Bien qu’il n’ait pas encore l’ampleur de ses grands frères européens, le Buzzfest fut cette année encore l’occasion de découvrir ou re-découvrir sur scène une série de groupes prometteurs aux côtés de quelques pointures dont la réputation n’est plus à faire.
Organisé par Buzzville, le label belge géré par deux véritables passionnés, cette deuxième édition s’étalait sur deux jours, proposant au total huit groupes de cinq nationalités différentes. Le professionnalisme et la volonté de ne pas brûler les étapes, deux notions qui semblent être à la base de la philosophie du label, auront permis à l’événement de se dérouler parfaitement et de récolter un beau succès.
Tout commence le samedi soir au Negasonic d’Alost, un petit club tout en longueur où se succéderont Casa Grande, Glowsun et Bible of the Devil. A notre arrivée il y a plus de musiciens que de spectateurs dans la salle mais les retardataires finiront par arriver avant le début des hostilités. Casa Grande se distingue en deux points : L’abscence de bassiste et une fille derrière le micro qui s’en sort bien face à l’avalanche de gros son balancé par les deux gratteux. La seule ambition du groupe semble être de faire headbanguer l’assistance sans discontinuer au son de leur gros Heavy-Rock sans fioritures et ils y arrivent aisément même si un peu plus de variation dans les tempos nous éviterais l’impression d’entendre le même morceau pendant tout le concert. On pointera quelques breaks sympas, des passages qui évoquent vaguement Acid King (surtout dans la façon de chanter) et une volonté de passer un bon moment sans trop se prendre au sérieux. Il existe malheureusement des milliers de groupes comme Casa Grande dont le seul but semble être de divertir leur bande de potes pendant le week-end. C’est un peu dommage car on sent qu’ils ont le potentiel pour proposer quelque chose de plus personnel plutôt que de nous resservir des riffs certes efficaces mais un peu quelconques. Et puis une basse, quand on fait ce genre de musique, c’est peut-être pas aussi futile que çà.
Le fait que Glowsun se retrouve à l’affiche ce soir n’est pas du au hasard. Le groupe continue sa progression en enchaînant des dates de plus en plus importantes avec pour seul support une démo 4 titres et une réputation live qui ne cesse de grandir. On ne va pas vous en remettre une couche sur les qualités des Lillois, dont la prestation ne pourrait être décrite qu’à grands coups de superlatifs (j’exagère à peine). L’enchaînement de « No ! », « Inside My Head » et « No Way » permettra à chacun de trouver ses marques pour attaquer la deuxième partie du concert, constituée des compos les plus récentes qui mélangent toujours aussi habilement passages atmosphériques et riffs rageurs. On pointera particulièrement « Need » pour sa rythmique tournante imparable et son petit côté Qotsa old school, une future bombe qu’on a hâte d’entendre graver sur une rondelle de plastique (ce qui d’ailleurs ne devrait pas tarder). Même si Johan a encore quelques difficultés avec l’anglais, on le sent de plus en plus libéré sur scène et l’énergie, voir la rage, qu’il déploie ne laissera pas le public insensible. Il suffira de quelques morceaux pour rallier une assistance qui en redemandera après un set forcément trop court et écourté pour des raisons de timing, ce qui fait sourire quand on sait qu’il y a quelques mois à peine, Glowsun peinait à tenir la scène plus de 45 minutes. L’expérience accumulée commence à payer et il y a fort à parier que 2007 sera une année essentielle pour le groupe.
Le concert de Bible of the Devil a déjà commencé lorsque nous rejoignons le Negasonic après une petite escapade. Ces américains ont été bercés au metal des 80’s qu’ils nous resservent avec une énergie débridée, un peu comme si Maiden s’était contenté de ne jouer que ses morceaux les plus rapides en laissant de côté les passages les plus complexes. On aura donc droit aux duels de guitares, aux solos mélodiques assez réussis et à une rythmique sans fioritures, le tout jouer à fond, un concept qu’il semble avoir adopter comme philosophie de vie à voir leurs tronches. Au final, Bible of the Devil nous offrira un concert sans surprises mais pas déplaisant, du genre qui permet de passer un bon moment mais dont on aura tout oublier deux jours plus tard.
