BONGRIPPER – 11/10/2019 (+Satori Junk + Burning Gloom) à Milan, Italie & 13/10/2019 (+Telepathy) à Leipzig, Allemagne

Bongripper est rare sur scène en Europe – et commencer un article par un bon gros euphémisme ne fait jamais de mal, dit-on… 1 date en 2018 (en Finlande), 4 en 2017, 6 en 2016, 1 en 2015… On continue ? Du coup, les voir en live réclame des efforts, notamment celui de traverser quelques frontières pour aller observer la bête dans son véritable biotope : la scène…

 

Journal de bord « Bongripper on tour » – Jour 1 :
Milan (Slaughter Club, Italie) – 11/10/2019 (avec Satori Junk + Burning Gloom)

On rejoint le Slaughter Club en milieu de soirée, dans un quartier industriel pas vraiment aussi glamour qu’on aurait pu l’espérer (la salle est en fait à quelques kilomètres du centre de Milan). Mais peu nous chaut, on est là pour la musique. Satori Junk entame les hostilités, dans une ambiance plutôt calme… La salle, de belle capacité, est à peine un quart remplie d’un public discret. Le quatuor milanais a pour but de chauffer le public, et ne manque pas d’énergie déployée dans ce but, mais musicalement, c’est difficile : les musiciens sont carrés, ça joue bien, mais le paysage musical est un peu barré. Se revendiquant de l’acid horror doom (!) le combo local propose une musique bariolée, très portée par son clavier, qui se lance parfois dans des plans complètement saugrenus (des passages jazzy smooth limite piano bar), et quelques instants plus tard ils lâchent une embardée de gros stoner doom qui remet le groupe dans les clous… Étonnant à défaut d’emballant.

 

Vient le tour de Burning Gloom, un nouveau groupe… quoi que ! En fait, il s’agit de la nouvelle incarnation de My Home On Trees, groupe que l’on avait déjà vu en live et entendu sur album ! Même pas de changement amer de musicien ou de deal foireux avec un label, tous les zicos sont toujours là et le groupe est en forme ! Ce qui a changé ? L’intro sur le très Kyussien « Nightmares » (écoutez cette ligne de guitare…) est trompeuse : le stoner classique a cédé la place à un propos plus rude et plus metal, clairement plus sombre. Laura, la chanteuse, représente toujours l’un des atouts qui démarque le groupe, avec des lignes vocales profondes et variées, plus hargneuses désormais. Notons qu’elle sera accompagnée de Celestial Ivy, une chanteuse invitée sur le titre « Modern Prometheus », sur lequel les deux vocalistes se renvoient les lignes de chant, un passage sympa… parmi d’autres ! Car le set, durant lequel ils jouent 90% du nouvel album, tient bien la route et nous rapproche (un peu) des maîtres de la soirée…

 

Ils sont là, les maestro du doom, Bongripper… et malheureusement, la salle n’est pas remplie ! Il faut dire que la capacité du complexe est un peu trop grande, signe soit que Milan manque de salles, soit que l’organisateur espérait que cette première date italienne dans la carrière du groupe rameuterait les troupes (dans un pays où le remplissage des salles de concert est aussi problématique qu’en France, par exemple…). Quoi qu’il en soit, les quatre américains montent dans une nappe de fumée, discrets, et lancent le traditionnel feedback introductif de leurs sets… Au bout de quelques minutes de concentration forcée, la montée en régime de « Hail » est engagée, et les premiers riffs nous écrasent littéralement : s’ils le jouent en entier (spoiler : c’est ce qu’ils feront) on va avoir du mal à s’en sortir indemnes. Le son est colossal au 1er rang (les amplis en pleine face) et le mix est perfectible dans la salle (le son de batterie est trop poussé). Mais on chipote : tout le monde prend aussi cher. Ce concert a beau être le premier de cette série d’une dizaine de dates, les gars sont rodés, et la machine de destruction tourne à la perfection : chacun connaît son rôle, les interactions sont toutes précisément établies, les regards sont partagés, mais aucun mot n’est JAMAIS prononcé. Le titre d’intro du nouvel album, « Slow » (bon, OK, la moitié du nouvel album) est alors engagée sur la base d’une boucle sonore lancée ad lib par Nick et avec un plan de batterie de Daniel O’Connor ralenti (un comble), laborieux et malsain. La petite demi-heure du morceau passe, avec ses coups de boutoir alternant avec ses transitions superbes, ses riffs massue et ses plans quasi atmosphériques… Étouffant.

