Comme un genre de Pari Mutuel Urbain, L’Oeil de Néron joue avec nos émotions et s’acoquine, platoniquement s’entend et pour la première fois avec le Jack Jack (Mjc de Bron flambant neuve). Une association de bienfaiteurs qui nous propose rien de moins pour son baptême que ce Bal Doom-Doom, poétiquement nommé et à l’affiche internationalement alléchante.
SUNNATA
La salle se remplit péniblement alors que les polonais entament leur set qui va devoir se dérouler devant une audience clairsemée mais concentrée. Grosse attente en effet à propos de ce groupe qui tente de s’extirper de la catégorie “espoirs” du doom alambiqué et introspectif. Son dernier rejeton Zorya ayant fait son petit effet au sein de la communauté, le cap du live se fait crucial pour le quatuor. Après un réglage de ventilateur capillaire, Sunnata peut s’employer à tisser ses ambiances. Noires bien sûr, souvent suffocantes ou à l’inverse aérée et planantes, tout semblait réuni pour passer un bon moment clair-obscur dans une quasi pénombre. Le nombre d’ampli sur scène est ahurissant pour ne pas dire démesuré, ce qui fait que la façade n’est que très peu sollicitée à ce niveau. Du coup le rendu global manque de l’ampleur présente sur disque, une sensation de compacité qui ne sied pas forcément à l’immersion suggérée par les compos. Dommage, d’autant que le travail sur les chants, remarquable sur l’album, ne se trouve pas retranscrit comme on aurait pu le souhaiter. Un concert pourtant pas inintéressant (le très bon “Beasts of Prey” qui ouvre le dernier album suscite clairement l’attention) mais sur la longueur une certaine monotonie a tendance à s’installer. Gageons qu’à force de travail et de prestations live le groupe trouvera une unité scénique et sa personnalité, comme peut le laisser espérer un “Long Gone” où les ombres disparates de Yob et Mastodon parviennent à se mêler.
COUGH
Il semblerait que le relatif déclin d’Electric Wizard fasse de plus en plus d’émules, comme un flambeau qui ne demanderait qu’à être repris. S’ôter le groupe anglais de l’esprit s’avère difficile mais avec sa décennie d’expérience et un Still They Prey aux petits oignons, produit par un certain Jus Oborn (tiens tiens…), Cough grimpe d’un gros échelon après quelques années de silence studio. Le son est copieux et les musiciens font preuve d’une complémentarité agréablement bien maîtrisée. Dans le monde du trio, ici deux guitares, réglées suffisamment différemment pour se distinguer individuellement, se partagent le soin d’élargir la lourdeur du propos déjà conséquente. Les nombreux leads et solos inspirés, gavés de wah-wah, se trouvent donc appuyés de rythmiques accroissant significativement l’attraction terrestre au sein du Jack Jack, qui s’est un peu plus correctement rempli. D’autant que le batteur martèle gros fûts et grosses cymbales plus que de raison sur des tempos qui, il faut bien avouer, s’y prêtent allègrement. Le chant clair et plaintif de David est contre-balancé par celui agressif, très black dans l’idée, de Parker, “Rickenbackeriste” de son état. Un set épais et bien mené qui propulse les ricains au rang de confirmation, prêts à retourner entre autres le Desertfest Belgium dont on vous parle très bientôt.
ELDER
Champagne ! Enfin Elder truste les salles de France et de Navarre et par conséquent les colonnes de partout sur le web. Nick nous confiera la difficulté de monter cette première tournée européenne, conjointe avec Cough. Bien leur en a pris, il était grand temps de pouvoir voir évoluer cette formation dans les meilleures conditions possible, à savoir en (co-)tête d’affiche et dans des salles dignes de son talent. En studio comme en live, le trio n’aime pas jouer la facilité, ce qui nous permet d’avoir chaque fois une setlist différente avec son lot de surprise. Ce soir ce sera l’énorme “Release”, extrait relativement méconnu du non moins obèse EP Spines Burn, déterré pour le plaisir de tous. La sono est au taquet et le pied dans la salle est intégral. Il faut dire qu’Elder joue fort, très fort, en plus très fort, très fort. Conséquence de quoi, en contexte live, il perd (un peu) en finesse et gagne (beaucoup) en puissance. Mr DiSalvo, six cordes bien en mains, écœure comme d’habitude autant qu’il émerveille, d’autant que son chant semble se faire de plus en plus dompté. Mr Donovan explore intégralement sa basse avec une facilité qui lui permet une implication scénique de tous les instants et qui laisse pantois. Quant à Mr Couto… L’homme qu’on ne voit pas assez mais qu’on entend bien a décidément le coup de baguette juste; y’a pas, ces mecs réussissent la prouesse de mettre la technique au service de la musique, et sa musique au service de son public. Progressif au sens noble du terme et cette sensation trop rare, irrésistible, qu’ils jouent et se donnent, à fond, pour eux autant que pour nous. Irrémédiablement le temps défile de trop et nos “p’tits jeunes” s’éclipsent déjà, rappelé dare-dare par un public loin d’être rassasié. La dizaine de minutes de “Gemini”, LE tube, en guise de rappel tentera en vain de combler ce creux inabreuvable. Conclusion : vivement la prochaine occasion de les voir et la suite discographique d’un groupe au top de sa forme, comme en atteste Sanctuary, le nouveau morceau expérimenté (pour nous) sur cette tournée.
Contrat musicalement plutôt rempli pour cette première qui en appellera, souhaitons-le, beaucoup d’autres, à commencer par le festival Grand Incendie (avec notamment Glowsun et Truckfighters) qui arrive fin du mois. Puissent les quatre-cents yeux et oreilles présentes pour ce dépucelage faire des petits pour les prochains évènements, histoire qu’on puisse se délecter sur Lyon de nombreuses autres soirées de ce genre.
Merci à Nico d‘Oofzos.fr – Photos pour le partage de son joli travail.
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