Après 6 ans de carrière et 3 albums au compteur avant celui-ci, Monolord n’a plus rien à prouver à personne mis à part peut-être à eux-mêmes. Evoluant dans un genre codifié au possible et régi par des lois quasi-immuables depuis les premiers méfaits sabbathiens du début des années 70, nos 3 amis suédois ont décidé de frapper un grand coup, de se remonter les manches (de guitare) et de rebattre les cartes. D’abord, exit Riding Easy et bonjour Relapse records afin de donner une énergie nouvelle à leurs ambitions débordantes. Et puis, le nouvel album ne doit pas seulement ravir les oreilles mais aussi les yeux, l’artwork d’un album étant l’un des éléments majeurs pour se démarquer à l’heure où le marché est inondé de nouveaux groupes aux dents longues qui veulent eux-aussi leur part du gâteau et qui sont prêts à foutre à l’EHPAD les « anciens ». Sur ce point, c’est amplement réussi et le visuel de No Comfort (une peinture d’Alexander Fjelnseth intitulée “Delusions of Grandeur”) devrait avoir fière allure au milieu de ses congénères chez les disquaires, une espèce malheureusement en voie d’extinction. Mais surtout, le nerf de la guerre, c’est le son. Et chez Monolord, tout a toujours été fait pour ravir nos cages à miel qui ne demandent qu’à être maltraitées, sur galette comme en live, terrain de jeu favori des suédois qui ont écumé pratiquement tous les recoins du vieux continent.
Dès le premier titre, Monolord fait du Monolord et on n’est pas dépaysé : Thomas fait gronder sa guitare sur un riff tellement simple qu’il en est génial, Esben maltraite ses fûts, Mika est égal à lui-même et la voix d’outre-tombe de Thomas accompagne avec délice ses parties de gratte. Pourtant, un doute nous habite : la structure de “The bastard’s son” ressemble comme 2 cordes de basse à “Empress Rising”, le totem du groupe paru en 2013. Monolord ne se serait pas un peu foutu de nous par hasard ? Du coup, les beaux espoirs s’envolent et on se dit qu’on va se taper un “Empress Rising” bis (des mauvaises langues diront même qu’ils ont réussi à faire encore plus chiant qu’”Empress Rising”, j’ai les noms !). Et on se dit : « merde, Monolord est capable de mieux que çà ! »
Et puis, petit à petit, tout va changer avec l’arrivée de “The Last Leaf” (n’hésitez pas à jeter un œil à son clip apocalyptique franchement grandiose), un mid-tempo inspiré et prenant, à la fois puissant et hypnotique. Cà y est, Monolord a lâché la bride et s’adonne aux joies de guitares qui ne sonnent (presque) plus comme un bombardement de B-52 et qui offrent au titre une subtilité et une fraîcheur qu’on ignorait chez eux. En parlant de subtilité, que dire du splendide “Larvae” si ce n’est qu’on reste sans voix : une des premières ballades doom de l’histoire, chic alors ! Là pour le coup, les gars nous surprennent franchement. Certes, on n’est pas prêt de l’entendre lors d’un mariage mais je paie une bière au premier qui osera !
“Skywards” est du Monolord tout craché : cette basse rêche et abrasive et cette rythmique de mammouth (Esben se lâche comme jamais sur ses peaux), pas de doute, les maitres du doom ont encore frappé fort. Mais ce n’est rien à côté de la suite qui s’intitule “Alone together”. C’est bien simple, ce titre aurait été parfait dans un western de Sergio Leone en accompagnement musical d’un duel au pistolet (vous savez, ce moment où le héros est au sol et qu’il n’a plus qu’une balle pour sauver sa peau contre 4 mecs face à lui…) ou pour illustrer la déchéance du cowboy solitaire. En conclusion, le titre “No Comfort”, véritable pièce d’orfèvrerie, est une crépusculaire ode à la mort, un final en apothéose qui vous laissera exsangue et abasourdi.
Cela ne m’a pas sauté aux oreilles durant les premières écoutes et il aura fallu attendre la cinquième ou sixième écoute pour m’en rendre compte (il faut pour cela l’écouter impérativement dans l’ordre et dans son intégralité) : No Comfort est un album-concept sur la vie… Oui madame, sous ses airs brutaux et sans concession se cache une galette qui évoque, tout au long des 6 titres qui la composent, toute une existence de la naissance à la mort. Vous ne me croyez pas ? “The Bastard’s Son” évoque la naissance d’un être (rien que le titre met la puce à l’oreille), “The Last Leaf” pourrait s’apparenter à l’adolescence, un âge où l’on se découvre et l’on s’ouvre au monde (Monolord va conquérir de nouveaux fans rien qu’avec ce titre, j’en suis persuadé…) et “Larvae” (la fameuse « ballade ») représente l’amour et le désir, la plénitude d’avoir trouvé son âme sœur et de partager sa vie avec l’être aimé. “Skywards” pourrait s’apparenter à la difficulté d’assumer le temps qui passe et le refus de vieillir, “Alone Together” évoque bien évidemment la fin de l’existence, la peur de la solitude et ce sentiment terrifiant que la fin est proche. Et “No Comfort”, épitaphe parfaite de cet album, en guise de requiem. Essayez d’écouter l’album en y pensant et vous verrez si cela vous saute aux oreilles autant qu’à moi…
No Comfort semble être le pilier de la carrière de Monolord, le fameux « album de la maturité », celui sur lequel le groupe va et doit s’appuyer pour les années à venir. Il représente le moment crucial où le groupe peut devenir énorme (enfin, encore plus qu’il ne l’est déjà…), conquérir de nouvelles terres inexplorées (la tournée américaine qui s’approche sera un tournant pour leur avenir) et devenir l’un des plus grands groupes de sa génération. Ils s’en sont donnés les moyens avec No Comfort, au public d’être réceptif, d’aller les applaudir sur scène, de les soutenir à travers la planète et de répandre la bonne parole. En tout cas, pour ma part, je suis encore plus converti et convaincu qu’après la sortie de Rust… Ils seront au festival Up in smoke le 3 octobre, le lendemain à Reims (comptez sur moi pour y être !) et le samedi 5 octobre à Paris. Vous savez ce qu’il vous reste à faire…
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