Comme les vendangeurs dans les vignes réputées des bords du Rhin, le Up In Smoke – dans sa version sédentaire – reprenait ses quartiers au Z7 de Pratteln pour une nouvelle édition dédiée au heavy rock, au doom et au rock psychédélique ainsi qu’à tout ce qui constitue ce qu’on appelle vulgairement (ça on sait l’être) le stoner. Il y avait donc du poil, de la meuf et même des – désormais – incontournables hipsters, pieds nus dans les baskets, dans la salle menacée de disparition et ça avait même des airs de Tour de Babel quand on se baladait parmi les quidams parlant français (youpi ça a l’air de marcher le stoner dans ces contrées), l’italien, la langue visigoth du coin ainsi que d’autres dialectes européens que, malgré notre quasi omniscience, nous n’avons pas reconnu (décidément nous sommes des reporters en carton pâte).
ILJA
Les hostilités commençaient, comme c’est désormais la tradition, avec une formation des environs : Ilja (originaire de Thurgovie pour les petits curieux que vous êtes certainement) qui effectuait ses balances alors que les premiers festivaliers pénétraient – le sourire aux lèvres – dans l’enceinte de la manifestation. Ce trio masculin portant la chemise (à carreaux ou unie) avec élégance avait la lourde tâche de lancer ce festival qui allait voir quelques grosses pointures se succéder sur scène. C’est donc devant un public assez clairsemé (et pas franchement coincé contre la petite scène) qu’ils ont balancé, durant les trente minutes qui leur étaient allouées, un fuzz bien speedé aux relents parfois de grunge simpliste à la Nirvana. Au rayon son, on regrettera la batterie un poil trop en avant dans la sono, mais force est de saluer cette prestation qui s’avéra des plus agréables au final ; plaisir partagé par un public qui resta dans les alentours de la Side Stage pour profiter du bon son.
CARSON
Place à nouveau à un helvétique trio sur la petite scène, histoire de continuer à taper dans les amuse-gueule de qualité. Carson, lui, déploie un power-stoner efficace aux gimmicks entêtant et enlevés. La section rythmique assure une bonne mise en place quand le guitariste, aux faux air de Josh Homme, se lance dans du “han” solo. L’ombre des sorcières de l’âge de pierre plane assez souvent au dessus des compositions du trio. Ca joue propre et juste. Une découverte rafraîchissante qu’on vous conseille. Leur dernier EP date de 2012, à suivre donc.
BLACK BONE
Après deux prestations suisses, la petite scène, était à disposition de Back Bone. Le trio néerlandais a carrément foutu le boulet sous la tente qui couvrait la petite scène où s’étaient déroulées la totalité des performances du jour jusqu’ici. Alors que la nuit tombait, le public s’est mis en mouvement de manière frénétique sous la déferlante de riffs délivrée par ce power trio qui a fait parler la poudre. Quoiqu’assez proches d’Airbourne par moments dans l’exécution de leurs compositions (un rock furieux sans fioriture savamment mis en scène à grands coups de gimmicks hard rock), les Hollandais ont su séduire en envoyant quelques nouvelles compos issues de leur dernière plaque « Blessing In Disguise » encore disponible au rayon frais.
JEX THOTH
Les américains ont la charge d’ouvrir les hostilités sur la scène principale de la Z7 Konzerfabrik. Profitant de la pénombre offerte par la salle, Jex Thoth (la chanteuse) déploie une armée de bougies et autres artifices sacrificiels afin de nous aider à entrer dans l’univers du combo. Un doom psychédélique planant et majestueux. Musicalement la formation est au-dessus du lot, développant son univers avec une aisance technique indéniable. La performance est habitée, peut-être un peu trop. A vrai dire, les concerts de Jex Thoth sont à double tranchant. Soit vous adhérez à la performance chamanique et incantatoire de la chanteuse, profitant de ses moindres mains crispées levées au ciel comme d’un bienfait druidique, soit vous fermez les yeux pour apprécier pleinement la musicalité du groupe. Car elle chante d’une voix puissante et habitée mais visuellement le résultat semble surjoué, les incantations pataudes, le jeu ne vaut pas la chandelle qu’elle tient dans la pogne (ah-ah, pardon). Reste qu’une fois les yeux fermés, on se retrouve bercé et enveloppé par l’aura musicale que dégage le groupe. Un voyage qui prend aux tripes et aux synapses, baignant la grande scène d’un psychédélisme noir et lascif. C’est donc sur cette impression mitigée que nous nous dirigeons vers la petite scène afin de profiter du blues rocaille de…
CHILD
Et la transition se passe, ma foi, à merveille. La langueur de Jex Thoth trouve écho dans le rythme très posé dépeint par le trio australien. Un blues rocailleux donc, inspiré, rappelant un Radio Moscow moins démonstratif et plus collectif. Les trois zicos se complètent de fort belle manière, offrant une leçon d’écoute sur chaque petit libre passage. On n’est pas non plus là à un écouter un blues de papy mou d’la fuzz, nan nan. Quand les deux cordistes se décident à écraser les pompes sur leur pédales d’effets, c’est du gain crincrin et volumineux qui dégueule des enceintes de face. Pour le plus grand plaisir des esgourdes. A noter que la petite scène dans sa nouvelle configuration offre un écrin très “club” à ce genre de performance et permet d’oublier qu’on est dehors. L’immersion est totale. On est bien. Proche des artistes, des performances et du public, toujours très cool sur ce festival. Mais l’envie de bouger un peu se fait ressentir, l’envie pressante de rock à burne se fait ressentir, et l’on ne boudera pas notre plaisir de transhumer vers la grande scène pour assister à la performance pleine de poils en sueur de Valient Thorr.
