En Norvège, le metal et l’église sont étroitement liés. Par le feu principalement, criminel, de quelques jeunes devenus membres légendaires des groupes de la première vague black metal à l’aube des années 90. Årabrot, en bons musiciens norvégiens, ont quant à eux acheté une église et l’ont transformé en studio. Voilà 15 ans maintenant que le quatuor s’évertue à faire vivre une musique à la croisée du métal, de la noise, du blues, de post punk et du doom, un peu. Pas stoner pour un sou non, mais une vraie volonté de lorgner vers l’art de la transe nébuleuse comme les américains l’ont produite dans les années 90. Dès leur troisième album (The Brother Seed) donc, Kjetil Nernes et les siens ont opté pour Seve Albini à la production avant de confier les deux suivants (Revenge et Solar Anus) à Billy Anderson. Voilà qui pose leurs intentions. La carrière du groupe se lançait alors doucement lorsque Nernes fut terrassé par une forme peu courante de cancer dont il mit un temps fou à se remettre. Conscient alors de la fragilité de l’existence, le garçon met ses questionnements philosophiques et sa rage en musique. Le résultat sort en 2016, se nomme The Gospel et a remporté un Grammy en Norvège. Cet album n’est rien d’autre qu’un essentiel et Who Do You Love lui emboite le pas avec classe.
Si le nom de leur 8ème album se réfère directement à une chanson de Bo Diddley (« Who Do You Love », 1957), la musique, elle, s’imagine toujours comme une réponse froide et métallique aux digressions des Melvins ou de Sonic Youth. Il y a même, plus que jamais, du Killing Joke (« Warning ») au détour de thèmes, d’intonations vocales. « Maldoror’s Love » en ouverture de disque pose l’ambiance. Le personnage habité par Nernes éructe, braille, psalmodie et le disque se pose ainsi en suite logique de son glorieux prédécesseur. Si idée de voyage il y a, c’est d’un voyage long et déprimant, celui d’un tour bus sillonnant le pays, comme le suggère les dissonances anxiogènes de « The Dome ». Le fan de doom verra son attention particulièrement retenue par « Look Daggers » (probablement le meilleur titre de l’album) ou la reprise du standard black popularisé par Nina Simone « Sinnerman » (déjà disponible sur l’EP sorti quelques mois auparavant) mais saura également apprécier l’aération voix/clavier « Pygmalion » ainsi que la lancinante « Sons And Daughters », deux titres mettant à contribution vocale la claviériste Karin Park. Ni trop long (le mal de cette décennie en matière de musique) et jamais ô grand jamais répétitif, Årabrot signe là un nouveau chef d’œuvre. Et si on tenait là le groupe rock le plus inventif de ces dernières années ?
Point vinyle :
Sorti chez Pelagic, l’artwork de Who Do You Love est soigné, rendant hommage au malsain de sa pochette. L’album vient avec un insert (paroles et surtout une jolie histoire du journaliste/essayiste anglais John Doran) et une download card. Vous le trouverez en Brown/beer (250ex), clear (250ex) et en black tout simple. Pour tous les goûts donc.
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