Oserait-on parler de “retour à la normale” ? Toujours est-il qu’avec le retour aux affaires des Make It Sabbathy depuis quelques semaines (en mode “low profile” pour le moment) et le Sidéral Fest la semaine dernière, on observe un frémissement côté concerts à Bordeaux.
On rentre dans le toujours sympathique Krakatoa au son de Little Jimi, première partie locale ajoutée au déjà sémillant plateau proposé ce soir. Le trio bordelais a fait du chemin ces dernières années, et ils ne sont pas impressionnés sur cette grande scène. La salle est en configuration “réduite” (des rideaux sur le côté rapprochent le public de la scène, et le balcon est fermé) ce qui laisse quand même une belle capacité dispo, correctement remplie ce soir. Le set est solide, et les deux guitaristes (oui, pas de bassiste au sein du groupe), l’un droitier, l’autre gaucher, se partagent les plans de gratte avec énergie. Même si l’on est habitué avec le groupe, on regrette toujours qu’il n’y ait pas plus de “nerfs” dans certaines de leurs compos pour emballer un peu la machine, qui ronronne sur des titres mid-tempo heavy. Les goûts et les couleurs… Au bout d’une demi-heure, les titres les plus nerveux sont dégainés pour finir d’emballer le concert, à l’image de leur conclusion sur leur emblématique première chanson sortie sur disque, “Jimi” : le lancement est calme et posé, mais le poids du titre se découvre sur sa fin. Un bon set, bien exécuté, très pro… Avec un soupçon de folie et d’énergie supplémentaire, on serait aux anges !
Les suédoises de Maidavale partagent la scène avec Earthless sur leur tournée européenne, une superbe opportunité, mais pas volée, au regard du nombre de concerts qu’elles ont dans les jambes et de leur réputation scénique. Elles le prouvent déjà avec une mise en place express, pour un lancement de set où quelques secondes suffisent pour être mis dans le bain avec le bien nommé “Trance”, issu de leur dernier album (qui commence à dater…). A noter d’ailleurs que quasiment toute la set list s’appuie sur des chansons du dernier LP – signe qu’il est urgent de rentrer en studio mesdames ! Seul un titre ne nous rappelle pas de souvenir, peut-être un inédit ? En tout cas on ne compte pas sur leur frontwoman, Matilda, pour nous en dire plus, les échanges “vocaux” avec le public étant rares. Globalement, on y est habitués, les musiciennes sont concentrées sur leur jeu, avec assez peu d’interactions entre elles et avec le public. Mais l’effet est là : la rythmique portée par une grosse ligne de basse lancinante en fond et la frappe limite percus de Johanna Hansson (quel son de grosse caisse !) génèrent à elles seules une sorte de transe hypnotique. Sur cette base, Sofia Ström balance des lignes de guitare et Matilda s’empare aléatoirement d’une guitare, du micro, de maracas, tambourin, clavier… L’ensemble génère une sorte de trip de 45 minutes quasi-ininterrompu, aux frontières entre space rock, musiques tribales, et toutes les variantes du psych rock. Toujours très efficace auprès d’un public conquis, ondulant au rythme de la musique du premier rang jusqu’au fond de la salle.
C’est au tour des maîtres de la soirée, Earthless, de prendre place sur la grande scène… littéralement : comme on y est habitué avec le trio de San Diego, chacun prend sa place et n’en bougera pas de tout le concert, le plus marquant étant comme toujours Mike Eginton, qui se cale sur le côté du kit de Mario Rubalcaba et n’en bougera plus, sans le moindre regard adressé au public… Quant au maître de cérémonie Isaiah Mitchell, même s’il est un tout petit peu plus mobile, sa position pour 90% du concert est la même : un pied sur sa pédale wah-wah, la barre de vibrato sous le petit doigt, le gars décharge des caisses de soli non stop dans la même configuration ! A ce titre, rien ne ressemble à un concert d’Earthless qu’un autre concert d’Earthless… Penchons-nous sur la set list pour chercher l’originalité – et pour le coup, on est servis : le groupe donne un premier indice en se lançant dans l’interprétation de “Night Parade of One Hundred Demons (part I)” pendant les 20 premières minutes du set… Puis le “(part 2” du même morceau, qu’il étire en long et en large (comme si l’original manquait de soli !). Quand il annonce “Death to the Red Sun”, le constat est clair : le groupe s’est lancé dans l’interprétation intégrale de son dernier album. Courageux ! Même si ce n’est pas inédit chez Earthless, les gars se jettent à l’eau, et assument à 100% leur dernière sortie. Du coup le public a moins de repères (aucun “classique” ne sera joué) mais il est venu pour voir Earthless faire du Earthless, et il est servi : avec un duo rythmique toujours inébranlable, tous les regards se focalisent sur Mitchell, virtuose de l’improvisation, qui, en réalité, déroule un solo pendant plus d’une heure non stop, retombant toujours sur ses pattes sur chaque séquence rythmique amenée sur un plateau d’argent par ses deux potes en fond de scène. Toujours aussi épatant. Une fois l’interprétation de son album effectuée, le groupe sort sous les acclamations mais revient assez vite pour proposer en rappel un vent de fraîcheur : une reprise du groupe japonais Speed, Glue & Shinki, “Stoned Out of My Mind”, un titre vraiment sympa pour une conclusion relax.
Au final, le groupe nous aura proposé un set de quasiment 1h30, ce qui devient un format atypique de nos jours pour un live. Tout le monde repart avec une sérieuse dose de jam… et le sourire ! Généreux, efficace, talentueux… Earthless continue de tracer sa route, un peu seul sur son piédestal… Chapeau.
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