Plus de 20 ans après leur disparition, Iceburn revient par la petite porte avec cet album hybride (2 chansons seulement… mais presque 20 minutes chaque !) – et nous de nous pourlécher les babines ! Il faut dire que même si on avait laissé le groupe sur une touche un peu… “avant gardiste” (barré, quoi), on a depuis vu son fondateur, Gentry Densley, exploser (qualitativement) avec successivement son project Ascend avec le Lord, et surtout Eagle Twin, menant l’ensemble dans une progression étourdissante. En apprenant donc le retour aux affaires de Densley, qui a réactivé ce collectif (qui ne fut jamais vraiment groupe, puisqu’il en a toujours été le seul membre stable), qui plus est avec les trois autres membres fondateurs, on a eu du mal à dissimuler notre essitation.
Pour les retardataires, Iceburn, donc, est un collectif polymorphe, où les délires musicaux de Densley et ses copains trouvaient un véhicule parfait, navigant en eaux incertaines voire troubles, voguant entre doom et hardcore, jazz et rock progressif, noise et rock psyche… A noter : on parle d’une époque où le post-rock n’existait pas… Imprévisible à l’époque, Iceburn l’est toujours, et il faut d’abord s’accrocher pour avaler ces deux gros morceaux. Le sentiment d’être emporté un peu n’importe où sans trop comprendre et sans savoir. Même le chant de Densley, sa tessiture devenue si emblématique, clair mais tout en fond de gorge, s’il apporte la cohérence à l’ensemble, ne suffit pas à trouver et surtout garder ses repères. Ce ne sont pas les guitares qui vont nous aider dans cette entreprise : tranchantes dès lors qu’elles viennent asséner les foisons de riffs, mélodiques souvent, elles prennent des tours limite malaisants lors de plans en harmonie toujours sur la fine frontière entre le sublime et la dissonance (cet étourdissant solo au milieu de “Healing the Ouroburos”…). Quant au jeu de batterie de Chubba Smith, plus proche de percussions organiques souvent, il vient encanailler le tout et brouiller les pistes à chaque fois qu’une rythmique trop élémentaire pouvait être imaginée.
Les deux chansons sont (évidemment) très différentes, mais elles recèlent chacune en leur sein le potentiel de plusieurs chansons ! Une sorte de cheminement musical où les riffs s’enchaînent comme autant de séquences clés, emmenés par des breaks improbables ou des ponts presque majestueux. Même si une bonne part de la musique du groupe peut être rapprochée du doom (en particulier pour les séquences principales des chansons – cf le riff principal de “Dahlia Rides the Firebird”, emmené et trituré pendant la durée du morceau), on aura du mal à identifier un genre plus ou moins précis pour répertorier ce disque, qui emprunte aussi au psych, au metal, au kraut, au prog, au jazz… le tout sans jamais se départir d’un sens du groove bien particulier. On ne s’attendait pas à moins.
On peut probablement estimer que Asclepius est le meilleur disque de Iceburn – le plus dense à coup sûr, et le plus solide à plus d’un titre. Zéro remplissage, chaque seconde est utilisée avec soin, tout en prenant le temps d’installer les ambiances, d’organiser ses séquences… Inconfortable à plus d’un titre mais si chaleureux et généreux, ce disque se déguste avec un bonheur à chaque fois renouvelé (au bout de plus de trois mois, votre serviteur continue de le réécouter avec admiration). Un disque exigeant, qui se mérite, mais qui a tant à offrir. Un album d’esthètes.
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