L’office de tourisme de Louisiane vient d’appeler, ils souhaitent récupérer ce noir dossier échappé de leurs archives secrètes. À l’intérieur, une fois retirés les cadavres d’insectes écrasés entre les pages, on y découvre une œuvre macabre. Un projet initié par le guitariste et chanteur Joey Carbo, John Robinson aux basses ainsi qu’Aaron Polk à la batterie. On y trouve également une date : le 18 janvier 2019, jour de la sortie de cet album arborant tout l’apanage du doom/sludge versé dans un post metal à nuance punk.
Il faut avouer que l’estampille Sudgelord Record donnait déjà un bel indice. Et durant l’intro de deux minutes qu’incarne « Corpse Corps », où l’on vogue entre chant liturgique et psychédélisme post apocalyptique, le doute reste encore permis. Toutefois, le passage au second titre « Find a Meal Find a Bed Find a God » éradique tout vestige de malentendu. Le lourd sludge du trio survient au moment où on l’attend le plus. Lancinant, puissant et gras à souhait. Puis presque deux minutes plus tard, la voix caverneuse du frontman vient couvrir le marécage d’une chape lugubre et hypnotique.
Qu’il s’agisse du chant perturbé ou des effets sonores dissonants, il émane de Slake un malaise permanent ; une volonté de sortir des carcans confortables de l’écoute passive, de révéler la noirceur des hommes et de la leur projeter en plein visage. Ce phénomène s’intensifie grâce à des pistes comme « Veni Vidi Fucki » ou « Our Lady of perpetually Shitfaced » qui, paradoxalement, offrent moins de contenu musical que leurs voisines. Durant l’écoute de cette dernière, on assiste au discours d’un homme à l’éloquence abîmée. Par moments, il s’avère même difficile de le comprendre tant il semble englué dans sa propre langueur. Puis en toile de fond, des riffs sont parfois lâchés comme des boules de démolition percutant les attentes musicales que l’on pourrait conserver. Et comme si de rien n’était, « Racist Kevin » survient et balaye notre frustration pour 1 minute 18 d’un noise punk tout ce qui existe de plus efficace.
Avec Slake, Woorms évolue sans arrêt entre ces deux tableaux, constellant ses morceaux de sample vocaux comme un vêtement de travail marqué de multiples traces de boue. Ou de manière plus métaphysique, comme l’âme d’un homme tachée par ses ténèbres intérieures ; ses remords, ses contradictions perpétuelles, ses démons en somme. Au-delà de cette analyse, la composition y est maîtrisée et plaira aux amateurs d’Eyehategod, des Melvins ou à tous les friands de graisseux sludge perturbé.
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