De retour au Trix d’Anvers pour le troisième et dernier jour de cette sixième édition du Desertfest version belge. La mainstage nous promet des merveilles et les autres scènes du tout bon aussi, la journée s’annonce donc au moins aussi heavy que la veille, c’est tout ce qu’on demande!
LUCY IN BLUE
Lucy in Blue a l’honneur et la difficile mission d’entamer ce dernier jour sur la Vulture Stage. Autant Bismut la veille nous avait mis les pieds dans le plat directement, autant les islandais nous ont tranquillement permis de finir notre digestion sans trop nous énerver. Vue la liste des groupes prévus aujourd’hui, Lucy in Blue fait un peu bande à part avec son rock psyché/progressif un tantinet trop propre. C’est agréable à écouter, le groupe a un bon feeling mais voilà, on ne va pas dire que nous avons fait là une découverte inoubliable.
SÂVER
Avec Sâver sur la Canyon Stage, on reste dans le nord avec la Norvège mais on change radicalement de style et c’est peu de le dire. Le trio est ici en plein dans sa toute première vraie tournée européenne et pas difficile de se dire qu’ils ont réussi à intéresser le public avec leur doom post metal – je ne sais même pas comment qualifier ça – de haut vol. Bref, si vos potes ont l’habitude de qualifier votre musique favorite de bruit lourd à la limite de l’écoutable, alors allez tout de suite les découvrir ! Heavy as fuck comme disent certains, le groupe a défendu avec brio son excellent premier album, sans aucune concession.
WOLVENNEST
Décidément les trois premiers groupes de l’après midi n’ont rien à voir les uns avec les autres puisque nous voilà en face des belges de Wolvennest et son décorum un peu kitch à mon gout. J’ai du mal à m’y mettre. Je sors de Sâver qui m’a mis une claque sans le moindre artifice sur scène et un éclairage au strict minimum et j’arrive sur la mainstage avec un hôtel de cérémonie en plein milieu de la scène et pas moins de trois guitaristes. Bref, ça ne prend pas avec moi, je n’accroche pas. Mais en toute objectivité, le groupe donne un set bien pro et rodé. Le public semble y trouver son compte. Ajoutons qu’il y a trois ans le groupe faisait la Canyon Stage (la moyenne), aujourd’hui ils ouvrent sur la Desert Stage (la grande). Il y a donc un nombre d’adeptes grandissant pour voir Shazzula et ses compagnons. Un concert qui a ravi les fans j’en suis certain.
THE PROGERIANS
Allez, direction la Canyon pour rester avec des belges particulièrement bien représentés durant ce DesertFest. The Progerians pour qui ne connait pas, c’est un mélange de pas mal d’influences. Si vous avez envie d’y voir du punk, vous en trouverez, vous voulez du sludge, la petite touche est là aussi, une pincée de rock, de doom etc… bref, encore des inclassables. Un mélange qui d’ailleurs prend très bien et un groupe qui maitrise son sujet. La chose très intéressante dans ce groupe, y compris dans sa prestation, c’est que c’est lourd, parfois très lourd mais toujours accessible. On n’a jamais l’impression d’être devant un groupe qui veut construire un mur du son infranchissable pour les oreilles non exercées. Le genre à plaire aux puristes tout en tentant les newbies. Bref, The Progerians a largement de quoi nous satisfaire et c’est largement ce qu’ils font en occupant le moindre espace sonore disponible pour le remplir avec un son puissant mais pas agressif. De la belle œuvre.
VONNIS
Dans une Vulture qui se remplit peu à peu, les Belges de Vonnis proposent un set dans la plus pure tradition crust/blackened/Sludge (si tant est qu’une telle ode à la crasse puisse avoir une quelconque tradition). La formation de Gand est dans son plus simple appareil (guitare/basse/batterie) pour accompagner un chanteur torse nu, recouvert de tatouages qui passera les 45 minutes de leur set à livrer bataille, sur scène comme dans le pit, haranguant provocant, allant chercher centimètre après centimètre, l’estime d’un public qui ne s’attendait peut-être pas à une telle agression si tôt dans la journée. Résultat c’est le guitariste du groupe qui en fait les frais et qui finit le set sur le dos de ce zébulon maléfique. Une prestation aussi solide que chaotique.
LORD DYING
Dans la famille doom/sludge heavy américaine, après Papa Mastodon, maman Baroness et de nombreux enfants plus ou moins viables, je demande le petit dernier, qui fait la joie de Relapse Records avec des albums aussi mélodiques qu’heavy : Lord Dying. Le quatuor (aujourd’hui deux membres permanents et des portes flingues) a vu sa côte grimper comme le mercure un jour de canicule depuis la publication de Mysterium Tremendum en début d’année. C’est donc avec joie et logique que l’on retrouve les imposants américains (surtout Eric Olson qui est tout aussi américain mais encore plus imposant que ses comparses) sur la mainstage pour un set… XXL forcement. Ils sont accompagnés du batteur de Behold The Monolith (que nous vous recommandons chaudement) et d’Alyssa Mocere, désormais Madame Pike au civil (et à la basse donc pour Lord Dying). Leur set impressionne une salle plutôt bien remplie et « Envy The End », le single de leur dernier album en date fait mouche, malgré des passages complexes (et un petit recours à une bande enregistrée, si si on vous a vu). Un très bon moment.
