Après une jolie triplette d’albums fondateurs en début des années 2000, le passage chez Nuclear Blast (et plus globalement le parcours du groupe dans les années 2010) fut le révélateur d’un virage assez étrange dans la carrière de Witchcraft, qui reste aujourd’hui encore difficile à expliquer : sur le point de tirer la bourre à leurs compatriotes de Graveyard (eux aussi en pleine ascension, boostés au même moment qu’eux par leur passage chez Nuclear), le groupe s’est en quelque sorte sabordé avec son dernier album sur le prestigieux label, ce Black Metal (2020) aussi insensé que son titre est ironique, où Pelander en solo (a priori) propose une poignée de compos électro-acoustiques sombrissimes, propices à une profonde déprime au coin du feu. Disparue cette enthousiasmante formation de proto rock en droite lignée des 70s, empreinte d’occultisme, d’électricité et de talent d’écriture, finis les assauts emballants à trois guitares électrisantes, on passe à la guitare folk intimiste et les ambiances dépressives… Evidemment, Nuclear Blast ne s’est pas embarrassé à garder le « groupe » (devenu quasiment one-man band) dans son roster, et, comme beaucoup, c’est chez Heavy Psych Sounds qu’ils ont atterri.
C’est évidemment sur la pointe des pieds (presque à reculons) que l’on a abordé ce disque. Idag est (de manière presque prévisible !) un album difficile à cerner, à l’image peut-être de l’état d’esprit bouillonnant et débridé de son géniteur, Magnus Pelander. Clairement débarrassé de tout carcan, le chanteur-guitariste-compositeur se fait plaisir, et fait ce qu’il veut, comme il veut.
Dans une démarche complètement non-commerciale, il opte pour le chant dans sa langue natale pour plus de la moitié des titres du disque. Ce choix installe une atmosphère étrange, avec des intonations et sons atypiques, mais aussi des lignes vocales difficiles à engrammer, aux rimes étranges voire rares. En outre, la production vient apporter une dimension très différente d’une chanson à l’autre, généralement sur-valorisant le chant, mais pas toujours de manière identique. Cette mise en son hétéroclite ne participe pas non plus à l’immersion…
Côté instrumental, là aussi, pas de ligne directrice. L’électro-acoustique est roi (chant-guitare FTW) sur un gros tiers du disque, pour des ambiances assez sombres pour la plupart. Mais une formation plus « rock » vient tout de même porter le reste du disque, pour des résultats assez disparates : pour en faire émerger le plus positif, mentionnons des titres comme « Drömmar Av Is » et son riffing assez enthousiasmant, le long et versatile morceau-titre, le très Pentagram-esque « Burning Cross » (sauf son refrain quasiment a capella… malsain et oppressant !), ou encore « Irreligious Flamboyant Flame », que l’on croirait en provenance directe des glorieuses 70s avec son refrain sautillant et…. sa prod scandaleusement famélique (est-ce volontaire ?). De fait, on retrouve, par bribes, des plans qui nous rappellent le Witchcraft que l’on a tant aimé en début de siècle.
On ressort de ce disque un peu chamboulé, sans repère clair. A l’évidence, c’est la personnalité de Pelander, foisonnante, qui émerge au détour de chaque riff, chaque ligne de chant, chaque break : toujours surprenant, il ne joue jamais la facilité, nous attendant toujours au détour d’un riff passionnant avec un break vicieux en embuscade, ou un refrain confusant pour plomber la dynamique… On picore donc des dizaines d’idées, d’éclairs d’inspiration étonnants, plus ou moins faciles à digérer, plus ou moins bienvenus. Mais on ne s’ennuie jamais. En se laissant emporter par la personnalité de son géniteur, Idag vous prend par la main et vous emmène dans des territoires musicaux assez vierges. A vous de voir si vous voulez lui accorder cette confiance.
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