Difficile de rater le Keep It Low cette année au vu de l’affiche de haute volée… Malheureusement, impossible d’assister au 1er jour du festival munichois pour des raisons de… priorité. Décidément, après avoir raté le 1er jour du Up in Smoke, on apparaît coutumier du fait… Mais trêve de pleurnicheries, concentrons-nous sur cette seconde journée et sa liste de groupes incroyable. On gagne le complexe Feierwerk de Munich sous un soleil radieux, le temps de se poser un peu dans le beergarten et papoter avec les copains, en contemplant la perspective de la première bière…
DESERT STORM
Mais le devoir nous appelle, sous la forme du set de Desert Storm qui lance les hostilités du jour dans la salle Kranhalle, la seconde en terme de capacité dans ce complexe de trois salles, mais pas beaucoup plus petite que la salle principale. Quoi qu’il en soit le quatuor rentre dans le vif du sujet et s’engage das un set de gros stoner / metal bien nerveux. Plutôt une bonne idée au final que ce choix musical dans la prog du jour : il fallait bien ça pour nous extirper de l’accueillante torpeur quasi-estivale qui baignait le beergarten pour s’engouffrer dans cette salle obscure… Niveau scénique on retrouve le Desert Storm que l’on connaissait sur les planches, avec un peu plus de maturité (ce dont il ne manquait pourtant pas) : l’interprétation est solide, l’énergie est là, les musiciens sont bien dedans et vendent bien leurs morceaux. On n’est pas en face du groupe le plus original du genre ni de la journée, mais on a une entame de qualité.
INSTRUMENT
On retraverse le Beergarten (décidément un point central de la journée au coeur du complexe) pour rejoindre la petite salle Orange, un peu isolée, mais plutôt bien foutue. On y retrouve le trio Instrument, inconnus de votre serviteur jusque là. Bon, on ne va pas vous mentir : on n’est pas restés longtemps. Le psyche-rock (pop ?) du groupe est gentillet et pas désagréable, et devient même plutôt intéressant quand les gars s’emballent un peu. Mais les vocaux trop doux et les rythmiques très soft ont du mal à nous tenir jusqu’à la fin. Notons que la salle est plutôt pas mal remplie en revanche ! On est passés à côté…
STEAK
Les anglais de Steak enchaînent, dans la salle moyenne encore. Même réflexion que le week-end précédent au Up in Smoke : on imaginait les retrouver plus tard sur l’affiche. En effet, sur scène, c’est du solide : section rythmique solide, interprétation au cordeau… Les anglais gratifient même le public d’un titre inédit, un mid-tempo plutôt accrocheur. Après, ça reste Steak, ça ne révolutionne pas le genre, les compos ne sont pas les plus transcendantes… Mais c’est du bon niveau, et il va falloir maintenant qu’ils trouvent les clés pour franchir ce plafond de verre (ça peut passer par plus de présence live). A noter que le groupe commence 5 min plus tard et termine 5 min plus tôt : sur un créneau aussi court, c’est potentiellement une ou deux chansons de plus…
BLACK PYRAMID
Première incursion du jour dans la Hansa39, la plus grande salle du complexe, pour aller voir Black Pyramid. Une expérience un peu irréelle dans l’absolu : les dernières fois que l’on a vu le trio américain, le line-up était différent… COMPLETEMENT différent ! Aucun musicien de l’incarnation précédente ne figure dans la formation actuelle, plus proche du line-up originel (modulo le batteur). Musicalement, Black Pyramid a toujours été un groupe intéressant, toujours passé à côté de son potentiel, largement à cause de ses problèmes de “personnel”. La prestation live est impeccable, les gars sont acérés et les riffs tombent comme des coups de hache par le furieux Beresky, bien en appui sur une rythmique en béton armé. Disposant d’un nombre conséquent de compos de haute volée, que les premiers rangs connaissent par cœur, les 50 minutes de set défilent finalement bien vites. Très bon set !
SWAN VALLEY HEIGHTS
Avec un certain enthousiasme on rejoint la petite salle Orange pour aller retrouver les partenaires de tournée et de label de Truckfighters. Le trio, souriant et dynamique, s’engage dans un début de set cool, mêlant plans psyche, kraut, et stoner plus traditionnel : sur quelques mesures, on passe de passages jazzy ou prog à du psyche rentre-dedans bien charpenté. Des breaks, des structures biscornues, des rythmes variés… Est-ce le contraste avec le set costaud et direct de Black Pyramid juste avant, ou l’appel d’une bière fraîche au soleil ? Toujours est-il que le groupe a du mal à capter sur la longueur l’attention d’une large part du public. Pourtant ils ne déméritent pas : l’interprétation est impeccable et inspirée, les titres sont sympa et variés… mais parfois ça passe pas. C’était un de ces jours.
