On tend aujourd’hui l’oreille vers la Belgique, attiré par les complaintes démoniaques résonnant d’une cavité profonde et qui font vibrer les sous-sols de Charleroi depuis quatre ans maintenant. Les prophètes du jour se nomment Absynth, un quatuor inspiré signé chez Southcave Records et qui propose un doom puissant et grassouillet à souhait. Retroussez vos manches, décrassez-vous les boites à miel, car c’est une épaisse couche qu’on va se tartiner.
Après un EP éponyme sorti en 2017 et un single un an et demi plus tard, il faut attendre juillet 2021 pour enfin apprécier une pièce soigneusement usinée comme l’est ce premier album Plèbe 2178. Originellement prévu pour 2019, le bougre aura vu sa sortie repoussée, pour des raisons sans doute multiples, avant d’enfin nous arriver à l’orée de cet été dégueulasse. Et quelle découverte !
Tout commence avec « Pigs, Dogs & Whatever you want ». On arpente ici un rivage doom sombre, les pieds dans un marécage sludgy au tempo lent. Les grattes d’Antoine et Gaëtan flottent comme un épais brouillard saturé de toxines électriques qui vrillent l’esprit, tandis que basse et batterie imposent une rythmique puissante, percutante, tels les pas d’immenses créatures monstrueuses dont la simple vision des contours hérisse le poil. Là-dessus, le chant torturé d’Antoine vient par instant sévir, menaçant, à l’instar d’éclairs frappant sporadiquement cette plaine désolée de leurs inflexions surchargées.
Si vous ne deviez écouter qu’un titre, je vous aiguillerais de suite vers « Psychiatre Carcérale Pyschopathe ». Bon déjà, rien que pour le nom, mais ce titre se révèle aussi un véritable monument, érigé à la gloire du doom. D’abord une ligne de basse crade à souhait, vite rejointe par le jeu puissant et non moins habile de Douglas, qui derrière sa batterie débite les tronçons comme un furieux bucheron. La frénésie règne un moment avant que le calme s’impose peu à peu. On entre alors dans l’œil du cyclone, une accalmie saine évoquant par moment REZN. Puis, comme on s’y attendait, les guitares sonnent le glas de la trêve et l’univers explose à nouveau dans un groove abyssal d’une puissance dévastatrice.
Plèbe 2178 nous propose aussi des pièces comme Gasp, sorte d’interlude sonore dérangé, qui nous rappelle que le groupe, certes confiant de son identité, ne rechigne guère à verser dans l’expérimental et encore moins à nous en partager les résultats. « Black Land Rituel » prend le relai, morceau sorti en février 2019 et admirablement intégré à l’album. Album jouissant d’une prod et d’un mix aux petits oignons. Il n’y a qu’à comparer avec l’EP de 2017 pour se rendre compte du travail accompli et de la qualité du rendu.
Une belle promesse en somme. Si Absynth n’en est pas à sa première production, cet album à l’artwork de Willy McDope, représentant la cabine d’un vaisseau pirate dérivant aux confins de la galaxie, se positionne comme une très belle première pierre à un édifice qui atteindra, on l’espère, des sommets inégalés.
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