Le lendemain, le festival se poursuit dans une autre salle, le Nijdrop d’Opwijk. En fait de salle, il s’agit plutôt d’un hangar faisant partie d’une usine désaffectée. Comparée au Negasonic, la scène est immense mais l’endroit ne rassure pas vraiment quant à ses qualités acoustiques, surtout lorsqu’on le voit en plein jour. Patrick, visiblement satisfait de la tournure des évènements bien qu’il garde quelques séquelles de la soirée précédente, nous conduit vers les loges pour rencontrer les groupes à l’affiche ce soir. A notre retour dans la salle, Kube vient d’entamer son set.
Un des techniciens a du s’assoupir sur la commande de la machine à fumée car pendant ¼ d’heure, personne ne sera capable de distinguer les musiciens sur scène. Ce qui ne nous empêche pas de les entendre, au contraire. J’ai toujours pensé qu’on assimilait la musique de Kube à du stoner par facilité parce qu’on ne savait pas très bien où les classer. Ce n’est pas le concert de ce soir qui me fera changer d’avis. S’appuyant sur une section basse-batterie irréprochable capable de balancer un groove fiévreux sur un morceau avant d’envoyer du bois sur le suivant, les compos balayent large au niveau des ambiances, ce qui est parfois déroutant. La tension qui se dégage des instrumentaux à tendance à retomber lorsque le groupe enchaîne sur des titres à la structure plus classique qui du coup perdent de leur impact. Ajoutez à cela des vocaux trahissant parfois des influences plus pop qui tranchent avec une instrumentation entièrement dédiée à l’électricité et on se retrouve avec une formule difficilement cernable par les non-initiés. Quoi qu’il en soit, Kube livrera une prestation énergique riche en très bons moments et techniquement impeccable.
De notre rencontre avec les membres de Royal Bubble Orchestra quelques heures avant qu’ils ne montent sur scène, il ressortait une évidence : Le groupe est une véritable fratrie au sein de laquelle chacun s’investit à 150% pour gagner en reconnaissance. Une fois sur les planches, cela se traduit par une belle cohésion, chacun trouvant à s’exprimer sans qu’aucuns musiciens ne prenne le dessus même si l’excellente présence scénique du chanteur ait tendance à attirer tous les regards. Soutenu par une rythmique bien rôdée, le guitariste enchaîne les gros riffs aux solos bien construits, lâchant du lest pour la reprise très personnelle de « Lullaby » pour mieux replomber l’ambiance sur les titres les plus heavy où le chant puissant et mélodique vient faire contrepoint. Malheureusement, on a parfois un peu de mal à comprendre où RBO veut en venir avec des titres qui font le grand écart entre une influence 70’s et un traitement un peu trop moderne. « Time to Despair » et son refrain quasiment neo-metal en représente le meilleur exemple et on ne peut s’empêcher d’y trouver un petit côté racoleur qui fait tâche au milieu du reste.
De 3Speed Automatic on ne savait presque rien. Auteur d’un album sorti en toute confidentialité sur Nasoni, le trio batave fait dans le heavy-rock très orienté guitares avec plein de wah wah, des solos partout et une grosse dose de frime. Le batteur assure le minimum syndical tandis que le chanteur, qui tient accessoirement la basse ne se départira pas de ses lunettes de soleil ringardes malgré un light show des plus pauvre et nous offrira un étalage de poses wok’n’woll à faire pâlir d’envie Dave Wyndorf. La recette est usée jusqu’à la corde, rythmique monolithique d’un autre âge, vocaux dopés à la testostérone et branleur de manche de première, le tout saupoudré de quelques passages vaguement psyché pour rompre la monotonie. C’est bien exécuté (aucun groupe ne déméritera d’ailleurs sur ce point) mais sans grand intérêt à l’exception de quelques breaks presque audacieux et riffs pas vraiment mémorables mais suffisamment entraînant pour secouer la tête en rythme dans un pur réflexe conditionné par une exposition prolongée à la musique binaire.
