En bientôt dix ans d’existence on peut aisément dire que le parcours des polonais de Weedpecker est loin d’être un long fleuve tranquille. La formation aura vu passer en ses rangs une quasi dizaine de musiciens différents jusqu’à cette césure importante post-2018 et la sortie de « III » leur troisième album (oui je sais), qui aura vu les ¾ du line-up dire « bye-bye tu n’es plus le seul qui m’aille, je te le dis sans faille » au projet. Ne restant plus que Piotr Dobry aux commandes, au chant et à la guitare, le groupe semblait donc mort laissant derrière lui trois excellents albums, une démo et un split ainsi qu’une participation active à faire de la scène polonaise un des moteurs du genre.
Néanmoins Piotr aura su s’entourer très rapidement de nouveaux partenaires pour poursuivre l’aventure et non des moindres puisque l’on retrouve dans cette nouvelle mouture des zicos de Dopelord, BelzebonG et Major Kong, soit une belle bande de bourrins à la technique éprouvée. Ne restait plus au nouveau line-up qu’à parfaire son identité et trouver ses automatismes afin d’offrir une suite à l’histoire.
Trois ans après leur dernier effort apparaît donc « IV : The stream of forgotten thoughts », toujours chez Stickman Records, le label des gens qui aiment quand ça tricote dans le psyché (King Buffalo, Elder, Motorpsycho,…ça vous pose la qualité de la maison). On pourrait aisément imaginer un nouvel album moins aérien et plus terreux que les précédents vu le pedigree des nouveaux arrivants sauf que…
Exit le duo guitare et place à un synthé pérenne et instrument à part entière dans la nouvelle formule. S’en suit donc un travail sur les textures et les ambiances plus poussé qu’à l’habitude qui trouvera son apogée sur le titre éponyme participant grandement à l’une des track/réussite de cet album.
Cependant, cet apport sur l’ensemble de l’album se révèle problématique. Une spatialisation extrêmement dense apportée par les traitements de son sur la voix, la guitare et le synthé englobe la totalité de la production et rend illisible un nombre incalculable de fois les idées et envies des musiciens. On se retrouve, à l’instar du premier morceau « No Heartbeat Collective » à devoir gérer notre écoute pour pouvoir appréhender la globalité des titres. Un problème récurrent qui lasse sur la totalité de l’album.
Sans compter l’effervescence créatrice du quatuor qui n’hésite pas à multiplier les pistes et ainsi brouiller un peu plus une éventuelle ligne directrice. Un « Big Brain Monster » en milieu de galette par exemple vient placer un heavy rock à la Radio Moscow alors que l’ensemble tend plutôt vers ce qu’aurait pu continuer un Kevin Parker après le premier effort de Tame Impala.
La masse d’informations que nous assène le combo et les choix de production écrasent dans l’œuf toute idée mélodique ce qui était pourtant la qualité première du précédent effort.
C’est peu dire qu’on ressort décontenancé et perplexe au sortir des quarante minutes de ce courant des pensées oubliées.
Bien sûr que non, Weedpecker n’est pas devenu nul, il n’a pas non plus oublié ce qui faisait sa force et son identité. Mais on sent une excitation trop peu maîtrisée dans cet album, une envie d’avancer et d’essayer de nouvelles choses avec le nouveau line-up qui aurait dû prendre plus le temps de mûrir et de s’épurer.
Si l’on considère cet enregistrement comme la suite logique d’une carrière, il déçoit. Passé par le prisme du renouveau, alors il interpelle et peut légitimement nourrir de beaux espoirs tant Weedpecker semble inspiré et talentueux. On ne demande pas qu’ils se précipitent pour nous prouver quoi que ce soit. Juste qu’ils prennent le temps de réfléchir à leurs envies.
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