Tribute album – Alice in Chains – Dirt [Redux]


 

Dans sa série « Redux », qui consiste à proposer des relectures d’albums cultes en mode « tribute » (traitement déjà appliqué à The Wall, Electric Ladyland, Meantime...), Magnetic Eye sort ici un album de reprises de Dirt, le classique de Alice In Chains. Second album du quatuor de Seattle, Dirt est sorti en 1992, dans l’aspiration du Nevermind de Nirvana et du déluge grunge qui fut si structurant pour le paysage musical US des années suivantes. Se retrouvant bombardé de fait dans le top 5 des groupes de grunge, Alice in Chains n’a depuis jamais dépassé en notoriété son statut de cette époque, largement incarnée par leur chanteur Layne Staley, interprète génial mais drug addict notoire, mort d’overdose de speedball 10 ans après la sortie de Dirt. Avec le recul, cette vague grunge aura influencé bon nombre de groupes de stoner essentiellement américains, et l’opportunité d’un tribute, à la réflexion, ne semble pas si saugrenue.

Les compos étant évidemment connues de tous (les 13 chansons de l’album sont toutes jouées, dans l’ordre), le principal intérêt repose donc sur le casting. N’étant jamais si bien servi que par soi-même, le label met largement à l’honneur les combos de son propre roster, normal : Low Flying Hawks, These Beasts, Black Electric, High Priest (à ne pas confondre avec High Priestess, oui je sais, c’est relou…), puis va faire sa pêche dans les rangs de formations en provenance d’autres horizons – tous américains (sauf un) néanmoins, hein, on déconne pas avec le patriotisme quand même.

On ne se mouillera pas trop en annonçant qu’il y a sur ce disque à boire et à manger. Au delà du lieu commun, les écoutes voient quand même se dessiner progressivement plusieurs tendances, dans les approches musicales proposées, l’interprétation, l’implication… Se distinguent aussi les prises de risque, à l’image de l’audacieuse relecture de « Dam that River » par Low Flying Hawks, lancinante plage étirant l’original en longueur – surprenant mais peu enthousiasmant – ou encore The Otolith (nouveau groupe formé de 4 membres sur 5 de Subrosa) qui sans surprise transforme « Would ? » en complainte chargée en violons et arrangements pompeux, option vocaux éthérés… Bof. Plus généralement, les « bons élèves » un peu appliqués et sans fantaisie ne sortent que rarement gagnants d’un tribute. C’est le cas de Forming the Void ici, ou pire, de Khemmis, qui se prend les pieds dans le tapis avec une reprise mièvre, insipide et peu inspirée de « Down in a Hole » – il faut dire que voir figurer le groupe de doom / heavy rock old school au casting nous avait fait froncer les sourcils. Il s’avère que la greffe – sans doute forcée – n’a pas pris. On passera sur la blague de la reprise de « Iron Gland », instrumental approximatif de 43 secondes déjà sur l’original, qui incombe ici aux méconnus Black Electric (le groupe du fondateur du label, dont l’ego est sans doute plus facile à gérer…).

On trouve comme souvent une série d’interprétations plutôt bourrins, tendance « stoner metal » comme disent les ricains, voire bien sludge. Sans dénigrer l’approche, ici la réussite est moyenne : Thou fait du Thou, en blindant les vocaux d’harmonies avec les hurlements déchirants de Bryan Funck… Rigolo mais pas passionnant après une dizaine d’écoutes de leur « Them Bones ». (16) ne transforme pas non plus l’essai avec un « Hate to Feel » un peu poussif, comme Vokonis qui ne parvient pas à transcender « Angry Chair ». Mais les vraies réussites sont nombreuses à mettre en regard. « Rooster » par Howling Giant applique quelques arrangements de guitare et basse qui apportent un vrai plus. Somnuri incarne bien aussi le morceau titre de l’album. Quant à High Priest, leur « Rain when I Die », pourtant plutôt fidèle, bien arrangée (avec notamment des plans de gratte un peu exubérants « à l’américaine ») et transpirant la passion, est l’une des meilleures reprises du disque. C’est aussi le cas de l’interprétation de « God Smack » par Backwoods Payback, bien emmenée par un son de gratte brutal au son remarquablement fat, une batterie de mule et des aménagements en rythmique bienvenus.

Concernant le principe même d’un tribute album, on renverra chacun vers ses critères qualitatifs personnels : on a tous une approche différente des albums de reprise. Certains évaluent la capacité à écouter l’album en boucle au même titre que l’original, d’autres chercheront les interprétations les plus décalées, d’autres au contraire privilégieront les hommages plus fidèles et appliqués… Globalement, ce Dirt [redux] propose de bonnes choses sur l’ensemble de ces critères. C’est un très bon point, car assez rare finalement dans cet exercice. Phénomène induit naturellement, il est aussi imparfait, car contenant son lot de morceaux moyens, peu inspirés et/ou peu inspirants. Mais fondamentalement, sa variété et quelques morceaux de très bon niveau font qu’on le réécoute plusieurs fois avec un réel intérêt. Reconnaissons que c’est rarement le cas des tribute albums, ce qui de fait place ce Dirt [Redux] dans la liste des bons exemples.

 


 

Note de Desert-Rock
   (7/10)

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