Puis « Endless », désormais incontournable de leurs set lists, vient prendre le relais pour encore presque 20 minutes de déluge sonore organisé. Clairement moins déboussolés que leur public, victime consentante, les gars concluent le set sur le final cacophonique du titre, synchronisant leurs feedback respectifs pour un arrêt net, dernier acte de brutalité d’un set qui n’en manquait pas. On est soufflés, on repart hébétés et heureux… et on en demande encore !


Journal de bord « Bongripper on tour » – Jour 2 :
12/10/2019 au Keep it Low festival (Munich, Allemagne)

 

Voir chronique ici.

 


Journal de bord « Bongripper on tour » – Jour 3 :
13/10/2019 (avec Telepathy) à Leipzig (UT Connewitz, Allemagne)

Après une fin de journée quasi-estivale à Leipzig, on rejoint le quartier très sympa et animé de Connewitz, où se trouve la salle. En rentrant, on est soufflés : le lieu propose des volumes énormes, et une scène impressionnante, avec colonnes et portique emblématiques d’un bâtiment de la Rome antique, carrément ! Le lieu, insoupçonnable de l’extérieur (on y rentre par une vulgaire porte d’immeuble) est en fait un théâtre de plus d’un siècle, l’un des plus anciens de la ville.

La « théâtralité » du lieu est tangible dès les premières notes de Telepathy : le quatuor anglais (et polonais), qui partage quatre dates de cette tournée de Bongripper, évolue dans une ambiance vaguement ténébreuse, dans une atmosphère très fumeuse (on verra assez rarement le pauvre Richard Powley, perdu dans la brume sur son côté droit de la scène), avec un éclairage dramatique très bien étudié pour mettre en valeur le lieu. Musicalement, le groupe complète plutôt bien une affiche bicéphale avec les maîtres du doom : Telepathy propose un post-metal très lourd et nerveux, porté par des plages ambiantes pesantes et des assauts guitaristiques puissants. Complètement instrumental (le groupe n’utilisera son micro que pour balancer deux ou trois phrases à l’attention du public…) le groupe fait montre d’une grosse assurance scénique et d’une set list riche en titres bien plombés. L’énergie déployée finit d’emporter le pompon, et on se dit qu’on devra garder un œil sur ce combo atypique mais qui en a sous la pédale…

 

Quand arrive Bongripper, la salle est blindée : on peut y circuler, mais il y a du monde partout (ah, le public allemand laisse songeur…). Après trois dates, on n’a plus de surprise sur le comportement scénique du quatuor, même si justement, par nature, on est à l’opposé de toute scénographie : conceptuellement, Bongripper dédie tous ses efforts au son, la présence scénique n’est vraiment pas dans ses priorités, malgré encore une fois une salle qui se prête à un superbe spectacle. Du coup, chaque seconde du set vient remplir le spectre sonore, soit par des délires bruitistes plus ou moins structurés, soit en jouant sur les potards de leurs amplis ou leurs pédales d’effets (pédales qu’ils manipulent parfois comme des instruments à part entière).

Aujourd’hui c’est le heavy (oui, désolé) « Worship » qui introduit les hostilités du jour pour un petit quart d’heure de riffs assénés en pleine face à la vitesse d’un pachyderme apathique. Comme toujours, Dennis à gauche, tourné vers ses collègues, est le moins dynamique, concentré sur son manche et son son (et la puissance de ce qui sort de ce discret guitariste est au delà de l’imaginable). Nick et Ron sont plus énergiques, et leur jeu hypnotise. Il faut voir en particulier Ron faire claquer les cordes clairement sous-accordées de sa basse pour chaque coup de médiator… Quant à Daniel derrière son kit, discret, il emmène ses potes dans des compos complexes, riches et élaborées, sans jamais se perdre en route (le piège est grand d’accélérer le propos, voire l’inverse). Bref, la prestation physique « a minima » cache en réalité une maîtrise musicale et instrumentale de tous les instants. Côté set list, s’ensuivent les dévastateurs « Slow » et « Endless » évidemment, pour finir de constituer plus d’une heure d’un set éprouvant, étouffant, mais libérateur…

On interrompt sur cette date notre petite tournée Bongripper avec le sourire jusqu’aux oreilles, le cou douloureux, et une petite boule au ventre en se demandant quand le groupe reviendra sur nos terres…

 

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