Quelle vitalité pour Clutch et ses 13 albums en moins de 30 ans de carrière, couvrant en quelque sorte tout un pan de la musique rock américaine. De leurs débuts hardcore et doom – logique pour un groupe des 90’s venu du Maryland – toujours portés par l’obsession du groove, le quatuor s’est peu à peu ouvert à d’autres influences, accueillant le blues, la country, agglomérant tout ce qui est finalement constitutif de la culture musicale US pour devenir l’une des plus justes expressions de l’art underground du pays. Passés par les majors puis les éphémères labels rock des années 2000, le groupe a fini par créer sa propre structure et récupérer un contrôle total sur une carrière exemplaire malgré les embûches. Et tous cela sans changer de personnel. Les quatre mêmes amis, réunis pour la fuzz, le swing et le rock’n’roll. Point d’orgue de leur façon d’encapsuler les joies et les maux de leur pays, ce Book Of Bad Decisions (2019) qui raconte mieux que quiconque ce que sont les USA de Trump vus par les yeux de quatre américains tout sauf moyens.
Book Of Bad Decisions fermait une décennie, celle des 2010’s, qui a vu Clutch devenir bien plus gros qu’il ne l’a jamais été. Porté par les hits de ses 3 derniers albums, banderilles rock immédiates, la carrière du groupe a fait un saut significatif, passant des courts circuits fuzz aux festivals Mainstream. Charge à Sunrise on Slaughter Beach, leur 13ème album, de garder le groupe alerte. Une alerte rouge (“Red Alert”) pour débuter, comme ce single et titre d’ouverture de l’album craché début avril. Un titre feignant, ersatz de ce qu’Earth Rocker avait de meilleur à proposer. Confiée à Tom Dalgety (Royal Blood, Ghost, Rammstein mais surtout pour moi le Pylon de Killing Joke) la production de l’album est claire, très rock et fonctionne plutôt parfaitement si ce n’est qu’elle ne laisse pas de place pour les astuces et autres moments de flottement. L’album semble avoir été pensé pour aller à l’os. Une montagne d’os (“Mountain of Bone”, un super riff et c’est à peu près tout) même, rampant vers des sphères où le rock se sophistique, un monde dans lequel je me sens vite perdu. Du bout de ma lorgnette, j’entends dans ce disque quelque chose s’approchant des Arctic Monkeys, période AM ou… des Queens Of The Stone Age, tout simplement. C’est en tout cas ce niveau « d’élégance » – les guillemets servant à marquer ma distance, voire ma désapprobation qui ne s’entend pas forcement à l’écrit.
Pour quelques excellents mid-tempo (« Slaughter Beach », « Mercy Brown »), combien de morceaux certes porteurs des merveilles d’écriture de Neil Fallon ou des patterns raffinées de JP Gaster, mais affaiblis par la recherche de la perfection ? Passé l’oxymore (than words) reste un album court (un bon point), bien au-dessus de la moyenne des productions rock léchées de l’année (encore faudrait-il que je m’y soit plus penché) mais bien en deçà de ce que Clutch a pu proposer jusqu’ici. A ranger avec Psychic Warfare dans la pile des dispensables plutôt que dans la pile des essentiels, dans laquelle figure – et c’est un tour de force – quasiment les 11 autres albums de leur discographie.
Point vinyle :
Pour ceux qui souhaitent profiter en grand de la vilaine pochette de ce disque pas ouf, le vinyle cher est fait pour vous. Comptez un peu plus de 31 euros pour la version black, 42 pour le picture disc (qui présente l’avantage non négligeable de s’abimer plus vite. Après y peu de chance que vous l’écoutiez souvent donc ça va). Une version violette – au même prix que la black – semble tout de même disponible pour l’Europe. Le bonheur ne s’achète pas mais pour le reste il y a Mastercard (ou PayPal ou Electron mais c’est vite plafonné).
(Pour donner votre note,
cliquez sur le nombre de cactus voulus)
Je n’ai pas encore écouté l’album mais rien que pour cette chronique il vaut le coup!