“Pourquoi” est sans l’ombre d’un doute le mot qui revient le plus souvent à l’esprit lors des écoutes répétées de ce disque. Mais petit retour arrière avant ça pour rappeler un peu le contexte… enfin, pas la peine de revenir très loin : il y a à peine 9 mois sortait ce qui, sur le papier, s’annonçait sensationnel. Un projet de “all stars” du stoner / doom concentrés sur un objectif qui naviguait quelque part entre premier degré fanboy et fantasme conceptuel un peu WTF : jouer des reprises de Slayer, parangon du speed metal, en mode stoner doom, rythmes ralentis et accordages bien grave… L’album n’aura malheureusement pas tenu toutes ses promesses, et le projet a un peu fait pschiit. Quelle surprise donc de voir déjà le projet se relancer pour sortir un deuxième disque la même année (!!).
Pour des raisons probablement pragmatiques, le groupe se resserre sur trois musiciens : Bob Balch, forcément, à l’initiative du projet, Esben Williams le batteur de Monolord (pratique : il fait aussi le mix et le mastering) et Amy Tung, de Year of the Cobra (pratique : elle fait basse et chant). Exit les autres contributeurs du premier disque : Scott Reeder, Peder Bergstrand et Laura Pleasants.
Selon Balch, le trio se serait engagé dans la reprise intégrale du EP de Slayer Haunting the Chapel (pourquoi ? On aurait eu tant de suggestions alternatives, tant qu’à jouer le jeu…), mais au bout du troisième titre, ils ne seraient pas parvenus à faire sonner convenablement “Captor of Sin”. Difficulté insurmontable qui les fait vite prendre un tournant finalement assez prévisible : au diable les préceptes fondateurs du groupe/projet, ils se sont donc attelés à composer de nouveaux titres. Mais avec quelle idée en tête ? Faire du metal lent ? Faire du doom ? Quel concept ? Personne ne le sait en réalité, mais on se retrouve donc avec cette galette de six titres sur la platine.
Deux reprises, donc, “Chemical Warfare” (assez réussie, pas le titre le plus mélodique de Slayer à l’origine, qu’ils parviennent à bien arranger) et “Haunting the Chapel” (dont l’enchaînement de riffs passe bien dans cette version très ralentie, qui développe une identité propre intéressante). Le reste, ce sont quatre compos, donc, et la question du concept continue de nous hanter : comment on fait pour composer des chansons du projet Slower ? Est-ce que l’on écrit des chansons de speed metal avant de les ralentir ? Est-ce que l’on vise à faire du stoner doom académique ? On ne le saura jamais, mais en tout cas les quatre titre ne sont pas inintéressants. C’est particulièrement le cas de “Hellfire” qui introduit le disque et a été judicieusement choisi comme premier extrait : très bon riff, bel arrangement très ample sur le refrain, bon choix de production (la voix d’Amy avec cet écho subtil)… Plus loin “Gates of Hell” fait preuve d’un grand classicisme dans le genre musical pratiqué (mais efficace) et “Sins of the Dead” propose des choses intéressantes (un refrain qui rappellera ce que l’on aurait pu entendre chez Mars Red Sky par exemple, un long solo où Balch se fait plaisir…). Plus de réserves sur le morceau-titre “Rage and Ruin”, que l’on aurait beaucoup plus de difficulté à rapprocher du concept initial, avec ses nombreuses plages plus atmosphériques, et son riff moins structurant.
Sur les cendres à peine chaude de son premier album-concept innovant, Slower n’aura pas attendu longtemps pour installer un vrai groupe/projet qui déjà se détache de son idée initiale pour proposer autre chose. Ce “autre chose” trouvera-t-il sa place dans l’aréopage de formations évoluant déjà dans ce style musical, chacune avec des degrés d’implication, d’intégrité et de talent variables ? Loin d’être infamant, Rage and Ruin montre des choses intéressantes, et à ce titre mérite qu’on y jette une oreille. Les éléments fondateurs de l’intention sont plus intrigants, et on revient inévitablement à la question… pourquoi ?
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