On a toujours été de fervents amateurs d’Abrahma ici à Desert-Rock. Trop rares sur disque et sur scène, la perspective d’un nouvel album des français nous a mis en joie ! Ayant complètement refondu/re-conçu son groupe autour de lui, Sébastien Bismuth profite de ce line-up rafraîchi pour donner un nouvel élan au groupe… mais pas forcément celui que nous imaginions… dans le contexte de Desert-Rock !
Le trouble commence dès le premier titre, « Lost Forever », premier extrait de l’album, un très beau morceau (ayant bénéficié d’une vidéo audacieuse et réussie autour du concept de la dépression) qui rappelle parfois les titres les plus sombres de Hangman’s Chair. Dire que la suite est à l’avenant serait trompeur, et surtout réducteur au regard de la richesse développée par ce disque. Avec une durée moyenne des titres qui dépasse les sept minutes, Abrahma propose une profusion de riffs, de sons, d’arrangements, d’instruments, de breaks, de plans variés et élaborés… Prenez « Lucidly Adrift », on y retrouve des plans de metal (en mode classique, nerveux, voire extrême), des plans plus atmosphériques, un chant radicalement différent entre couplet, refrain et break (globalement, la performance vocale de Seb sur ce disque est rien moins que bluffante), tous types de sons ou arrangements de guitare (clair, saturé, joués en harmonie ou plus basiques lead/rythmique…), on y retrouve même des plans bourrins avec une batterie impressionnante en mode blast beat sur la fin ; on finit quasiment soufflé, éberlué.
L’album défile à cette image sur toute sa durée, dans une sorte de profusion de riffs, de breaks, de mélodies, de sonorités… L’auditeur est challengé en continu, ne peut jamais se reposer sur un titre un peu plus « confortable », il y a toujours un break sauvage qui l’attend un peu plus loin, un arrangement improbable mais réussi en fond, une montée en tension imprévisible qui s’installe… Impossible de cantonner Abrahma désormais à un genre musical ou un faisceau d’influences. Finis les plans stoner ou grunge, on pense désormais, en vrac, au fil des chansons, à Paradise Lost, The Devil’s Blood, certains Opeth, Type O negative, Ulver… la liste est sans fin ! En conséquence, In Time for the Last Rays of Light est un album qui requiert un investissement de la part de l’auditeur, ce n’est pas un album de « musique de fond » ; il doit être écouté et pas simplement entendu. Les écoutes qui se succèdent de fait font découvrir la profondeur des chansons, les subtilités qui les habillent et les structurent. On ne s’y ennuie jamais, non pas du fait d’une production artificiellement pompeuse, mais surtout par une qualité d’écriture que l’on sentait bien pointer sur les albums précédents du groupe, et qui trouve une certaine sorte d’aboutissement sur cette nouvelle, opulente galette.
Clairement, on n’est plus en face du Abrahma que l’on a connu. La maturité n’est pas la même, à l’évidence, mais le genre musical non plus… Abrahma laisse derrière lui le stoner qui a fondé ses premières incarnations (dont il se départissait progressivement sur ses deux premiers disques, admettons-le, si on se souvient de sa période en tant qu’Alcohsonic) et se fend d’un disque où se mêlent d’innombrables références metal riches et abouties. L’album est impressionnant de maîtrise, de qualité, de grandiloquence aussi. Il devrait logiquement trouver un public large, à sa dimension désormais. En revanche, il quitte notre périmètre musical de prédilection, et il est assez improbable que l’on le revoit dans nos pages à l’avenir. C’est donc avec une certaine nostalgie mais surtout plein d’espoir pour le groupe que l’on lui dit au revoir et bonne route.
(Pour donner votre note,
cliquez sur le nombre de cactus voulus)
Laisser un commentaire