Il leur aura fallu presque quatre ans à ces salauds pour le pondre, ce « Earth Rocker ». Quelques années passées à fignoler une petite poignée de titres (11 morceaux, pas plus), des titres efficaces, pas trop longs, juste ce qu’il faut (45 minutes au garot, old school style). Quand on demandait au groupe il y a quelques mois de nous décrire leur album, ils disaient qu’il serait plus rock, plus direct, plus basique… c’est ce que disent TOUS les groupes de rock pour répondre à une telle question, c’est rigolo… Sauf que eux, ils l’ont fait.
Preuve en est, le single éponyme joue un rôle fondateur d’introduction de la galette, il constitue une passerelle impeccable mêlant du Clutch typique (couplet scandé par Fallon, rythmique groovy) avec des bases rock déjà prégnantes (refrain aboyé comme jamais, riff vicieux). Et bim ! c’est parti. Pas plus tard que sur le titre suivant, le bien nommé « Crucial Velocity », on prend une claque dont on aura du mal à se relever dans la demi-heure suivante : on se demande d’ailleurs très légitimement si Tim Sult, en plus de 20 ans de carrière, a tout simplement déjà joué riff aussi féroce que sur ce refrain, ou que Dan Maines a déjà eu une attaque de cordes aussi véloce (on le sent serrer la mâchoire rien qu’en l’écoutant porter le superbe solo de Sult vers la fin du titre…). Et ensuite, ben on a beau chercher, ça débande pas. « Mr Freedom » avec ses airs de « Burning Beard » en plus groovy, « D.C. Sound attack » et son impeccable accompagnement d’harmonica (sans Oblander aux manœuvres) qui amène un refrain assez dantesque que l’on s’imagine déjà hurler en concert… Et dès que la tension feint de revenir à un niveau normal, ils enquillent un épileptique « Unto the breach », lui aussi doté d’un excellent solo de gratte avec un effet de pédale saccadé (putain, Tim Sult a le charisme d’une moule neurasthénique, mais quel joueur !).
Là où un groupe de rock normal aurait collé une balade « prétexte », un truc sirupeux, Clutch place en plein milieu de son disque un petit joyau électro-acoustique, « Stone cold », sobre, ambiancé, modeste, où chacun se met en retrait à l’exact opposé des autres titres. Le grand écart est réussi. « The face » remet les montres à l’heure, et permet de mettre en valeur le jeu de batterie de Gaster, qui sur ce titre alterne les styles de jeu : frappe de mule, envolées de charley, nappes de cymbales, le bonhomme joue sur tous les tableaux, toujours à bon escient, sans jamais dépasser ses prérogatives de modeste joueur rythmique.
Le dernier tiers de l’album n’est pas le plus percutant, mais peut-être le plus intéressant. « Book, Saddle, & Go », du Clutch pur jus, met la barre assez haut en termes d’efficacité. En dégainant ensuite « Cyborg Bette », même s’il n’y paraît pas, Clutch explore des territoires assez inédits : son riff de pur rock’n’roll porté par la caisse claire de Gaster, son couplet que Sult accompagne de licks de gratte aux frontières du bon vieux shredding (voir à ce titre son solo « en arrière plan » aux deux tiers du titre)… bref, ça décoiffe un peu. « Oh Isabella » offre lui aussi un écrin impeccable pour permettre à Tim Sult de montrer l’étendue de son spectre musical, et « The wolfman kindly requests… », lui, nous rappelle que Neil Fallon a survolé cette galette sans jamais faire de vagues, tout en la pierre angulaire du « genre Clutch ».
L’inconvénient de ces albums « plus rock », est que l’on s’en lasse plus rapidement. Après plusieurs semaines d’écoutes, je suis désormais assuré que ce n’est pas le cas de ce disque éblouissant, décidément une réussite sur tous les tableaux. Un sans faute que l’on n’osait attendre. Même l’artwork est réussi (ce à quoi le groupe ne nous avait pas forcément habitué). Ce retour aux basiques fait chaud au cœur, et à ce titre, « Earth Rocker » est un titre parfaitement adapté pour qualifier cet album. Enfin, personnellement j’avais une meilleure idée, mais on me souffle que le titre « Pure Rock Fury » était déjà pris, il aurait pourtant été parfaitement approprié…
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