Les braises du Hellfest refroidissent tout juste, le Rock In Bourlon s’achève à peine, et dans la capitale, on décide que le show doit continuer. Et quoi de mieux qu’un anniversaire pour cela ? Dans le cadre d’une tournée célébrant les 25 ans de Deliverance, mais surtout de gros hardrock bien musclés, l’équipe de Corrosion of Conformity fait un crochet par le Glazart. Invité par Garmonbozia et Below The Sun, et accompagné pour l’occasion de Desert Storm et de Witchfinder, CoC se prépare à hausser encore un peu plus le mercure d’un lundi caniculaire.
En ce jour de fournaise, il est pénible d’imaginer s’enfermer dans l’étuve qu’est le Glazart ; plafond bas, ventilation quasiment inexistante, projecteurs… Autant d’arguments qui en invitent beaucoup à demeurer à l’extérieur en attendant le passage des Américains. Et c’est bien dommage, car Witchfinder démarre les hostilités avec un set pas dégueu du tout. Après un bref salut, le sympathique trio de Clermont-Ferrand propulse dans nos oreilles un puissant et lourd doom qui ne met pas trente secondes à faire s’agiter les têtes. Alors que la rythmique hypnotique officie son travail de sape, la voix aérienne de Clément nous guide vers de célestes horizons. Un chant qui, dans son style, ne sera pas sans rappeler celui de Dorthia Cottrell (Windhand) ou de Lori S. (Acid King), avec quand même quelques accents plus vénères comme en témoigne la fin de « Sexual Intercourse » ou « Sorry ». Question set list, le trio annonce d’entrée que pour son troisième passage à Paris il compte jouer l’intégralité du dernier album Hazy Rites, moins un titre. Ce qu’ils défendront honorablement, en dépit de quelques écueils comme, par exemple, la perte d’une baguette durant le second morceau. Le public s’avère encore très épars en ce début de soirée, pourtant les présents semblent apprécier tant l’énergie bienveillante et le sourire de Witchfinder que la puissance de son sludge pachydermique.
Place au quintette d’Oxford pour la seconde manche. Et à en juger par la Paiste Rude 24 pouces à la cloche colossale qu’Elliot installe à sa droite, on sent que ça ne va pas tailler dans la dentelle. Les gaillards se positionnent, et sans autre forme de procès, débutent sur « Journey’s End ». Au-delà des vagues de sons crachés par les amplis et qui balayent la foule, on constate que Desert Storm sait allier métal bien lourd et parfois sacrément bourrin à du sludge plus incantatoire en se parant d’accent par moment très blues. Les riffs sont accrocheurs, la section rythmique plus incisive et percutante que la précédente – comme en témoigne « The Brawl » –, et le chant investi. On se demande même si la veine gonflée du cou de Matt ne va pas finir par lui exploser le visage tant la puissance de son chant pousse son système vasculaire dans ses retranchements. Les rares moments d’accalmie comme ceux provoqués par « Kingdom of Horns » présentent comme seul avantage d’apaiser les humeurs pour mieux les déchainer ensuite. Hélas, si les badauds s’agitant devant la scène brûlante font entendre leurs voix, encore beaucoup manquent à l’appel et poursuivent leurs échanges à l’extérieur. Inutile de jouir d’un grand esprit de déduction pour comprendre que le véritable enjeu de la soirée pour ces derniers, c’est le quatuor de Caroline du Nord.
Sans surprise donc, lorsque la formation de Raleigh monte sur scène, le Glazart se révèle (enfin) rempli. Reed Mullin manque à l’appel et c’est à Jon Green que revient une nouvelle fois la charge de battre les futs. Ce public fait d’ailleurs montre d’une ferveur touchante. Outre ses T-shirts, casquettes et même parfois tatouages à l’effigie du groupe, il hurle comme avant un rappel. Le groupe de Mike Dean n’attend pas davantage et amorce les réjouissances par « Seven Days » pour un set dominé en grande majorité par les titres de Deliverance (sans blague). Puis le Heavy Metal bien burné de Corrosion of Conformity fait son travail et comme souvent, la frénésie l’emporte. Dès le milieu de « Senor Limpio » la fosse s’agite en plusieurs endroits. Des vagues nerveuses se forment, déchainant les passions et compliquant le travail des photographes du premier rang. Ces derniers, résignés à abandonner le terrain aux excités qui les bousculent, sonnent en vitesse la retraite vers un arrière plus sauf et aussi plus frais. Car les premiers rangs s’apparentent désormais à un sauna dans lequel la sueur et la bière remplacent la vapeur d’eau. « It’s hotter than fucking Louisiana », comme le précise Keenan. Tout ça avant de relancer un autre riff destructeur sur une guitare poncée jusqu’à la moelle dont il tire encore une fougue des premiers âges. Bien que le plafond du Glazart soit proche, cela n’empêche pas certains d’effectuer des slams sur « Albatros », avant de s’écraser à nouveau dans la masse grouillante. « 13 Angels » offrira une trêve à toute cette folie avant que l’incontournable « Vote with a bullet » revienne frapper la fourmilière. « Who’s got the fire » clôturera le set et ouvrira le rappel à « Clean my wounds » pour un final à l’image de toute cette prestation : ardent.
Encore une programmation de qualité pour les collectifs Parisiens. Même si l’on aurait souhaité une meilleure salle afin d’apprécier plus encore Corrosion of Conformity. Toutefois, outre sa sonorisation passable, ses angles morts sévissant sur le chant et sa capacité d’accueil limitée, le Glazart remplira le contrat et offrira à chacun le souvenir d’un lundi soir réussi.