Möuth est un jeune trio suédois, sans signe particulier en apparence, en activité depuis moins d’un an, sortant un album à l’artwork un peu clichesque, sur un label tout à fait confidentiel… Dans un monde normal, la probabilité que l’on accorde plus de 5 minutes à un tel cas est extrêmement faible. Pour autant, l’alignement des planètes fut favorable… et le talent du groupe a fait le reste.
En droite provenance de Stockholm, Fredrik Aspelin, Erik Nordström et Martin Sandström (so cliché) se sont rassemblés derrière ce sobriquet à tréma, et moins d’un an plus tard, direct, ils ont enregistré ce disque. Quelques concerts ici ou là, dont un Duna Jam, et Paf ! Un album. 40 minutes, huit morceaux et demi – limite prétentieux, les jeunes. Enfin « jeunes » : en grattant un peu cette image d’Epinal, on comprend que les musiciens sont en fait de vieux amis, qui sont plus proches de la quarantaine que de la vingtaine, et qu’ils ont tous traîné leurs guêtres dans plusieurs formations suédoises, peu connues toutefois. Möuth se veut donc un vaisseau de leurs intentions musicales convergentes, une plateforme leur permettant de mêler leurs appétences et un soucis d’efficacité, les années et l’expérience aidant.
Il ne faut pas attendre longtemps avant de déceler qu’on a là quelque chose d’atypique, et finalement d’extrêmement qualitatif.
En revanche, la musique du trio est difficile à décrire simplement : les pieds sont bien ancrés dans une base de heavy rock assez énergique, avec des emprunts assez massifs à tous les sous-genres du stoner, du psyche, voire du grunge ici ou là… Tandis que le socle musical est très instrumental, le chant de Nordström vient apporter un élément bien distinctif à la musique du groupe… avec des passages parfois un peu nasillards (« Mantra » par exemple) qui pourront en première approche déstabiliser un peu. Mais globalement, le bonhomme sert bien les compos, ses lignes de chant s’appliquant efficacement et sans outrance à des sections où l’instrument se sert quand même la part du lion : une structure rythmique riche qui sait délivrer de bonnes portions de groove lorsque nécessaire, et des plans de guitare en apport mélodique à la rythmique, ou via des leads efficaces et sans outrecuidance.
Sur le papier, c’est du vu et revu maintes et maintes fois, ça donne pas forcément envie. Mais à l’écoute, il se passe quelque chose : non seulement ce disque est blindé de petites perles de composition complètement addictives, mais il est traversé de véritables moments de grâce. Au rayon efficacité, difficile de faire mieux que « Holy Ground » : gros riff nerveux (5 notes de musique, la base), refrain court et percutant, break / leads avec solo flamboyant mais pas flambeur en final… Du travail d’orfèvre. Parfois, le trio se pare de ses plus beaux atours psyche, allant jusqu’à se vautrer dans des plans aux confins du kraut rock, pour un résultat absolument impeccable (« Dirt », le remarquable et léger « Alike » qui convoque les groupes de kraut old school mêlé à des reflets presque… surf rock, puis garage rock !). On ne détaillera pas chaque titre, chacun apportant une nuance supplémentaire à un disque qui n’en manque pas, mais on pourra zoomer sur probablement le point culminant de ce disque, « Sheep » : sous ses atours de mid-tempo un peu dark, le titre se dévoile sur sa dernière moitié toute instrumentale à travers une succession de plans de pure perfection musicale : leads glorieux (jamais d’enfumage technique) avec renforts impeccables de wah-wah, riffs acérés, contre-riffs (!), le tout arrive couche après couche, pour mener à un final jouissif.
Difficile de prédire de quoi seront faits les lendemains de Möuth : peu exposés (label confidentiel, peu de médias en parleront…), peu présents sur scène (en outre ce ne sont plus de jeunes loups capables de passer des mois en tournée), il est à craindre que le trio suédois reste un petit secret de niche. Ça ne diminue pas la qualité de ce Global Warning, une petite perle dans un paysage musical qui parfois tourne un peu en rond.
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