YAWNING MAN – mars 2005


Yawning Man est l’un des projets (groupes ?) les plus excitants de ces derniers mois. Composé de la fine fleur du « pur » stoner américain made in Palm Springs, le trio instrumental sort son « premier » album (« Rock Formations », en réalité leur dernier album, composé de chansons récentes, alors qu’ils ont assez de vieux matériel inédit pour en sortir un double…) chez nos amis de Alone Records. Gary Arce, guitariste de la formation, nous en dit plus long sur ce mystérieux mais passionnant combo…

 

« Rock Formations » vient de sortir, comment décrirais-tu la musique que l’on peut y trouver, pour inciter nos lecteurs à se le procurer ?

Je dirai avant tout que c’est de la musique originale. Très « cinématique », très atmosphérique en quelque sorte, très liée à des paysages, des ambiances… Une chose est sûre, ce n’est pas du « stoner rock » très classique !

Je distingue vraiment une certaine influence « latine » dans votre musique, or ce qui me paraît étrange, c’est que je n’ai pas senti cette culture (mexicaine ou hispanisante) lors de mes divers passages dans les environs de Palm Springs, je trouve donc cette influence étonnante, quand on voit à quel point Yawning Man est lié à cette région…

La ville de Palm Springs correspond plutôt à la partie « touristique » du désert, et les seuls mexicains que tu y trouveras, tu as raison, sont dans les cuisines des restaurants… Mais si tu vas au Sud de la ville, à peine 30 minutes de route plus loin, tu te trouveras à La Quinta, Indio, Coachella, et là tu trouveras plus de 75% de mexicains ! Je vis moi-même à La Quinta, à environ une heure de route de la frontière mexicaine. Et si tu entends cette influence latine, c’est bien parce qu’Alfredo et moi avons grandi dans cet environnement. Nos deux familles organisaient régulièrement des fêtes de « jardin » traditionnelles mexicaines, avec des mariachis et de la musique mexicaine (avec des groupes qui venaient jouer). C’est quelque chose qui est dans notre sang et dans notre tête depuis notre enfance… J’entends toujours, de temps en temps, de vieilles chansons traditionnelles mexicaines que j’écoutais chez mes grand-parents quand j’étais gosse. Et c’est la même chose pour Alfredo…

Tout s’explique… Mais au delà de cette influence « culturelle », j’ai vraiment du mal à rapprocher votre musique d’autres groupes. De quels artistes te sens-tu le plus proche musicalement ?

L’une de nos grandes influences est le groupe Blind Idiot God, qui était sur SST Records (ndlr : label plutôt orienté punk, qui a sorti quelques albums très sympathiques, dont les premiers Fatso Jetson, The Sort Of Quartet, etc…). C’était aussi un groupe totalement instrumental. De la très, très belle musique, un peu décalée, très aérienne, quasiment onirique. Ils influencent notre musique depuis toujours.

 

Après quelques écoutes de votre album, on pense parfois à la B.O. d’un film, et je pense notamment à la superbe composition de Ry Cooder pour le film « Paris, Texas ». Penses-tu toi aussi que votre musique se prèterait probablement à une B.O. de film ?

Merci d’abord pour la comparaison avec Ry Cooder, c’est un incroyable musicien, et un pur « bad ass ». J’adore vraiment sa musique. En ce qui concerne les B.O. de film, ce n’est pas un exercice très facile… Des gens nous demandent régulièrement si nous avons déja composé des musiques pour des films – et la réponse est toujours « malheureusement non ». Mais si quelqu’un nous demandait si nous étions partant pour le faire, j’adorerais ça ! Je vais même te dire plus : j’adorerais ne faire que de la musique pour des films !

Quoi qu’on dise, Yawning Man sonne un peu comme Fatso Jetson, je trouve, surtout en ce qui concerne le son de guitare. Or ce qui est étrange finalement, c’est que Mario (Lalli, guitariste de Fatso Jetson) joue de la basse dans Yawning Man, or c’est toi qui joue de la guitare dans Yawning Man, pas lui. Cette similitude semble donc étonnante, comment l’expliques-tu ? Attribuerais-tu donc plutôt ces similitudes au fait que vous partagiez des influences musicales communes ?

