques. Marre probablement de se sentir impuissant derrière ses futs, le gaillard – manquant moins de ressources ou de talent que de chance et de bonne fortune dans ses décisions de carrière – décida donc il y a une petite dizaine d’années maintenant de se doter d’une six-cordes, de se caler derrière un micro, et d’initier son propre projet : The Freeks. Plutôt conceptuel au départ, l’objet se transforme progressivement en véritable groupe (à temps partiel, quand même, même s’il s’agit du projet principal de Romano), qui accoucha il y a trois ans de leur second LP « Full On », un LP qui a séduit pas mal de monde (à une échelle relativement confidentielle, la sortie du disque bénéficiant d’une distribution mondiale… à la hauteur des moyens financiers du groupe à l’époque !). A part quelques concerts sporadiquement organisés dans divers clubs sud-californiens principalement, l’activité du groupe était difficile à tracer ces dernières années… jusqu’à l’annonce de la sortie de leur troisième LP, « Shattered » ici présent, sous la bannière décidément volontariste du label italien aux dents longues de Heavy Psych Sounds.

Musicalement, deux points de vue sont possibles selon votre background : si vous connaissiez « Full On » (voire son prédécesseur, musicalement plus diffus), ce « Shattered » ne vous déstabilisera pas. Pour les autres, le CV de Romano détaillé plus haut risque de vous donner une fausse idée du groupe. Car le désormais guitariste (qui a quand même pris à ses côtés Tom Davies, bassiste renégat de Nebula et autres formations stoner occasionnellement à la recherche de mercenaires de la 4-cordes) s’est associé à des partenaires pas forcément issus des même mouvances musicales directes, notamment d’anciens (ou ponctuels) membres d’autres formations chaotiques comme Backbiter ou Roadsaw. Le mélange de cette bande de joyeux drilles en provenance d’horizons musicaux disparates (le nom du groupe – les monstres de foire, en gros – n’est pas dénué de sens…) donne donc un ensemble un peu chaotique, un patchwork de tendances et de sons. Et les bonhommes ne font même pas semblant de créer une cohérence factice à l’ensemble. Donc oui, il y a des choses qui raviront les fans meurtris et frustrés de Nebula là-dedans, directement sur certains titres (« Sylvia », ou « La tumba », qui comme « Strange Mind » et ses plans space rappelent aussi Monster Magnet) ou de manière plus éloignée sur d’autres titres qui puisent dans les mêmes sources d’inspiration, entre des bases très blues et des plans instrus très jam. Mais il faudra qu’ils acceptent de « cotoyer » sur la même galette des titres plus directs, plus rêches et pêchus : les plans quasi-punk, au son vintage bien garage, représentent une autre composante importante de la musique du groupe (« Tiny Pieces » ou « Uncle Jack’s Truck » en droite provenance de la mouvance Hellacopters, avec notamment de discrets mais jouissifs passages de piano, « I’m a mess » qu’on croirait sorti d’un album de Mondo Generator, vocaux compris…) . Le reste est constitué de titres efficaces, mélodiques, voguant dans des eaux plus hétéroclites encore (« Where did you go », le presque 50’s « The Space Bar »…).

Passée l’éventuelle surprise de se voir baladés musicalement dans tous les sens, force est de reconnaître que nos Freeks ont bien soigné leur production, et que leurs compos, même si parfois un peu décousues, s’y entendent dès lors qu’il faut sortir le riff qui va bien ou le solo qui déchire. Tout ceci est parfaitement outillé, et interprété avec talent.

Il ne reste donc qu’à espérer que ce nouveau label et sa distribution/promotion plus performante (l’impact très modeste de « Full On » avait sans doute pâti du manque de moyens d’un Romano seul derrière les manettes de son propre label, créé un peu à l’arrache…) donne un nouvel essor à The Freeks, un groupe au statut underground qui mérite clairement mieux. Et avec un peu de chance, ça permettra même peut-être de les voir venir souiller les scènes live européennes ? On n’espère rien de moins.

 

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