Quand Generous Maria débarque, on ne joue plus vraiment dans la même division. Le groupe vient de sortir son deuxième album qui se démarque des habituelles productions suédoises. Le genre de truc auquel on revient inlassablement et qui finit par squatter la platine sans qu’on s’en rende compte. Le concert commence en douceur avec « Lil’ Crisis of Mine », histoire de se chauffer avant de balancer quelques uppercuts tels que ‘The Chillin Effect » ou la reprise de « Precious & Grace », titres qui permettront au batteur d’étaler ses talents de cogneur qui en impressionneront plus d’un. Les autres assurent comme des pros sans trop se faire remarquer, laissant au chanteur le soin de faire son show, rôle qu’il assume parfaitement grâce à un charisme inné qui n’est pas sans rappeler celui d’un certain Robert P. Le grain séduisant de sa voix donne un côté bluesy à l’affaire tandis que les guitares s’entrelacent subtilement pour donner de l’épaisseur aux morceaux, lâchant au passage quelques solos qui font mouche sans jamais verser dans la démonstration. C’est peut-être ce qui séduit chez Generous Maria, la volonté d’éviter les gros riffs tape-à-l’œil pour privilégier la finesse, chacun développant des parties complexes qui se combinent parfaitement pour nous offrir un résultat homogène et accrocheur. Le seul regret viendra de la durée limitée du set qui se conclura malgré tout par deux nouveaux morceaux dont un « Black Stone » qui laisse présager du meilleur pour l’avenir.
Pour clôturer le festival, place au poids lourd de la soirée, les incontournables suédois de Dozer. Je n’ai jamais été totalement convaincu par leurs prestations scéniques privilégiant souvent un volume sonore quasiment insupportable aux dépend d’un manque de finesse. Mais en 2006, ces piliers de la scène européenne peuvent s’appuyer sur une série de tournées à travers le monde et sur un 4ième album qui, bien que ne révolutionnant pas leur style patenté, apporte néanmoins quelques innovations. C’est pourtant avec « Supersoul » tiré de leur premier album qu’ils ouvrent les hostilités et il n’en faudra pas plus pour admettre que Dozer est devenu un rouleau compresseur qui ravage tout sur son passage en évitant tout préliminaires. Le nouveau batteur, qui n’a pas encore 20 ans, a parfaitement assimilé ses parties et ne se privera pas de faire une démonstration de son talent tandis que de part et d’autre de la scène, Tommi ne tient pas en place pendant que Johan headbangue comme un dingue, plié en deux sur sa basse. La set-list très axée sur le petit dernier revisite brièvement l’ensemble de la discographie malgré un set d’une petite heure. Bien qu’on n’attende pas vraiment de longues digressions de la part de ce groupe, les deux guitaristes abandonneront la scène à la section rythmique sur la fin de « Freeloader », le temps d’un petit break basse-batterie du meilleur effet avant d’être rejoint par Tommi pour une impro chaotique bourrée de larsens de près de 10 minutes. La deuxième partie du concert sera marquée par une excellente version de « Big Sky Theory » et sa rythmique plombée associée à l’un des meilleurs riffs que le groupe ai pondu, auquel est enchaîné une version très carrée de « From Fire Fell » qui clôturera le set comme il a commencé. Un petit rappel introduit par Fredrik seul à la guitare et ce Buzzfest s’achève avec le sentiment que Dozer n’est pas prêt à se faire piquer son titre de Rois de Fuzz.
Jihem
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