Etre originaire de Memphis (Tennessee) et ne pas avoir le blues/rock dans le sang reviendrait à être anglais et ne pas savoir cuisiner indien. Quand il s’agit de ce qu’il y a de mieux dans un domaine, autant se fier à la source. Le trio The Heavy Eyes ne déroge pas à cette règle d’or. Sans douter de leurs compétences culinaires, en terme de heavy-stoner-blues-rock les américains avec leur troisième album « He Dreams Of Lions » démontrent un savoir-faire dans le genre qui tient du jouissif. Les onze titres qui composent la galette (ou naan comme vous le souhaitez) déroulent leurs lots de licks léchés, de groove racé et de vocaux désenchantés, qui scellent la patte des américains dans un style pourtant maintes fois visité.
Cette nonchalance dans l’efficacité rapproche le groupe de poids lourds actuels comme Fu Manchu, la force des tennessiens étant de puiser dans les racines de leur terre natale. La révolution n’est pas en marche mais les maîtres pionniers de ce mix nous saluent, Led Zeppelin/Humble Pie/Mountain. L’écoute de « He Dreams Of Lions » évoque la crème des œuvres du rock alternatif ou rock indépendant des années 90, qui en toute honnêteté puisait dans l’héritage de l’âge d’or du rock pour le propulser dans les temps modernes.
Troisième album pour les américains, qui cette fois paraît chez Kozmik Artifactz, après un premier album éponyme en 2011 et « Maera » sorti en 2012 qui avait déjà attiré quelques projecteurs sur ce prometteur combo. La recette est rôdée et plus aboutie, démontrant une authenticité qui sonne le glas des rockers qui depuis longtemps l’ont mise au placard. Le genre d’album qui passe à merveille l’épreuve du poste-radio en voiture toute puissance dehors, fenêtre ouverte. « Shadow Shaker », « Saint », « Smoke Signals » sont autant de pousse-à-écraser-l’accélérateur qui sauront couvrir le bruit du moteur. Les rythmiques nous rappellent qu’avant tout le R’n’B c’est du Rhythm and Blues, un appel au dandinage du crâne aux fessiers mais pas anodin. Au fil de la dégoulinante fuzz, les incursions savent se faire pop/rock aux portes du lo-fi (« He dreams of Lions », « Hail to the King, Baby »).
Coup de maître que cet album étalon d’un stoner-rock décomplexé sur le fil du déjà-vu. Bercé par la voix apathique (« the Fool », « Modern Shells »), les mélodies ne tarderont pas de vous gluez l’esprit de leurs enchanteresses ritournelles (« Z-Bo », « Littlefinger »). Ne vous empressez pas trop de relancer l’album avant d’entendre les 3 minutes acoustiques du titre caché (ouaip comme au bon vieux temps), démonstration des sources du trio. The Heavy Eyes ont concocté un repas complet, varié, jouant autant sur les épices que sur les ingrédients. « He Dreams Of Lions » est aussi saturé en acide gras que riche en principe actif, un essentiel pour tout régime fuzzé équilibré.
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