S’il ne fait de doute pour personne ici que Nebula est un groupe majeur de la scène, je suis sûr que si je faisais une décente inopinée dans vos playlists, Spotify ou discothèques, je serai effaré du peu de Nebula que j’y trouverais. Du Monolord oui, ça dégouline sur les étagères ou dans l’iPod Shuffle, même les albums les plus dispensables, du Monster Magnet sans problème et du Kyuss à foison, en même temps c’est de saison. Mais Nebula semble plus être dans cette étrange case du respect poli. Le groupe dont personne n’ose dire du mal sans pour autant les écouter. La faute à qui, la faute à quoi ? Au peu de tournées ou apparitions marquantes en Europe ? La Faute à Eddie ? Car Glass remplace plus qu’il ne répare et ces incessants changements de line up ont sans aucun doute contribué à diluer l’intérêt de son groupe lorsqu’il était dans la fuzz de l’âge. Pourtant le début de carrière du trio (trois ex-Fu Manchu à la base, pour rappel) est pas loin d’être impeccable, nous ayant laissé au moins deux chefs-d’oeuvre et une poignée d’EP de grande qualité. Je rajoute au pot les Peel Sessions de 2008, on ne s’y était pas trompé dans notre chronique (ici). Mais depuis ? Depuis les départs d’Abshire et de Ruben Romano, et malgré des passages plus ou moins marquants de cadors tels Isaiah Mitchell (Earthless), Adam Kriney (La Otracina, autre groupe que vous n’écoutez pas assez !), Rob Oswald (Karma To Burn) ou Ian Ross (Roadsaw) ? Depuis, Nebula continue de creuser le sillon du psychédélisme heavy, comme statué sur son vrai faux album Heavy Psych, assemblé à la hâte pour le marché japonais mais à haute teneur en acide lysergique. Et puis le split, 10 ans d’inactivité au moment même du revival stoner. C’est ce qu’on appelle une vraie gestion de carrière.
Revenu d’entre les morts chez Heavy Psych (Sounds, le label, pas l’album, suivez un peu !), Nebula est désormais le projet d’Eddie Glass (était-ce différent avant ?), flanqué du fidèle Tom Davies (ex The Freaks, un groupe que vous n’écoutez jamais, ne faites pas genre) en poste depuis 2005 et Michael Amster, batteur de grand talent vu chez Mondo Generator et Blaak Heat (un groupe qui nous manque). Holy Shit (2019) est un album aussi honnête qu’oubliable et c’est peut-être ça qui a poussé Nebula dans la catégorie des groupes dont on ne dit pas de mal sans pour autant vraiment les écouter. C’est donc dans ce contexte de désintérêt quasi général que sort Transmissions From Mothership Earth (à l’heure d’écrire ces lignes, pas une version vinyle n’est encore sold out chez Heavy Psych, il n’y a donc pas que moi qui m’en suis détourné de ce groupe). Et pourtant…
Et pourtant ce disque a tout de la petite pépite estivale avec sa grosse demi-heure de fuzz épaisse, convoquant les premières heures du trio. À quelques fautes de goût près (“The Four Horseman”, le “single” clôturant l’album), Transmissions From Mothership Earth se veut solide, porté par un Michael Amster bien décidé à faire groover le disque à chaque pattern. C’est d’ailleurs à se demander si ses interventions sur Holy Shit étaient bridées par son côté « petit nouveau », parce que le gap entre les deux albums est abyssal sur ce point. Eddie Glass semble également avoir retrouvé l’envie de jouer de la guitare (lui qui joue souvent avec une Gibson SG, à la Iommi) et les riffs de « Warzone Speedwulff » (quel titre) ou « Highwired » (simple, basique, ultra efficace) sont absolument réjouissants. Il y a du Monster Magnet dans cet album, ou tout du moins une volonté de revenir au gros psychédélisme fuzzé du début des années 90 (« Wilted Flowers », « Melt Your Head », « I Got So High ») et tous ces petits effets, tous ces gros refrains et ces moments en suspension font de ce disque une vraie surprise, comme le sont les chouettes retours, ceux pour lesquels on avait abandonné toute idée d’être surpris. Et rien n’est plus beau qu’un réenchantement, même petit, même discret, comme ça au coeur de l’été.
Point vinyle :
Cette énième sortie chez Heavy Psych est proposée en bundle, avec des tonnes de goodies, en black bien sûr, en deux éditions limitées à 100 exemplaires, l’une transparente (plutôt jolie) et l’autre en tricolore (aussi affreusement colorée qu’un cul de babouin) ainsi que 400 disques en « aqua blue », beau et apaisant comme la mer adriatique. A noter que même si les versions couleur ont tendance à être toujours un peu plus chères, Heavy Psych a carrément une politique sur le sujet frôlant l’abus total. Reconnaissons tout de même que leurs pressages black sont par contre très abordables. Est-ce qu’elle n’est pas ici, finalement, la théorie du ruissellement ?
(Pour donner votre note,
cliquez sur le nombre de cactus voulus)