C’est une question difficile… Yawning Man existe depuis bien plus longtemps que Fatso Jetson. Or j’ai toujours été le guitariste de Yawning Man. J’ai déja joué avec Fatso Jetson (ndlr : sur l’album « Flames for All », sorti sur le label Man’s Ruin) et écrit des chansons avec eux. Effectivement, nous aimons tous les deux les mêmes styles de guitare, « surf », latin… Mais qui sait ? Peut-être que l’on s’influence l’un et l’autre ? J’entends parfois des choses dans Fatso Jetson qui ressemblent beaucoup à mon style d’écriture, et je suis sûr et certain que Mario entend ici ou là dans les chansons de Yawning Man des plans que j’ai écrits et qui ressemblent à son style… C’est très naturel et très sain, je pense…

Mario et toi vous connaissez depuis longtemps, mais depuis quand jouez-vous ensemble ? On peut lire ici ou là que tu jouais de la guitare dans l’un de ses premiers groupes, Englenook, ou bien de la basse, aucune biographie n’est très claire là-dessus… Peux-tu nous éclairer sur vos débuts ?

Je n’ai jamais joué dans Englenook en fait ! Alfredo et moi avons commencé à jouer ensemble, seulement avec une guitare et une batterie, puis Mario nous a rejoint à la basse. Voici un peu comment cela s’est passé : nous habitions tous dans la même maison, et Alfredo et moi étions au chômage à l’époque, nous passions donc nos journées à boire des bières et à faire de la musique. Et quand Mario rentrait le soir du boulot, crevé, on le harcelait pour qu’il vienne jouer avec nous pour essayer toutes les super idées que nous avions eues dans la journée ! Au début il n’était pas trop partant, il avait Englenook, à l’époque, il n’était pas vraiment intéressé. Et puis un jour, il est rentré du travail et il a commencé à jouer avec nous à la basse. A partir de là tout s’est enchaîné naturellement et depuis ce jour nous n’avons plus jamais arrêté de jouer ensemble. Un peu plus tard, son cousin Larry nous a rejoint en tant que second guitariste. Et c’est comme cela qu’est né Yawning Man.

Revenons à ce que tu sous-entendais juste avant : on trouve ici ou là, dans les bios des autres groupes par exemple (Fatso Jetson, etc…) des informations contradictoires sur l’implication de chacun des membres du groupe, sur leurs activités, etc… C’est quand même étrange que rien ne soit plus clair sur vos parcours respectifs ! Par exemple, on peut lire un peu partout que tu as, par moments, quitté le groupe…

Je n’ai jamais quitté le groupe. Moi aussi j’ai lu sur internet ce genre de choses. Je ne sais pas d’où ça vient, je ne sais pas qui a propagé ce genre d’informations, mais c’est complètement faux, tu as raison. Alfredo et moi on a été choqués par certains des trucs que l’on dit dans nos biographies respectives ici ou là, ou dans des soi-disants historiques de nos groupes… Alfredo et moi avons tous les deux créé ce groupe, et j’en suis le principal compositeur. A partir de là c’est particulièrement décevant de lire ce genre de trucs. Mario et son cousin Larry ont parfois échangé leurs instruments, en concert, ça peut expliquer certaines de ces informations erronées, mais pas toutes…

 

Presque anecdotiquement, Yawning Man s’est en quelque sorte transformé en The Sort Of Quartet, alors que la musique n’est pas vraiment la même…

Non, je te confirme ! (hahaha) Les membres du groupe sont les mêmes, par contre, tu as raison.

Alors qu’en est-il aujourd’hui de Sort Of Quartet, est-ce terminé depuis que Yawning Man est « re-né » ?

« Re-né » ? C’est un drôle de terme, je trouve, surtout quand tu penses que Yawning Man ne s’est jamais vraiment rrêté ! Nous n’avons en tout cas jamais arrêté de jouer tous les trois sensemble, que ce soit sous l’étiquette « Yawning Man » ou bien tout autre groupe, ou projet… Mais c’est vrai que vu de l’extérieur, ça doit donner cette impression…

Pourquoi a-t-on selon toi ce sentiment, justement, que Yawning Man « re-vit » depuis récemment (la sortie d’un album de nouvelle musique, la sortie annoncée de vos vieux morceaux en 2005, une tournée européenne prévue…)… Pourquoi maintenant ?

