The Gates of Slumber – The Gates of Slumber


Plus de treize ans se sont passés depuis l’excellent The Wretch, dernier album en date de la solide discographie du trio de doomsters cultes de l’Indiana. Le groupe revient de loin, quand on se rappelle de l’annonce de son fondateur, une paire d’années après ce disque, du split du groupe, après le décès de son bassiste Jason McCash (d’overdose). Quelque espoir sera apparu au détour de 2020, et une sorte de petite tournée de reformation, mais le COVID étant passé par là, on n’y croyait plus (d’autant plus après d’autres décès dans les membres historiques du groupe). C’est étonnamment chez Svart Records que le groupe nous revient avec ce disque au visuel rudimentaire (quel dommage de la part d’un groupe qui nous a habitué à de beaux artworks d’inspiration Heroic Fantasy) mais porteur de tant de promesses…

Le groupe, qui a évolué au même moment que la féconde vague de groupes de doom metal les plus cultes (Reverend Bizarre, Saint Vitus, Witchfinder General, Count Raven, Pentagram, Trouble…) débarque dans un contexte musical tout à fait différent aujourd’hui : depuis quelques années, le mythique trône du doom metal a du mal à trouver son prétendant naturel. De nombreux candidats s’en sont approchés, avec des stratégies différentes, et dans des genres parfois connexes – qui plus penchés sur le stoner doom, qui en parsemant leur musique de reflets occultes, qui encore en recourant aux sonorités plus « modernes » du post metal ou plus obscures même du black metal…

N’y allons pas par quatre chemins, The Gates of Slumber reviennent directement aux affaires pour prétendre à leur place légitime sur le trône, une place dont leur longue absence les a logiquement éloignés (loin des yeux, loin du cœur…).

S’ils devaient gagner le trône au combat, ils sont manifestement venus bien armés : de riffs, en premier lieu. Comme s’il en pleuvait, ils sont tous impeccablement affutés, efficaces, et leur tranchant est sans égal (« At Dawn », étouffant, « Embrace the Lie », le rampant « The Plague », etc…). Les crânes éclatent sous leurs coups de boutoirs, et de fins soli viennent émailler ces scènes barbares (aaargh, ce lead cristallin qui vint conclure « The Plague » pendant quelques secondes, ou ce solo blues fiévreux sur « Full Moon Fever »…). En guise de robuste armure, les guitares de Karl Simon peuvent compter sur une rythmique solide, mais pas que : Steve Janiak à la basse ne fait pas que plomber chaque mélodie avec ses lignes de basse mélodiques, il participe aux compos en apportant ses propres inclusions de 4-cordes, qu’il s’agisse de porter le riff principal (« The Fog », « We Are Perdition » en relais direct de la guitare) ou de proposer d’efficaces petits coups de boutoir ici ou là (les saccades martiales de « We Are Perdition »).

Le combat délivré est déjà féroce, mais narré par Simon, il devient rien moins qu’épique : le chant du guitariste est toujours aussi chaud, puissant, juste, plein de nuances… Il vient impeccablement compléter le socle musical du combo.

L’assaut se produit à travers 6 salves successives (6 minutes de moyenne par morceau, parfait – ni bâclé, ni exagérément allongé), sans aucun temps mort ni point faible. Chaque compo est différente, avec des rythmes et des ambiances différentes : de la lenteur extrême de « The Fog » à la vigueur de « Full Moon Fever », on passe par toutes les ambiances. Mais surtout, le plan de combat ne se limite pas à ces attaques simplistes : c’est très bien fait, très bien pensé, mais en outre chaque titre, malgré une identité singulière forte, contient en son sein plusieurs idées malines, qui viennent apporter non seulement du relief mais de l’efficacité.

La production du disque en revanche induit un biais un peu subjectif dont il faut tenir compte : tandis que certains groupes de doom privilégient un son sale, glauque et poussiéreux, The Gates of Slumber, l’album, s’appuie sur une armurerie plus clinquante et propre. Chaque instrument trouve bien sa place, tout est parfaitement positionné bien en haut dans le spectre sonore, c’est beau, c’est propre, c’est puissant, c’est pile à la limite entre classicisme old school et modernité. Et le tout sans oublier la part d’occultisme et de mysticisme consubstantielle au genre musical, ni cette portion de gras sans laquelle le bon doom ne serait « que » du doom. Mais voilà, certains pourraient rechercher plus de poussière dans leur mix ou un cloaque sonore plus nauséabond.

Au bout de trente-cinq minutes d’un combat en sens unique, The Gates of Slumber a fait le ménage dans sa cour remplie de prétendants aux ambitions et moyens variés, presque tous rendus à leur statut de modeste vassal. Elles ne sont pas nombreuses, les formations qui peuvent prétendre à si bel ouvrage… Tout naturellement, leur « black album » à eux (!) vient donc assoir leur légitimité tout en haut, parmi les hautes sphères du genre. On ne peut pas décemment se prévaloir d’une quelconque affection pour le doom metal et ne pas reconnaître dans ce disque l’une de ses plus belles œuvres. Très propre (trop propre ?), le disque ne prête le flanc à aucune critique rationnelle. Les années diront s’il est assez solide pour maintenir ce statut.

 


Note de Desert-Rock
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