Monster Magnet ne semble pas près de clôturer cette presque-décennie quelque peu “flottante” dans sa discographie : un seul album studio “normal”, 2 ré-interprétations de leurs albums et aujourd’hui, donc, un album de reprises. D’où provient donc l’intention qui a présidé à la naissance de ce véritable covers album (leur premier) ? Un peu paradoxalement, d’une vraie réaction à l’ennui, apparemment… Dans la torpeur covidienne de ces derniers mois, le sursaut semble avoir jailli d’une prise de conscience collective : le groupe (comprendre : Dave Wyndorf) s’encroutait, il était temps de trouver une bonne occasion de rebrancher les amplis. Avec zéro compo sous le bras (et aucune perspective d’inspiration dans ce sens : le Covid, ça vous gagne…), l’idée a rapidement germé d’engager la petite équipe dans le studio de Pantella quelques jours à l’arrache, pour y interpréter quelques vieux titres, de ceux qui hantent Wyndorf depuis ses premiers émois pubères. Une vraie dystopie donc : tandis que dans le “vrai monde” les forces créatrices de Wyndorf sont neutralisées par un virus mondial sclérosant, que l’ambiance générale est morne et créativement castratrice, le groupe trouve une porte de sortie à travers un environnement musical qui n’est pas directement le sien, via un ensemble de compos d’un autre temps, un temps plus simple, stimulant, naïf presque. L’occasion à la fois d’un retour aux racines et d’un coup de pied aux fesses pour aller de l’avant.
Comme tout album de reprises, la qualité de l’objet s’évalue à l’aune du choix des chansons, d’une part, mais aussi de la qualité et de la nature de l’interprétation qui en est proposée. Sur le premier critère, il est nécessaire d’écouter copieusement l’album pour se faire une idée, car si certains titres sont bien connus (les reprises de Hawkwind, de Pentagram, de Josefus…) d’autres sont bien plus confidentiels. Bénéfice pour Monster Magnet : on apprend à connaître les chansons via l’interprétation du quintette du New Jersey, avant d’entendre les originaux ; un coup d’avance pour nos lascars. Et du coup, le charme opère : on a l’impression bien souvent d’évoluer avant tout dans l’univers de Monster Magnet, ce qui a construit leur base musicale (essentiellement celle de leur pilier incontesté – Wyndorf). “Solid Gold Hell”, “Mr Destroyer”, “Situation”, “Learning to Die”… auraient pu figurer sur une production de l’aimant magnétique, la pomme n’est pas tombée loin de l’arbre. Les autres titres évoluent fort logiquement dans des sphères musicales plus ou moins variées, allant du psych/kraut rock au punk / garage, en passant par le heavy doom de Pentagram (via une interprétation de “Be Forewarned” moins lugubre certes, mais assez respectueuse au final). Au delà du paysage général dressé par cette délicate sélection, pris séparément, l’intérêt des morceaux est hétéroclite malheureusement… mais rétrospectivement, c’est aussi le cas de la plupart des albums du Magnet : il y a toujours un ou deux titres un peu approximatifs, moins intéressants… C’est le cas ici avec quelques morceaux sans intérêt énorme (“Solid Gold Hell” des Scientists, “Death” des Pretty Things…). En contrepartie, une poignée de titres tirent vraiment le disque vers le haut : on pense au “Born to Go” de Hawkwind bien sûr, “Mr Destroyer” de Poobah, le réjouissant “It’s Trash” (The Cave Men) et ce surprenant (car très récent, lui) “Motorcycle (Straight to Hell)” des Table Scraps, tout en binarité punky psyché (!).
Autre prisme d’écoute d’un album de reprises, l’interprétation est le pilier de ce disque : on n’abordera même pas le talent instrumental, sans objet ici. En revanche, dès les premières écoutes on est absorbé, emporté par la “patte” Monster Magnet, omniprésente, signe encore une fois du poids de l’identité du groupe, qui absorbe tout ici. Tout ce qu’ils touchent se retrouve assimilé, retranscrit au travers de la musicalité propre au quintette. Si bien qu’au bout de quelques tours de disques, on se retrouve à évaluer ce disque au même titre qu’un de leurs propres albums : les identités des groupes repris s’effacent peu à peu. Vraiment, c’est le phénomène majeur adossé à ce disque : l’assimilation sonore, musicale, est bluffante.
A Better Dystopia, œuvre d’un groupe au sommet de sa maturité, est une réussite : Monster Magnet évite toutes les chausse-trappes qui se présentent habituellement à un groupe qui se frotte à une reprise, avec une adresse qui force le respect. Mieux, ils transcendent l’exercice en assimilant parfaitement les compos choisies, proposant un ensemble cohérent et dans la droite lignée musicale de leurs récentes productions. Du coup, loin d’être un accroc ou une simple parenthèse dans leur discographie, A Better Dystopia risque bien, d’ici quelques temps, d’en être considéré comme un de leurs disques “normaux”. Un disque imparfait, clopinant ici ou là, mais disposant d’un sacré paquet de points forts. Une très bonne surprise en tout cas, fraîche et bienvenue dans le contexte actuel, qui nous invite toutes et tous à envisager ce même voyage dystopique et à s’y perdre quelques heures…
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