Il y a 4 ans, Verdun nous contait les aventures d’un astronaute japonais halluciné et perdu dans l’immensité effrayante de l’espace. Intitulé The Cosmic Escape Of Admiral Masuka, cette toute première pierre à l’édifice discographique des montpelliérains posait les bases des différentes planètes sonores visitées par le groupe, avec, en vrac, du doom, du sludge et du hardcore. Sur le magnifique artwork de leur premier album The Eternal Drift’s Canticles (œuvre de David Sadok, chanteur et parolier de l’époque, ayant quitté le groupe très récemment et maintenant remplacé par Paulo Rui), l’Univers semble être sous la domination de demi-Dieux brandissant d’étranges sceptres et ayant transformé l’espace en un sanglant terrain de jeu. Ces figures mystiques évoquant une Inquisition spatiale nous interrogent : après s’y être perdu, Verdun aurait-il finalement appris à dominer l’espace ? Une chose est certaine, le frêle et misérable Masuka n’est plus, et l’être humain a cédé sa place à des créatures bien plus fabuleuses et colossales.
Comme c’est souvent le cas avec les groupes qui en valent la peine, il est difficile de poser une étiquette sur le genre de Verdun, tant il se plait à brouiller les frontières qu’on voudrait lui imposer. Il tient du doom la lourdeur répétitive et l’inclination pour le riff le plus génialement rudimentaire, favorisant la puissance sonore et tout ce qu’elle peut évoquer plutôt que la complexité mélodique. Le chant est lui clairement hardcore, et se mêle parfois à une autre voix plus assagie et sereine. À cela, il faut ajouter une bonne accointance post-metal, faite d’accords à l’harmonie discutable et de passages atmosphériques côtoyant d’autres bien plus violents.
Sur cette base résumée succinctement, j’en conviens, The Eternal Drift’s Canticles livre une épopée sidérale d’où la noirceur ne démord pas une seconde sur les 54 minutes des 5 titres. Oui, oui, 54 minutes et cinq titres. On vous laisse calculer la longueur moyenne d’un morceau. Sur le premier, « Mankind Seppuku », un lugubre passage à l’harmonium glaçant le sang précède un déferlement de puissance sonore, qui va finalement s’éteindre et laisser la place à des arpèges cristallins et à un solo déchirant de mélancolie. On l’aura compris, Verdun a décidé de ne pas faire les choses comme tout le monde et compte bien nous le prouver. Sur tout l’album, le spectre de YOB plane, comme en atteste le poignant « Glowing Shadows », à l’écoute duquel il est impossible de ne pas penser à la bande de Mike Scheidt et à son post-doom du futur. D’autres morceaux, comme « Self-Inflected Mutalitation », au titre plutôt évocateur, ou encore « Dark Matter Crisis » nous assènent de grosses gifles plus directs et brutales.
L’apothéose est sans doute atteinte sur « Jupiter’s Coven », véritable summum de langueur et de tristesse qu’une guitare aux contours tranchants vient transpercer sans scrupule, et preuve sonore que Verdun excelle aussi bien dans la bestialité que dans l’humanité.
Mixé par Tad Doyle, il est inutile de dire que l’ensemble bénéficie d’un son monumental. Les guitares sont lourdes, la basse et la batterie sont très présentes, et l’ensemble est doté d’une légère résonance qui apporte une grande profondeur et sert ainsi parfaitement la dimension épique recherchée par le groupe, nous plongeant sans effort dans le vide et la solitude de l’espace.
La litanie « I was dead, Now I’m Alive / I was cold, I’ll surely die » est répétée plusieurs fois avant de clôturer l’album. La mort, la résurrection, la grâce, puis la mort à nouveau. C’est en somme l’effet que procure l’écoute de The Eternal Drift’s Canticles : à bord des montagnes russes du Sacré, vous côtoierez tour à tour le Divin et le Malin. Et on vous garantit que vous n’aurez pas une seule fois envie de descendre en marche.
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