Avec le recul, “Mania” était un album un peu inégal (mais qui contenait sa part de pépites, adossées à des titres plus moyens), un album en tout cas qui avait jeté un léger froid sur les hordes de fans du combo, devenu trio avec le départ – sacrilège – de leur second gratteux. La guitare, fondement de la musique du groupe, reposait donc désormais sur le frêle Dango uniquement, qui ne convainquait pas totalement. Une poignée de prestations live un peu moyennes (au milieu de nombreuses excellentes) ont aussi jeté un voile de doute sur l’avenir du groupe. Dire que ce “Universe” était attendu au tournant est donc un petit euphémisme.
Il y a quelques mois, on avait eu la primeur d’un titre, “The Chairman”, qui avait fait l’objet d’un douteux E.P., et d’interprétations live que l’on qualifiera pudiquement de “questionnables”. Les écoutes successives jouent néanmoins en sa faveur : tournant un peu dans tous les sens pendant huit minutes, le titre contient certes sa dose de riffs… mais le robinet ne s’arrête jamais ! Même après plusieurs dizaines d’écoutes, on est infichu de se remémorer de la structure du morceau : combien de couplets ? Y a-t-il un pont après le refrain ? Où sont les soli ? Il y a de tout partout, des ponts dans tous les sens, des breaks, des surcouches de riffs qui amènent progressivement à des sections différentes, qui préparent à un éventuel refrain… qui n’arrive jamais ! Il y a de très bonnes idées dans ce titre, mais ce n’est clairement pas notre versant préféré de la musique de Truckfighters. Mais ce titre un peu décevant se trouve vite contrebalancé par les plages voisines du disque, qui recèlent de petites merveilles. On notera d’abord les titres les plus directs, avec notamment l’introductif “Mind Control”, un titre percutant, une sorte de condensé des titres les plus directs et efficaces du trio : un riff implacable (que jouxtent des envolées de guitare typiques de Dango, une sorte de gimmick bien à eux), une basse lourde et graisseuse, et une frappe de batterie sèche et précise. Rien qui dépasse ! Malgré une rythmique moins percutante, “Prophet” est l’un des titres les plus marquants du disque, proposant une paire de riffs impeccables, un son aérien, et une structure couplet-refrain rafraîchissante. Plus loin, Poncho prend le pouvoir sur “Convention” via sa frappe nerveuse, ses roulements maîtrisés et ses déluges de cymbales sur un refrain qui n’attend que ça pour s’envoler, avec le son de lead presque “nasillard” emblématique du combo. Et pas la peine d’en faire des tonnes, 1min40 et on passe à la suite !
On trouvera aussi sur ce disque des morceaux plus longs, plus audacieux, mais globalement réussis, à l’image du mid tempo “Get lifted”, un titre qui apparaît un peu ennuyeux de prime abord, mais dont on touche du doigt le potentiel après quelques écoutes seulement : un travail de gratte vraiment couillu (des passages qui rappellent même Adam Jones de Tool par moments…), une production aux petits oignons… Et toujours ces monceaux de fuzz, délivrés par palettes entières à chaque fois qu’ils peuvent lâcher les bestiaux… “Dream sale” est une autre pierre angulaire de l’album, avec notamment des vocaux remarquables de maîtrise et de puissance (un atout souvent sous-évalué de Truckfighters), et surtout un refrain parfait doté d’un riff généreusement fuzzé. Le titre final, “Mastodont” porte bien son nom, tant il est grand par sa taille : presque quatorze minutes ! De manière assez surprenante, lui aussi pourra rappeler occasionnellement les grands Tool (cette intro…). Mais sa dimension épique éclate un peu plus tard quand son premier refrain retentit avec ses nappes de guitare en (presque) son clair et sa montée en tension et en saturation. Evidemment, sur cette durée, on a la place de caler quelques soli, ce que Dango ne se prive pas de faire, sans exagérer non plus. Sur la seconde moitié du titre, se reposant toujours sur son robuste refrain, le groupe vient le densifier progressivement de nappes de guitares enchevêtrées, qui apportent une dimension épique au morceau, qui s’envole vers un climax dont on ne savait pas le trio scandinave capable. Remarquable.
Avec toujours quelques travers ici ou là, “Universe” se pose néanmoins comme probablement le disque le plus impressionnant de la carrière du combo. S’il n’y avait la fougue des débuts, qui donnait tout son charme à “Gravity X”, on pourrait affirmer que c’est leur meilleur disque ; sur des aspects objectifs seulement, c’est le cas, sans ambiguïté. Maturité et audace des compos, puissance et sobriété dans la production, robustesse instrumentale et vocale à tous niveaux… On a du mal à identifier des points faibles dans cette galette… alors que l’on craignait le pire ! La surprise n’en est que meilleure, et on a désormais envie de revoir le trio fouler à nouveau les planches, afin de voir comment ces titres sonneront live… Une belle surprise en tout cas que ce “Universe”, un album que l’on n’attendait pas à ce niveau de qualité.
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