MONKEY3
C’est peu dire que les Suisses étaient attendus. Dans une mainstage absolument blindée, les plus floydiens (du Pink Floyd sera joué lors des balances) des musiciens de la scène européenne dévoilent une ambiance impressionnante, faites de lumières profondes et de deux points luminescents, reprenant le logo de Sphere, leur dernier album en date, publié en avril dernier. Ils en tireront la plupart des morceaux de leur set, emportant l’ensemble de la salle dans un trip cosmique, dont le point d’orgue sera « Prism » à l’incroyable crescendo. L’un des concerts du fest.
EYEHATEGOD
Pères incontestés du sludge, véritables caïds du metal, EyeHateGod est monté sur scène avec la dérision et le je m’enfoutisme qu’on leur connaît, d’autant plus après avoir été échaudé par quelques « where is Jimmy Bower ? » émanant de la fosse. Le Bower en question s’étant fait lourder après un fâcheux incident à l’aéroport Charles De Gaulle en septembre (incident impliquant la sécurité de l’avion devant amener le groupe à Tel-Aviv), c’est Brian Patton, leur ancien second gratteux, en bon soldat, qui est revenu tenir la 6 cordes dans le gang. Visiblement ravi d’être de retour, il fait preuve d’une vraie complicité avec Mike Williams et lorsque ce dernier demande avec malice quel groupe joue après eux, Patton se fait un plaisir de troller l’assistance en balançant le riff de « Dragonaut ». Le chanteur, en grande forme et en voix, se moque, charrie, provoque (lançant « Sisterfucker part 1 » par un « vous semblez tous avoir baisé votre sœur » ou annonçant 3 chansons d’affilées comme étant les dernières du set) et obtient l’adhésion de la moitié des spectateurs tout en provoquant le départ de l’autre moitié. Côté musique leur son est monstrueux, aussi massif que nécessaire et le concert, dans cette ambiance délétère juste ce qu’il faut, est un moment absolument truculent. EyeHateGod toujours délivre, comme on dit aux states.
SLEEP
Sleep est de toute évidence la plus grosse attente du festival et nous sommes quelques parisiens à attendre avec impatience ce grand rendez-vous, convaincus que la mainstage du Trix et le son qu’elle développe siérait bien plus à la performance du trio que le Bataclan deux semaines auparavant. Et nous ne fûmes en aucun cas déçus. Dès la (longue) intro, reprenant la retranscription radio des premiers pas de l’homme sur la lune, terminée, Matt Pike (que l’on a vu trainer au bord de la mainstage toute la journée), Al Cisneros et Jason Roeder investissent les lieux et balancent « Marijuanaut’s Theme » en pâture à une fosse déjà enfumée. Le son est puissant, implique l’estomac à l’évènement et l’expérience est déjà, en quelques riffs, plus concluante que le concert à Paris. Plus de la moitié du set est alloué au dernier (et parfait) album du groupe, The Sciences et l’on peut regretter que sur la tournée « Dopesmoker » n’a jamais été joué (même pas un riff, un petit quelque chose). Mais les moments forts sont légion, et c’est avec un plaisir total que les spectateurs accueillent les jams de « The Botanist » et bien sur l’énorme « Dragonaut » en fin de set. Un concert dantesque.
BLACK PYRAMID
Drôle d’affaires que celles de Black Pyramid qui se présente en tournée avec un line up dont il ne subsiste plus personne du line up précédent et des derniers albums. C’est un groupe tout neuf (quoi que fait de revenants) qui se présente sur la Canyon, histoire de clore le festival. Bien sûr de nombreux spectateurs ont déjà quitté les lieux mais la salle est tout de même correctement remplie et le groupe déroule son heavy/doom écrasant, foisonnant de riffs, présentant (il me semble) deux nouveaux morceaux et emportant tous les suffrages avec le classique et imparable « Visions of Gehenna ». Un concert très solide avant de baisser le rideau d’une édition qui aura présenté tout de même un certain nombre de groupes de grande qualité.
Et voilà, toutes les bons choses ont une fin comme le dit l’adage. Ce Desertfest 2019 nous a donné beaucoup de bons concerts et quelques bonnes découvertes, exactement ce que l’on demande d’un festival. Il ne reste plus qu’à attendre quelques mois avant de retrouver la franchise Desertfest à Londres, Berlin et bien sur Anvers. La machine est désormais bien rodée et c’est devenu au fil des éditions un incontournable, et c’est largement mérité.
Iro22, Shinkibo
(Photos : Shinkibo)
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