Le voilà enfin, il est sorti le nouvel album de Royal Bubble Orchestra. RBO, super-groupe stoner à la française pour certains, projet rock frenchie pour musicos talentueux à la recherche de sensations pour d’autres, on ne savait pas vraiment où positionner le groupe. Rajoutez à ça que la rumeur grondait depuis bien plus d’un an, puisque l’album a été enregistré en décembre 2004 ! Puis depuis quelques mois, au gré de CD sampler, de version promo de l’album, on commençait à avoir la bave aux lèvres, littéralement. Et donc nous y voilà, on peut ravaler notre salive et bouffer la galette à pleines dents !
RBO, donc, c’est sans doute ce qui se fait de plus audacieux en terme de rock à tendances stoner en France. Ni plus ni moins. Le lien avec Blackstone (Marc Varez est derrière les fûts de cet album, même s’il a depuis été remplacé au sein du groupe) ne tient qu’aux influs 70’s bien tassées. Finalement, le rattachement au stoner est ce qui semble le plus immédiat, avec la recherche perpétuelle du riff ultime et ces passages instrumentaux outrageusement groovy, qui fleurent bon le sable chaud et les impros au coin du feu comme on les aime. Mais on n’est pas non plus en pur terrain stoner, quelques penchants metal et hard rock disséminés ici ou là sont là pour brouiller les pistes. Au final, au bout de 3-4 écoutes seulement, on abandonne vite fait la recherche d’une étiquette quelconque. Alors on commence à apprécier les compos pour ce qu’elles sont, à savoir des putains de bonnes chansons.Lesquelles retiennent le plus l’attention ? “King of lies” en intro, avec son gros stoner-metal bien pêchu, semble être le morceau le plus accrocheur, rapidement confirmé par les premières écoutes. “Slave” ensuite, avec son riff en intro aux grattes bien acérées et sautillantes, vous rappellera inévitablement les grandes heures du hard rock des années 80 à la française (ce n’est certainement pas volontaire, mais écoutez ce riff juste avant le solo, ce son de gratte sans les autres instruments, vous verrez ce que je veux dire !), imparable. Et que dire de ce “Royal Boom Boom”, instrumental absolument hallucinant qui aurait, je vous le promets, trouvé facilement sa place dans les premiers albums du Grand Sabbath ! Jamais démonstratif, il se déguste sans retenue.
Alors que finalement la gratte d’Alex D. occupe presque tout “l’espace instrumental” (de fort belle manière, le gars balance les riffs sans faiblir), rapidement David Jacob s’illustre à la basse avec subtilité, à la manière d’un Scott Reeder ou d’un Guy Pinhas : l’air de rien, et tout en maintenant la baraque rythmique (avec un Varez impeccable), le roi de la cinq-cordes (passé à l’occasion à la 4-cordes) balance quelques lignes de basse chargées de groove jusqu’à la gueule. Mais le gars n’est pas du genre démonstratif, comme sur des morceaux plus subtils comme “Too bad” ou plus “directs” comme l’excellent “Me and my fuckin’ gun”, où sa sobriété de jeu n’est là que pour servir l’efficacité du morceau.
Petit à petit les autres membres du quatuor font aussi valoir leurs arguments, et très rapidement, la position de “MVP” de l’album atterrit sans équivoque sur les épaules du remarquable vocaliste Lol Nico : non seulement son timbre rocailleux et chaleureux à souhait assure l’originalité du chant de RBO, mais sa puissance brute fait mouche, et sa subtilité sur des morceaux comme “Time to despair” ou “Lullaby” par exemple, ne font que nous conforter.
“Lullaby”, puisqu’un en parle, c’est la reprise de Cure dont vous entendrez inévitablement parler (quand on n’a pas trop le temps de se pencher sur les compos d’un nouveau groupe, il est toujours plus facile de parler de leurs éventuelles reprises de groupes célèbres !). Et bien là, bluffé : de nombreux groupes à leur place se seraient amusé à reprendre des chansons de Cure pour y ajouter de grosses guitares, et se livrer à un stérile jeu du “regardez comme je suis bourrin”. RBO a choisi de s’approprier la chanson, d’en livrer une reprise sincère, rendant hommage à ce groupe trop sous-estimé par la scène rock, là où d’autre auraient opté pour la caricature. Chapeau bas.
Au final, ce CD laisse un furieux goût de “revenez-y” dans la bouche, le sentiment d’un de ces projets pour lesquels on se félicite que les musiciens se soient trouvé un jour, tant ça fait du bien de les écouter s’éclater. Et puis surtout, surtout, on a enfin l’impression d’avoir trouvé un chef de file un peu ambitieux à cette scène française qui se cherche un peu depuis quelques années : pleine de groupes brillants, lui ajouter un peu de compétition, et monter la barre aussi haut d’un coup ne peut que créer une dynamique ultra positive. On touche du bois, mais ça s’annonce pas mal.
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