ELEPHANT TREE
Le quatuor anglais prend place sur la scène de la Kranhalle, dans un salle fort bien remplie. Vus une semaine plus tôt, on n’est pas surpris du spectacle : musiciens talentueux, à l’aise, souriants, compos variées et toujours aussi excitantes, tous les ingrédients sont réunis pour passer un bon moment, et c’est exactement ce qui se passe. Ça commence par “Dawn”, qui propose une bonne part des éléments caractéristiques du combo : soli incisifs ou aériens, nappes de claviers bien senties, basse groovy et ronflante,… Ne manquant jamais une occasion de blaguer ou communiquer avec le public, Peter envoie un bonjour à leurs partenaires de tournée, Lo-Pan et Steak (“good drinkers” apparemment, ce qui semble un bon critère d’affinité…). Le set déroule avec aisance sur scène, et le facteur plaisir dans le public est au top. Un grand groupe de scène décidément.
NEBULA
Le facteur surprise en a pris un coup : on a vu la semaine dernière Nebula au Up in Smoke et on a pu jauger le niveau du groupe, en excellente forme. Confirmation cet après-midi sur la “main stage” du Feierwerk, sans Tom Davies à la basse encore une fois, pour rappel absent sur toute la tournée car retenu à Los Angeles (remplacé par le technicien guitare du groupe). Ce dernier fait parfaitement le job et semble même plutôt à l’aise, et aguerri au jeu de scène. Mais ne nous leurrons pas, c’est Eddie Glass qui mène la barque, et attire tous les regards. Et il a une recette magique pour l’aider, avec une set list impeccable, qui commence par le stellaire classique “To the Center” enchaîné au nerveux “Do it Now”, qui donnent le ton. Plus encore que la semaine dernière, le trio va faire briller sa rutilante discographie, quitte à mettre de côté les meilleurs titres de son récent dernier album (quelques extraits néanmoins) : un gros “Fall of Icarus”, les fiévreux “Aphrodite” et “Freedom”, un punchy “Giant”… le vertige ! Eddie est au taquet, impeccable au chant et, bien sûr, en lead, interagissant avec le public en face et… sur le côté ! Et oui, la scène du Hansa39 a ça de spéciale qu’elle est ouverte sur son côté droit, laissant un pan du public profiter du profil des musiciens ! Le groupe se laisse lui-même emballer dans ce set débridé, déborde de 10 minutes bien tassées, et est prêt à se lancer dans un nouveau titre, quand ils s’aperçoivent qu’ils ont peut-être un peu trop tiré sur la corde… On en aurait bien repris une heure ou deux de plus nous !
RUFF MAJIK
Difficile après ce set un peu fou de rejoindre la plus confidentielle salle Orange pour aller y voir les sud-africains de Ruff Majik. Logiquement rares sur scène, le trio traîne une solide réputation live, et l’on comprend vite pourquoi. Sans artifice (détail anecdotique rigolo : alors que côté effets de guitare les pédaliers de tous les groupes du jour ressemblent à des tableaux de bord d’avions de lignes, celui de Johni Holliday est juste un boîtier avec un bouton type “on/off” au bout d’un fil…), mais droit à l’essentiel, le groupe s’embarque dans un set énergique de psyche assez nerveux. Musicalement, ça virevolte entre des rythmiques plutôt rapides et des tempi plus moyens, le tout étant largement baigné par une rythmique très efficace, et en particulier un groove de basse impeccable. Holliday, en frontman aguerri, assume ses leads au même titre que ses vocaux, sans faillir – même si sa voix un peu stridente peut user un peu sur le long terme. Quoi qu’il en soit, difficile de monopoliser l’attention d’une part du public avec encore des étoiles de Nebula dans les yeux, et d’autre part en attente de Lo-Pan, raison pour laquelle Ruff Majik ne remplit pas la petite salle, même si leur set bien sympa capte un public d’amateurs avertis.
