Quatre années bien tassées ont défilé depuis The Task Eternal, le précédent opus du trio bordelais. Une éternité. Loin de se faire couper les ailes par un COVID dévastateur et castrateur pour les artistes, Mars Red Sky s’est démené pour défendre son bébé sur les routes sur la longueur (faisant même partie des premiers groupes à, coute que coute, reprendre leur activité, dans des conditions compliquées, confinant même parfois aux limites de l’absurde, rappelez-vous…). Conséquemment, le groupe n’a jamais vraiment disparu des radars, et le voir revenir avec un nouveau disque n’est pas surprenant. En tous les cas nos attentes sont élevées, The Task Eternal nous ayant laissé sur cette sensation de maîtrise absolue, du grand art, mais manquant peut-être avec le recul de ce petit facteur décisif, cette sortie de circuit, cette prise de risque qui emmène et installe un album dans les sentiers de l’excellence.
Dawn of the Dusk est différent de son prédécesseur, en cela qu’il joue clairement sur deux tableaux. Avant tout, il repose sur les forces du groupe, développant encore ce style si singulier, qu’il s’agisse du genre musical ou même plus précisément du son. L’équation musicale est à peu près inchangée : des mélodies lentes, des riffs doom qui viennent emprunter à la pop des atours toujours plus catchy, des leads guitare spatiales décolant à grands coups de wah-wah, le chant unique, fragile et aérien de Julien, le son dual guitare/basse empli d’une fuzz roborative, croustillante et sirupeuse, et cette rythmique en béton armée qui vient ancrer le tout. Franchement, les repères sont là et bien là.
Le second fait d’arme du disque est sa volonté d’exploration, inédite dans ces proportions. Soyons clairs : le groupe ne verse ni dans le hardcore ni dans le grind et on ne dévie jamais trop loin de leur identité. Néanmoins, on note plusieurs immersions dans des territoires un peu neufs, à commencer, évidemment, par “Maps of Inferno”, le single de l’EP/Split sorti il y a quelques mois, en compagnie de l’artiste folk Queen of the Meadow, ici au chant. Dès le morceau suivant, “The Final Round”, c’est Jimmy (basse) qui s’empare du micro pour là aussi apporter une patte bien différente, pour un titre à l’identité très marquée. On s’attend ensuite à du plus classique… raté : en lançant la face B avec l’instrumental “Choir of Ghosts”, MRS nous amène dans des territoires doom aux limites du post rock le plus lugubre, pour un titre de transition froid et puissant, qui rappelle furieusement Bongripper avec sa rythmique lancinante et pachydermique, ses breaks et ses leads en fond de mix.
Autour de ces titres, le reste est tout en confort, le trio ramenant la barre vers des territoires plus habituels, avec une poignée d’autres compos réussies, plus “classiques” dans le répertoire du groupe, à l’image de “Slow Attack”, ou encore “Break Even” qui introduit la galette.
Difficile pour l’amateur de Mars Red Sky de ne pas trouver ce disque réussi : tandis que certains de leurs premiers disques proposent probablement l’expérience la plus harmonieuse et cohérente (on continuera à les conseiller aux néophytes pour découvrir le groupe), ce Dawn of the Dusk capitalise sur ce savoir faire (en apportant encore quelques pépites de “MRS classique” qui trouveront vite leur place dans les set lists live du groupe) et en même temps tente des choses, apporte de la fraîcheur, de l’expérimentation, de la mise en danger. Mars Red Sky propose ici probablement le disque que l’on attendait à ce moment de leur carrière, s’affirmant plus que jamais comme notre fleuron national dans ce style musical dont ils sont quasiment les seuls hérauts. Gloire à eux.
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