Domadora – Renaissance


Quel bien étrange objet que ce Renaissance. Renaissance l’album, Renaissance la chanson, Renaissance le concept… ? Un disque, une seule plage musicale, et un jumelage audio-video, c’est ce que nous propose le quatuor français pour leur nouvel album.

Musicalement, la démarche est certes jusqu’au boutiste, mais procède néanmoins d’une certaine tendance logique : le groupe a commencé sa carrière par des albums assez « classiques » formellement (tout est relatif quand on parle de stoner-jam instrumental…), avec un certain nombre de chansons, mais ce nombre a réduit petit à petit, tandis que la longueur des plages musicales se rallongeait. Il n’est donc pas illogique de retrouver ici, comme un aboutissement naturel de cette démarche, une seule « chanson » sur leur dernière production. Qui plus est lorsque l’on sait que, comme d’habitude avec eux (et une petite poignée de groupes que l’on connaît), Domadora s’est contenté d’appuyer sur « REC » et a enquillé l’enregistrement en une seule prise, sans réfléchir, en impro. Toujours aussi ahurissant, mais on est habitué.

Ce qui est plus étonnant en revanche est cette imbrication audio-vidéo : celle-ci apparaît très vite comme structurante à l’écoute de la plage musicale seule, qui sonne décousue, déstructurée… C’est avec l’apport de la vidéo que l’ensemble trouve une existence cohérente, que le son et l’image se répondent, et que l’ensemble ne s’expose pas aux mêmes observations.

La musique seule propose une plage d’un peu plus de 40 minutes, qui prend son temps… vraiment ! En réalité, seules trois grandes séquences musicales très différentes émergent de Renaissance : après une intro bruitiste/drone et une lente montée en tension de plus de 8 min (!) une première salve très sombre déboule, montrant un visage assez dark de Domadora, sur une musique assimilable à une sorte de doom heavy bien plombé. Un peu plus loin, après une nouvel intermède musical déstructuré, on découvre le groupe sous un jour beaucoup plus frais et enjoué, avec un passage aux sonorités blues voire soul, pour une succession de plans transmettant une sensation plus solaire… Cette séquence en deux temps (avec toujours un intermède au milieu) s’achève pour préparer un troisième tiers plus noir encore, probablement la pièce maîtresse du disque : lancé par une intro lancinante aux échos post-doom (on pense à l’un des actes du Bongripper de The Great Barrier Reefer) il monte en tension avec une belle intensité, développant une ambiance pesante et sinistre à souhait. Structuré comme une séquence en deux volets (avec un passage calme au milieu), cette section fait bien le job de clôturer cette œuvre oppressante.

Une ombre au tableau : avec tous ces intermèdes et transitions sonores, ne restent de « vraie » musique que 23 minutes environ, à travers deux pièces très répétitives et sombres, et une autre un peu plus légère et mélodique. C’est là qu’intervient la valeur ajoutée de la vidéo : reposant sur des centaines d’extraits vidéos de toutes natures (bruts ou avec effets spéciaux), le groupe développe à travers leur apport visuel une large quantité de thèmes. Belles séquences oniriques (nature, nuages, planète, plans nocturnes de villes…), puissantes images guerrières, divers plans du quotidien ou sociétaux multi culturels (caricatures, vie citadine, hommes d’affaires, écoles…), images plus « implicantes » (visages aux regards pénétrants…), le tout est baigné par un fil rouge très Kubrickien (embryon / espace…). Ça dénonce un peu, ça montre, ça vise à faire réfléchir. L’enchevêtrement, voulu, provoque un sentiment de saturation, tout en restant mobilisé tout du long, du fait de l’effet quasi hypnotique obtenu. A ce titre, l’objet audio + vidéo fonctionne, effectivement : on avale cette succession de séquences, absorbé par le vortex musical, sans avoir le temps de vraiment réfléchir. On survole les préoccupations (apparentes) du groupe, on picore, certaines restent en mémoire, les autres défilent et cèdent leur place à de nouvelles idées…

En conclusion, on ne peut que louer cette initiative de Domadora : on n’est pas sur une idée gadget, le binôme audio + vidéo fonctionne. Pris séparément en revanche, on peut légitimement exprimer quelques réserves : la partie musique est intéressante mais un peu « légère » (quantitativement et en termes de variété), moins enthousiasmante que les productions précédentes du combo, plus orientée sur le développement d’ambiance sonore que de simili « chansons ». La vidéo apporte une vraie densité au concept global, mais reste dans une intention un peu diffuse, entre critique acerbe, beaux plans très esthétiques, séquences criptiques voire saugrenues… Bref, elle aussi trouve peu d’utilité sans son « miroir » sonore. On en vient à s’interroger sur le visage qu’on aime le plus chez Domadora : celui des jam rockers barrés mais efficaces, ou celui des esthètes créateurs « complets », plus imparfaits, mais novateurs. Pas évident…

 


 

Note de Desert-Rock
   (7.5/10)

Note des visiteurs
   (8/10 - 1 vote)

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