LO-PAN
Troisième fois que l’on voit Lo-Pan sur cette tournée, autant dire qu’on n’est pas trop inquiet, on sait qu’on va prendre notre pied. On ne va pas en faire des tonnes, ce set reprenait peu ou prou les mêmes caractéristiques que les précédents : un groupe qui prend la scène le couteau entre les dents, une rythmique redoutable, un guitariste d’une efficacité désarmante, et un chanteur au feeling incroyable qui fait de Lo-Pan un groupe “différent”. Une part du public semble découvrir les américains, qui viennent finir de remplir une Kranhalle bien remplie ! Bref, le set est encore une fois impeccable d’efficacité et les américains cartonnent, si bien que tout le monde est un peu déçus quand on les voit quitter la scène un peu plus tôt que l’horaire prévu. On aurait pas craché sur un titre de plus…
TRUCKFIGHTERS
Truckfighters est décidément un groupe qui ne rend personne indifférent : ils prêtent le flanc depuis plusieurs années à tout un pan du public stoner qui en disent pis que pendre (en dépit de toute rationalité parfois : Dango saute trop sur scène ? Leur musique est pauvre ? Ils ont trop de succès ?…), tout en voyant les rangs de leurs fans grossir de plus en plus et leur statut monter en fonction. Par ailleurs, cette tournée les voit remettre le couvert en mode « reformation » suite à un split de plusieurs mois, dont on n’était pas sûr qu’ils ressortiraient. On gagne donc la scène principale en se demandant à quelle sauce on va être mangé. Devant le public un grand rideau imprimé dissimule la scène, rideau qui tombe à la seconde du premier riff (10 min en retard sur l’horaire quand même) pour découvrir une paire de musiciens baignant dans une subtile fumée (dissimulant complètement le batteur) et un ensemble de spots puissants posés au sol, générant des flash en mode stroboscopique, le tout apportant une vraie intensité visuelle à la scénographie. Nos deux musiciens sont comme toujours bien excités (et oui, Dango saute dans tous les sens, désolé), mais surtout… le public est en feu ! Chauffé à blanc, la fosse est blindée et surexcitée ! Bien attisée par Dango qui va les haranguer à l’envie, le pit réagit au quart de tour, pogos, headbang, etc… Et donc, voilà, le constat se dessine très vite : Truckfighters peut faire l’objet de moults critiques, mais ce qu’ils ont provoqué aujourd’hui, personne n’a été capable de le faire à moitié, c’est aussi honorable qu’inattaquable. Généreux, solides, honnêtes, professionnels, leur posture désarme le moindre contre-argumentaire. Côté set list, votre serviteur n’aura pas pu assister à tout le concert (Ecstatic Vision oblige) pour le valider, mais le groupe semble s’employer à jouer la totalité de Gravity-X, son classique. A noter qu’il semble que leur ancien batteur (l’un de leurs anciens batteurs pour être correct) Poncho soit en charge des futs, le même Poncho qui les avait quitté pour aller garnir les effectifs de Blues Pills (et donc au chômage technique). Bref, un set qui aura laissé des traces, sans discussion possible.
ECSTATIC VISION
Alors que la foule est massée devant la grande scène en train de se faire baffer par Truckfighters, et qu’une autre part se prépare à encaisser le set de Bongripper, Ecstatic Vision se prépare à faire le meilleur usage de ce créneau horaire « sandwich » un peu ingrat, en particulier sur la petite et isolée scène Orange. Un public d’aficionados se prépare néanmoins à les accueillir dignement, et c’est – encore une fois – avec un professionnalisme, un sérieux et une efficacité bluffantes que le quatuor prend tout le monde par surprise. « Hello, we’re Ecstatic Vision from Philly. Do you like smooth jazz ? » lance Doug en laissant Kevin proposer quelques notes de saxo, hilare. Mais c’est sur du classique Ecstatic Vision qu’ils lancent les hostilités, sous la forme d’un déluge de groove lancinant et dynamique, une base de riffs répété à l’envie pendant presque dix minutes en mode kraut-rock boogie, emballant le public en moins de 10 secondes dans une frénésie irrésistible, sous des salves ininterrompues de stroboscopes entre hystérie et hypnotisme. Les gars passent du sax à la guitare, de la guitare au chant (avec ou sans mégaphone), rajoutent de l’harmonica, des effets… Mais le tout se fond dans une sorte de gigue groovy psychédélique enivrante et joviale. Impossible de discuter set list, les concerts se chevauchant, il était impossible d’assister à l’entièreté du concert, mais autant vous dire que ce fut un crève-cœur que de quitter la salle en milieu de set… Mais quel groupe de scène !