VALIENT THORR
Le quintet américain va asséner une leçon de rock. Directe, burnée, tranchante et dégueulasse, la musique de ces clones de Dieux nordiques dépravés emporte le public dans un tourbillon de salacerie et de handbanging jubilatoire. Valient Himself se pose en frontman charismatique, tenant la salle avec ses speechs décousus, son “dad-bod” conquérant et ses ptits muscles tout plein de hargne. Les deux guitaristes n’hésitent pas à parcourir pleinement les manches de leurs instruments, croquant à pelletées de doigts riffs et plaquages rythmiques. L’exécution est dégueulasse, pleine de fougue. “Double Crossed” en sera le parfait exemple. La Thorr family entame ce soir une tournée d’une vingtaine de dates et entend bien prouver qu’elle va taper gras fort le vieux continent. La Z7 suinte. C’est beau à voir et un peu poisseux. Le final est un joyeux bordel, salto de guitare, bassiste claudiquant. Une bien belle prestation ma foi (à lire à voix haute avec un accent de présentateur sportif) qui a le don de nous coller un large sourire. Allez, té c’est l’heure de manger une de ces FAMEUSES saucisses du Up in Smoke. Légèreté jusque dans l’assiette. La cohérence est totale.
STONED JESUS
Le groupe au nom le plus cool de la galaxie (et de ses environs proches) voyait converger à l’extérieur la quasi-totalité du public. Les Ukrainiens ont clairement le vent en poupe ces jours et dire qu’ils étaient attendus n’est que rendre justice : c’était clairement du délire sous la tente extérieure lorsqu’Igor et sa bande ont débarqué sur scène. En fait de bande, Igor était épaulé par un autre membre de la formation de l’est : son bassiste. Le reste de la formation – le batteur donc – étant resté coincé à Budapest après avoir dignement fêté la fin de la tournée précédente avec le vocaliste velu de Greenleaf. Son passeport égaré ne lui a pas permis de se joindre à cette tournée débutant le jour même – la troisième leg du « Harvest » tour comme on dit dans les milieux branchouilles que nous fréquentons beaucoup dans l’équipe de desert-rock.com – pour convertir l’Europe Centrale.
Pas plus démontés que ça, les garçons nous ont présenté un show en deux temps et sous deux formes différentes. Un premier volet consacré à une interprétation de grande classe du premier album amputé de quelques plans, à laquelle était convié Florian de No Mute (une formation helvétique à suivre qui s’était déjà faite remarquée par le passé au Up In Smoke). Un second acte composé de titres du fameux « The Harvest » avec Léo des Space Fisters (autre formation à suivre qui se produira le lendemain) aux baguettes, introduit après quelques explications du frontman sur l’incident de Budapest (qui a bien fait marrer la foule en liesse). Certes anecdotique de par sa conception, cette performance de haut vol a fait mouche auprès du public « bâlois». Une mention très spéciale aux deux batteurs embauchés dans l’urgence qui ont assuré sur scène avec des sourires communicatifs qui en disaient long sur le plaisir qu’ils ont eu à contribuer à cet événement : chapeau les gars !
KARMA TO BURN
La voilà la tête d’affiche de la première journée. On avance en devant de scène avec appréhension. Bien sûr le trio est une référence, ses albums pleins de couilles, son obsession pour les chiffres, mais on a déjà assisté à des performances en demi-teinte, pour ne pas dire fatigantes des gonzes. Alors qu’en est-il ce soir ? Primo, boom, le son, dans ta gueule. Un énorme mix nous envahit l’oreille interne, équilibré et massif. Chaque fréquence va trouver sa petite place dans le spectre qui nous assaille. Et le trio est en forme. William Mecum, d’habitude avare en parole, n’hésite pas à partager ce soir et on le sent concerné par chaque attaque de cordes. La main droite, médiator serré, illustre chaque silence, s’abattant ensuite irrémédiablement sur la six cordes. La section rythmique est un rouleau compresseur. On pourra toujours regretter le bassiste de The Exploited mais force est de reconnaître que le msieur devant nous fait le taf. Le batteur est un monstre de précision. Sa frappe est puissante et chirurgicale.
Il faut admettre que Karma to Burn sait gérer les vides et les pleins comme personne. Son stoner intrumental fait de cassures, de breaks nécessite une mise en place précise ne souffrant d’aucune approximation. Autant vous dire qu’en cette fin de premier jour, le couperet K2B vient de tomber. C’est un grand soir et une grosse performance.
Après cet énième trio, les jambes se font lourdes et c’est avec des étoiles plein les yeux que tout le petit monde constituant cet événement rejoint ses pénates constituées pour certains par le sleeping/camping organisé dans la salle ou l’hôtel pour les plus bourgeois (dont nous faisions partie pour des raisons techniques et pas parce qu’on est devenu des vieux cons non mais oh !).
Flaux & Chris
Retrouvez le résumé vidéo de cette journée par ici :
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Hello, merci pour ce review.
(au passage, Stoned Jesus a joué Seven Thunders Roar et non pas The Harvest en deuxième partie