Et si Lore n’avait été qu’un marchepied au véritable but d’Elder ? Si le précédent effort du trio (devenu quintet sur ce nouvel opus) n’était finalement qu’une ébauche de ses véritables intentions artistiques ? Souvenez-vous. Elder y faisait du Elder mais tâchait, un peu maladroitement, d’insuffler plus de progression, plus de respiration à ses enfilades de notes et ses circonvolutions rythmiques. On ressortait de l’écoute sur une impression mitigée, sur le sentiment que le groupe n’avait pas réussi à exprimer véritablement son propos, que cette tentative se perdait en exercice un peu gauche de provoquer le contrepoint.
Un essai finalement salutaire car avec « Reflections of a Floating World », Elder place la barre très haute et ne semble plus écrasé par ses ambitions. A l’image de l’artwork, l’opus tumultueux et acéré ne l’est que par la grâce de sa partie immergée, monde silencieux, profond et réfléchi. Elder ne balance ni plus ni moins qu’un merveilleux album de rock progressif. En jouant du clavier, en alternant véritablement les ambiances au sein de ses morceaux, en n’ayant plus peur d’épurer considérablement ses idées, de remiser la guitare, Elder ne se ré-invente pas mais grandit, devient plus mature et explose complètement son champs d’expression.
Avant même d’être surpris par les arrangements, on se retrouve face à un Nick DiSalvo affirmant enfin son chant. Précis, puissant, clair dans ses intentions, le leader maitrise enfin son sujet vocal là où l’exercice laissait à désirer sur les précédents albums. Nous voilà donc guidés par une voix sûre d’elle au milieu de compositions fleurant bon l’esprit d’aventure, d’expérimentations, provoquant l’écoute et son auditeur à chaque mesure. L’excitation du groupe est palpable, l’on sent les musiciens vraiment à l’aise dans cette nouvelle mouture où l’inventivité côtoie une technique jamais rassasiée et toujours juste. C’est à la richesse d’un King Crimson à laquelle on pense, c’est à toute l’intelligence du courant progressif que ce nouvel album fait référence. N’ayant plus peur de se reposer pour mieux exploser sa grammaire, le groupe se fend même d’un ovni de 9 minutes intitulé « Sontag ». Répétitif, limpide, d’une progression intense, le groupe tape avec ce titre dans un désir de transe et d’immersion qui tranche intensément avec son style habituel. Pourtant différent, le morceau s’intègre parfaitement à la track-list de l’album. Cohérence, maturité, une fois de plus.
L’album ne souffre en aucun cas sur la durée, passant même l’épreuve de la multi-écoute avec brio. On découvre à chaque fois des détails, des sons qui font de son architecture un travail solide et intelligent. Une production passionnante et passionnée, d’une cohérence solide à tous les échelons. De la composition à l’interprétation en passant par la réalisation, tout concourt à faire de ce nouvel effort un objet fait pour s’inscrire dans la durée.
Vous l’aurez compris, on tient avec « Reflections of a Floating World » une pièce maîtresse de la discographie de Elder. Peu importe où les gonzes iront ensuite, dans quelle direction se porteront leurs envies artistiques. Nous sommes face à une œuvre brillante, riche, intelligente, sincère et folle. Incroyable quand on pense à la moyenne d’âge des instrumentistes. Peu importe donc ce que deviendra Elder car ici et maintenant, il est immense.
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