BONGRIPPER
Autant le dire tout de suite, Bongripper fait un peu tâche sur cette affiche qui fait la part belle au psyche/stoner de toutes engeances. Mais cet audacieux choix de programmation s’avère payant à plus d’un titre. D’abord, parce que ça attire du monde : la salle est blindée et se masse 10 minutes avant devant la scène de la Kranhalle. Ensuite, stylistiquement, Bongripper, c’est à la fois la contre-programmation (à cheval avec Colour Haze – qui commence un peu plus tard – c’est un peu la Belle et la Bête du stoner, Dr. Jekyll & Mister Hyde…) et à la fois un gros pavé dans la mare, pour apporter un peu de poil et de gras à cette affiche un peu trop glabre. Dans tous les cas tu gagnes… et nous en premier ! Le quatuor étasunien prend les planches sans artifice, comme d’hab. Sur une base de feedback qui végète quelques minutes tout seul dans son coin, les gars se lancent dans le riff de “Worship” pour la première série de headbangs – première d’une série annonciatrice de pas mal de rendez-vous chez le chiropracteur. Ron toujours au centre vit son truc à fond et fait vrombir sa basse en faisant claquer des cordes si lâches qu’on dirait des fils élastiques. Dennis, la force tranquille, est toujours concentré dans son coin tandis que Nick enchaîne headbangs et leads dévastatrices. Chacun fait sa part du job pour rendre hommage aux compos épiques et massives ; ils évoluent tous de manière complémentaire, et se retrouvent en harmonie à chaque fois qu’un riff de 38 tonnes pointe le bout du nez, pour mieux asséner le coup fatal à vos cervicales. Le son des instruments, bien aidé de cette véritable science du pedalboard, est juste hallucinant de lourdeur, chaque coup de grosse caisse semble accompagné d’un déluge de bitume. S’ensuivent rien moins que “Slow”, la première moitié du dernier album, jouée en entier, et le prophétique autant qu’ironique (au vu du contexte) “Endless” avant de terminer le set dans le même feedback qu’il a commencé. 3 titres, pour plus d’une heure de messe doom, le compte est là. Plus qu’une démonstration, plus qu’une claque, Bongripper a trépané le Keep it Low, et personne n’en ressort tout à fait comme il est venu…
COLOUR HAZE
Du coup, ne nous voilons pas la face, il est assez difficile de traverser le complexe et de rejoindre le set plutôt bon enfant et relax de Colour Haze. Pourtant, la bande à Stefan est redoutablement en place, et accueillante. Désormais en format quatuor de manière stable (avec l’apport de Jan Faszbender en membre à part entière du groupe aux claviers) le groupe joue ce soir dans son statut bien particulier au Keep it Low, quelque part entre groupe invité et hôte ! En effet ils jouent tous les ans sur les mêmes planches, devant “leur” public, étant donné qu’ils sont munichois eux-mêmes… La salle est un peu moins remplie que pour Truckfighters (Bongripper oblige / fin de soirée oblige/ appel du Beergarten oblige…) mais bien tassée néanmoins, d’un public jovial et qui déguste chaque solo de Stefan Koglek, le guitariste aux pieds nus. Niveau jeu de scène, difficile de faire plus rigide et statique, mais ce n’est pas une critique : l’intérêt du groupe est à trouver ailleurs, dans un autre niveau de perception, dans ce stoner très infusé et fuzzé, emballant, rythmé, propice aux jams sous maîtrise d’œuvre guitaristique, servi par un quatuor de musiciens surdoués mais jamais démonstratifs… Clairement, ce sont les champions du genre, le mètre-étalon de la performance jam, le porte étendard du fuzz psyche… La prestation est planifiée pour durer 2h… mais on sait le groupe coutumier des sets sans fin, et on se dit que cet horaire de fin risque d’être emplafonné, or nos petits corps fourbus et notre pauvre cortex cérébral en pièces suite au set de Bongripper ont bien besoin de repos…
On s’éclipse donc du Feierwerk dans la nuit, dans une température presque estivale, et on regagne nos pénates des étoiles plein les yeux… Cette affiche incroyable s’est enchaînée tout l’après-midi sans nous laisser respirer, mais on aura pu goûter à tout… et on en aurait même repris un peu parfois ! Maudits overlaps… On a apprécié ce festival à l’ambiance très sympa, entre amical et familial, où tout le monde se croise et se retrouve, fatalement, dans ce super agréable Beergarten. Quand en plus l’affiche est de ce niveau, on peut être sûr que l’on y reviendra…
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