Pallbearer est un de ces groupes qui fait causer. Pour certains, le quartet de l’Arkansas véhicule des émotions transcendantales et fait couler les larmes sur les joues. Pour d’autres, la somnolence et l’ennui sont les deux seuls effets notables. Réceptif ou hermétique, il n’y a pas vraiment d’entre deux. Après deux albums sortis respectivement en 2012 et 2014 chez Profound Lore Records et largement acclamés par tous, le groupe s’est construit une réputation assez solide pour qu’il soit considéré comme un futur très-grand du doom-game. Leur nouvel album, Heartless, sort via Profound Lore mais aussi le géant Nuclear Blast, puisque de grandes ambitions nécessitent certains changements. Avant même d’écouter une seconde de l’album, on sait que Heartless a déjà quelque chose de très réussi : sa communication. L’album nous est teasé depuis des lustres, et on nous le présente comme le prochain messie auditif qui va changer la face du monde. La prophétie disait-elle vraie ? Pas sûr.
Pallbearer a le mérite d’avoir construit son propre style et de ne rien faire comme les autres. On retrouve certes plusieurs caractéristiques du doom, notamment au niveau du son lourd et assommant, mais il est impossible de cantonner Pallbearer à cette case trop réductrice. Le doom est généralement plombant et nous fait plier sous le poids des horreurs du monde. Pallbearer, lui, nous fait plutôt relever la tête pour nous faire regarder vers les étoiles. Si on omet le titre le plus sombre de l’album, le long morceau « A Plea For Understanding », il s’agit ici plus de nostalgie que de dépression, celle qui nous dessine un léger sourire sur le visage à l’évocation de souvenirs heureux. Par quel mystère Pallbearer arrive t-il à apaiser nos esprits ? Grâce aux mélodies spatiales et gigantesques, à la voix claire et rayonnante de Brett Campbell, et aux thèmes abordés, introspectifs et métaphysiques. Cette tendance au doom positiviste et intellectuel est la direction dans laquelle s’engouffre pleinement Heartless.
Les deux premiers titres, « I Saw The End » et « Thorns » ne nous dépaysent pas puisqu’on retrouve le Pallbearer que l’on connait, avec des riffs grandioses et la voix très reconnaissable de Brett qui a encore gagné en envergure. Si un effort de production avait été fait entre le premier et le deuxième album, on a de nouveau franchi un cran sur Heartless avec un son encore plus impeccable et lisse. On est ensuite plus surpris à l’écoute de « Dancing In Madness » et sa longue intro que n’aurait pas renié David Gilmour. « Cruel Road » et « Heartless » mettent quant à eux un pied timide dans le sludge en osant accélérer le tempo et taper de la double croche en palm mute.
Heartless est un album complexe où rien ne se répète plus de 15 secondes, chaque morceau semble être une macédoine de riffs et d’idées et tout s’enchaine parfois aux dépens d’une quelconque cohérence. Rentrer dans l’album demande un effort de concentration qui n’est pas toujours récompensé. D’une manière générale, l’album joue à fond la carte du grandiloquent, certains iront même jusqu’à dire du pompeux. Le groupe a eu la main lourde sur les effets en tout genre, Brett Campbell est plus théâtral que jamais, et cette fameuse mélancolie s’efface parfois au profit du grotesque.
Sans décevoir totalement, puisqu’on y retrouve ce qui a fait les grands jours du groupe, Heartless donne l’impression d’écouter un groupe à qui l’on a trop répété qu’il était bon et qui a fini par trop se regarder le nombril. A vouloir absolument composer un album hors du commun, Pallbearer a pondu des morceaux inutilement complexes et alambiqués, et a oublié de laisser parler son intuition et son cœur. Un album qui porte bien son nom.
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