On l’attendait ! Pile deux ans après la sortie du suprême Calm Black Water, les oracles des abysses refond surface pour nous offrir leur troisième prophétie. Un album une fois et demi plus long que le précédent, mais tout aussi profond. Un subtil mélange de mélodies atmosphériques envoûtantes entrecoupées de séquences distordues dévastatrices, que nos quatre amis de Chicago auront eu le bon sens d’intituler Chaotic Divine.
En juillet 2020, petite frustration en découvrant Infected Ambient Works, qui comme son nom l’indique, n’arbore que la facette ambiance du groupe. Vingt-six pistes (quand même) et pas une once de distorsion, pas un seul lâché de riff brutal, mais une farandole d’œuvres instrumentales planantes tout droit issue de l’éther. En y regardant de plus près, il s’agit d’un split entre REZN et Catechism, qui s’avère être le projet solo du claviériste, saxophoniste, percussionniste du groupe Spencer Ouellette. Ouf ! Seulement, trois mois plus tard, on découvre enfin le nouvel opus du quatuor américain, et c’est une bénédiction.
Pour comprendre la recette du groupe alliant les ambiances cosmiques et la lourdeur du doom, il suffit d’écouter l’introduction de Chaotic Divine : « Emerging ». Une pièce au tempo lent, à la rythmique lancinante qui monte dans un crescendo ténébreux où la voix du guitariste Rob McWilliams nous envoûte tout autant que la funèbre mélodie. Puis soudain, les eaux tumultueuses s’apaisent, et nous voilà en surface. La batterie qui cognait juste avant joue désormais en retrait, caressante, effleurant à peine la surface de ses cymbales. La basse roucoule, et les lourds riffs de guitare se sont substitués à un phrasé distant, comme la lueur d’une silhouette que l’on devine au loin sans en appréhender les contours. Nous y sommes. La substance d’REZN, c’est cette alternance, cette dichotomie, cet affrontement permanent entre deux forces qui se muent l’une dans l’autre, qui dansent.
Le passage de « Clear I » à « Optic Echo » en est un autre exemple. La première est un interlude psyché et contemplative, mais dans un registre sinistre ; l’objet de contemplation inspire le malaise, le bizarre davantage que le tripe cosmique. La seconde en revanche, libère toute l’énergie retenue jusqu’alors, exhibe toutes les craintes dissimulées à coup de doom puissant. Le saxophone et la voix ont beau apporter une certaine douceur, l’ensemble demeure d’une violence délicieuse.
Si jusqu’à maintenant, nous évoluons en terrain connu (« Inner Architecture » aurait tout aussi bien pu s’inscrire parmi les dix pistes du premier album Let It Burn), Chaotic Divine apporte aussi son lot de nouveautés ; ou plutôt les témoins de l’évolution du quatuor. Il y a tout d’abord le magnifique groove de « Garden Green » avec cette basse si ronde, si chaleureuse, tout en énergie contenue et qui évoque presque, je dis bien presque, une sorte de noir reggae des profondeurs. Cette piste enchaine à merveille sur « The Door Opens » où l’on est cette fois accueilli par une voix beaucoup plus bourrue et altérante qu’à l’habitude. Un chant grinçant et déchaîné qui renforcera le propos du morceau. Puis il y a « Scarab », un titre survolté au regard des précédents, et comme le groupe en compte peu. Un titre avec matière a remuer les foules lors des lives.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Off The Record aura eu le nez creux en signant à nouveau REZN. Le groupe s’épanouit au croisement de la puissance de Monolord, des ambiances cosmiques de Mars Red Sky, tout en apportant une pâte unique lui octroyant tout son charme. L’expérience REZN c’est accepter de découvrir un univers sombre, empli de bizarreries, de merveilles oubliées à dessein ; c’est plonger au cœur d’un abysse sans fond, où évoluent des créatures gigantesques et pas franchement bienveillantes. Une expérience que je ne peux que vous recommander.
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