Et bien ce n’est pas très compliqué : j’ai composé ces chansons, en les enregistrant sur un magnéto merdique, et je voulais vraiment les jouer avec des musiciens. J’ai donc appelé Mario et Alfredo. On a répété un petit peu, et on a foncé direct dans un studio pour enregistrer tout ça. Le fait que l’on ressorte maintenant ces enregistrements, je ne sais pas, c’est juste comme ça que ça s’est produit… On avait toutes ces vieilles bandes dans une armoire quelque part, et on trouvait vraiment que c’était trop bête de les voir vieillir là, alors on s’est dit qu’il faudrait vraiment se bouger les fesses pour les sortir ! Mais comme je te disais tout à l’heure, ce n’est pas comme si on avait arrêté de jouer ensemble entretemps et que tout d’un coup on souffle sur la poussière de nos instruments et qu’on essaye de rejouer nos vieux morceaux… On n’a jamais arrêté de jouer.

 

D’accord, mais vous jouiez sans aucune « trace » de votre musique (album ou autre…). Est-ce que ce n’est pas un peu frustrant, quelque part, de ne voir votre premier album sortir que maintenant, après une si longue « carrière »?

Non, parce que nous avons tous été amenés à jouer avec d’autres groupes, et à enregistrer d’autres albums depuis le temps, que ce soit Fatso Jetson, QOTSA, Sort of Quartet, Oddio Gasser… Ce n’est pas comme si après Yawning Man on s’était tous arrêtés de vivre et de jouer pour faire tout autre chose : nous avons tous joué et enregistré d’autres choses. Et puis le mot « carrière » que tu as employé n’est vraiment pas approprié au monde musical : carrière, c’est comme quand tu as un métier, et travailler ça craint, je ne considère donc pas Yawning Man – ou n’importe quelle partie de notre musique, d’ailleurs- comme une « carrière ».

Pourquoi avez-vous choisi le label Alone Records pour sortir vos premiers albums ? Cela semble étrange, c’est un label européen, or vous êtes américains…

Alfredo connaissait Alone Records, et puis Miguel (ndlr : le président de Alone Records) avait vraiment l’air très cool et honnête. De plus, il aimait vraiment la musique du groupe, et il tenait à sortir ces disques. Après, le fait que ce soit un label européen ou américain, qu’est-ce qu’on en a à faire ? On se fiche d’où tu viens, tant que t’es un mec cool, c’est tout ce qui compte…

La première chose qui surprend sur « Rock Formations » c’est le fait qu’il n’y ait pas de chant… Est-ce un choix délibéré ou bien est-ce que ça s’est simplement présenté comme ça, au fil de votre évolution ?

Nous nous sommes orienté vers la musique instrumentale très tôt, en fait, c’était vraiment l’influence du label SST sur nous. On ne pense pas vraiment au chant dans notre musique. J’ai sincèrement l’impression que ça fonctionne très bien tout seul, sans chant.

Oui, je confirme, par contre une chose m’intrigue : comment choisissez-vous les titres de vos chansons ? Est-ce que c’est vraiment dépendant du contenu des chansons, ou bien est-ce des noms bidons que vous choisissez après une cuite entre potes ?…

En général on écrit la musique d’abord, et ensuite on trouve le titre. C’est souvent lié à quelque chose dans notre ville ou notre environnement, comme un nom de rue par exemple, ou le nom d’un canyon ou d’un massif rocheux des environs.

Parlons un peu de l’avenir à court terme pour le groupe. Une tournée Européenne est déja planifiée, mais avez vous des concerts prévus aux Etats-Unis aussi ?

Oui, avec un peu de chance, une semaine environ en Californie…

Et quels sont tes plans pour les mois prochains, après la tournée européenne ?

Nous allons nous concentrer sur l’écriture de nouvelles chansons, et j’espère que nous pourrons les enregistrer et les sortir rapidement ensuite !

 

mars 2005 par Laurent.

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