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BELZEBONG (+Grey Widow +Sons Of Tonatiuh) – 07/10/2015 – Paris (Glazart / Stoned Gatherings)

Si l’affiche des Stoned Gatherings du 7 octobre est entièrement de vert vêtue, ce n’est certainement pas en référence à l’AS Saint Etienne mais plutôt à la tête d’affiche du soir, Belzebong, mot-valise dont la signification ne nécessite pas beaucoup d’explication. Pour ceux qui ne font vraiment pas d’effort, le logo avec une corne de bélier, une queue de démon et un bang pourra les mettre sur la voix. Nos amis amateurs de botanique et de pipe à eau sont ce soir accompagnés par Grey Widow et Sons of Tonatiuh. Autant dire que la quantité de boue drainée ce soir peut égaler celle du sud de la Louisiane. On espère que vous avez pensé aux bottes, ça risque d’être poisseux.

À 19h30, le Glazart est encore bien vide. On a du mal à croire que Sons of Tonatiuh va monter sur scène dans une petite demi-heure. Le concert débute et l’on regrette rapidement de s’être placé en face du bassiste. Le potard à 11, il prend le dessus sur le chant et la guitare à tel point que ceux ci sont quasi-inaudibles. On a beau changer de place, rien n’y fait : la baffle pourtant imposante de la guitare est impuissante. Dommage. Le doom/sludge des trois américains trouve son originalité dans une ponctuation de punk hardcore, où le tempo s’emballe et le chant est hurlé. L’idée est bonne mais le son ne suit pas vraiment en live. Le doom joue sur les résonances dues à une grande distorsion, la même configuration sur un tempo plus rapide et ne laissant plus de place aux échos peut rapidement donner un gloubi-boulga où l’on ne distingue plus grand chose, dont même Casimir ne voudrait pas pour dessert. Et c’est malheureusement cette sensation de manque de maîtrise sonore que nous laisse Sons of Tonatiuh, surement renforcée par une basse bien trop présente. C’est d’autant plus frustrant que lorsque la basse se calme et laisse respirer la guitare, la musique se fait tout de suite plus entrainante et intéressante. Preuve en est du mouvement des masses capillaires du premier rang, échelle de mesure du groove on ne peut plus fiable.

Grey Widow continue la soirée et on se réjouit rapidement de retrouver un bien meilleur équilibre sonore. Ce quartet anglais caractérise sa musique comme du « nihilistic sludge blackened noize ». Avec une telle appellation et un visuel n’arborant que des nuances de gris (une cinquantaine), on comprend vite que Grey Widow n’est surement pas un bon remède contre la dépression. À grand coup de riffs surdimensionnés et taillés dans le marbre, le groupe est capable d’alterner des passages explosifs avec d’autres très lourds, lents et assommants. L’ambiance est évidemment sombre, lugubre et aussi accueillante qu’une pierre tombale un soir de pleine lune. Au travers des vocaux d’un chanteur qui remplace volontiers son chant par de simples cris, on ressent une réelle expression de la douleur et de la souffrance. C’est poignant et en parfaite adéquation à la musique du groupe. Pour couronner le tout, le groupe s’implique et se donne à fond pour servir ce set dont l’énergie est très contagieuse. Au gré des différents morceaux et d’une sudation croissante du batteur, Grey Widow nous plonge dans un tourment cauchemardesque et jouissif. Une sévère claque !

Les lumières passent au vert lorsque les quatre polonais de Belzebong entrent en scène. Cheveux longs et pantalons de lin bariolés, le groupe reconnaissant en Marie-Jeanne une sainte patronne peut faire en apparence penser à une formation très 70’s. Musicalement, on est bien loin du compte. Une fumée artificielle jaillit et se met à envahir la salle, si bien que l’intégralité du Glazart se retrouve rapidement plongée dans un brouillard à écraser une biche sur une nationale. On peine même à se frayer un chemin jusqu’au bar, pauvre de nous. Sur scène, on ne distingue plus que les deux guitaristes et le bassiste, trois silhouettes alignés impeccablement. Le batteur, lui, est noyé dans la fumée. Le rendu est du plus bel effet, et l’on ne peut imaginer meilleur cadre pour assister à un concert de Belzebong. Leur musique est une bonne synthèse des effets du psychotrope qu’ils mettent en exergue. D’abord, prenez un doom écrasant et abrutissant qui plonge dans une profonde léthargie, où remuer la tête devient l’unique mouvement envisageable. À cette base bien solide, ajoutez des trips psychédéliques portés par des soli cosmiques sur wah-wah pour un voyage hallucinatoire. Bravo, vous avez trouvé la formule chimique de Belzebong, alliance d’engourdissement et d’euphorie, d’excitation et de relaxation à forte teneur en THC. La formule est tellement efficace qu’elle nous fait décoller du sol et nous captive du début à la fin, comme possédés par ces quatre fantastiques dessinés sur un écran de fumée verte.

Une soirée qui s’est ouverte en demi-teinte mais s’est vite rattrapée en assenant deux grosses bûches fatales pour les cervicales. On sort du Glazart la tête enfumée, mais sans les yeux rouges cette fois-ci.