JOUR 1
Les organisateurs du Desertfest ne sont certainement pas superstitieux : débuter cette édition 2017 un vendredi 13, il fallait oser.
Ouverture des portes à 17H30 histoire de faire le tour du Trix en configuration festival et découvrir l’espace merch, les différents bars et le food-court extérieur baigné dans le soleil de fin d’après-midi et une température de 22°.
C’est aux finlandais de Kaleidobolt que revient la lourde tâche d’inaugurer cette nouvelle édition et la Vulture Stage. Le trio et son groove unique va placer la barre très haut d’entrée de jeu. Techniquement irréprochable, le groupe sera malheureusement rattrapé par un problème sur l’ampli de Sampo qui devra laisser ses deux comparses jammer pendant près de 5 minutes avant de pouvoir revenir et enfoncer le dernier clou de cette prestation de haute volée.
Viennent ensuite les italiens de Caronte dont nous ne profiterons que le temps d’une chanson, l’appel du ventre et de la saucisse devenant primordial si nous ne voulons pas rater All Them Witches. Nous ne sommes pas les seuls à avoir eu la même idée et arrivons repus avec le gros de la transhumance dans la salle principale déjà pleine à ras bords. Nous avons déjà vanté dans nos pages les mérites du groupe de Nashville, et nous ne dérogerons pas à la règle. La beauté éthérée d’un « Am I Going Up ? », l’ambivalence rampante dance / bestialité d’ « Alabaster »,etc… la liste serait trop longue à énumérer. Le rendu live de ce que le groupe peut accoucher sur galette est juste magnifique. Ca va être compliqué de passer sur la Main stage après les ‘ricains !
Impasse sur Grime et direction la Canyon Stage pour y prendre la température et profiter du kraut japonais de Minami Deutsch. Une ambiance feutrée et une salle bien remplie profitent aux nippons qui déroulent leur set sans trop forcer. C’est fin, léger, lancinant, aérien et nous ouvre l’appétit avant un des temps fort de la soirée.
Car Lowrider, les vétérans suédois vont une fois de plus monter sur la scène d’un Desertfest. Ça fait plus de quinze ans maintenant que le groupe vit sur son unique album (l’exceptionnel Ode To Io), et quelques années qu’il remonte régulièrement sur les scènes des festivals. Résultat : les sets sont désormais prévisibles et la recette éculée. Les blagues de sir Bergstrand, ainsi qu’un « Convoy V » dédicacé à Jaymz et aux Four Horsemen ne parviendront pas à réveiller complètement une Desert Stage encore léthargique après la prestation d’All Them Witches. Idem avec ce nouveau morceau balancé comme si de rien n’était. Il serait peut-être (enfin) temps de bosser sérieusement sur un nouvel album.
Nous quittons les suédois peu avant la fin du set, évitons la Vulture stage où se produit Black Lung, et filons tout droit à l’étage pour trouver une place de choix avant l’arrivée des bostoniens de Gozu. Piochant dans ses trois albums, le quatuor va nous botter les fesses pendant une grosse heure avec son sens du groove et de la bestialité. Gozu réveillera même les slammers avant d’achever tout son monde à la sulfateuse à l’occasion d’un « Alone » qui porte définitivement Mark Gaffney au pinacle des vocalistes (tous genres confondus). Quelle claque !
Nouveau conflit de programmation : nous préférons assurer le coup avec les valeurs sûres de Radio Moscow et raterons -(16)-. En route pour la scène principale et une bonne dose de rock psychédélique made in Iowa. Le trio a à sa disposition une discographie déjà bien fournie et nous fait remonter le temps pour nous replonger dans l’essence du rock’n’roll. Classique certes, mais jouissif et efficace. Et surtout « reposant » pour les esgourdes avant le dernier concert du jour.
Car c’est aux belges de Steak Number Eight de clore ce vendredi 13. La canyon stage est pleine à craquer quand stroboscopes et premiers accords de sludge retentissent. La réputation du groupe, et de ses prestations sans concessions, n’est plus à faire. Portés par un public de compatriotes, la déflagration sonore engendrée par le combo va laisser des traces, aussi bien sur les festivaliers que dans les fondations du Trix dont les murs restent encore imprégnés des hurlements et des riffs monolithiques balancés par les presque benjamins du festival. On ne pouvait rêver mieux pour terminer cette première journée.
**************************
JOUR 2
Le soleil est encore au rendez-vous ce samedi. Les groupes aussi, qui arrivent au compte-gouttes peu avant l’ouverture des portes.
Et ce sont les belges de A Supernaut qui vont entamer cette journée. A l’aise, et profitant d’être seuls à jouer à cet horaire, le power trio va chauffer l’auditoire de fort belle manière. Profitant pleinement des 40 minutes de leur set, les bruxellois déroulent leur rock’n roll emprunt d’une dose de psychédélisme : les raideurs nucales de la veille sont déjà oubliées.
Petit tour au stand merch puis direction la main stage pour The Vintage Caravan et leur rock psychédélique plutôt classique. La salle est loin d’être remplie, début de journée oblige, et le groupe déroule un set plutôt « tranquille » qui ne déchaînera pas les passions. Dommage.
Il faut pourtant vite quitter la grande salle pour rejoindre l’ambiance feutrée de la Vulture stage qui commence à s’animer pour les anglais d’Elephant Tree. Fidèles à eux-mêmes, les anglais commencent à trois pour terminer en mode quatuor, et affichent une « branleur-attitude » (qui est le seul groupe, comme pour le Desertfest de Londres, à ne ramener aucun merch ?) qui n’est finalement qu’apparent. Car même si ça vanne sec sur scène, la musique du combo londonien écrase tout sur son passage et transforme le Trix en zone d’activités sismiques. Essai transformé encore une fois.
Point de King Hiss pour nous : nous nous mettons en route vers la main stage pour Stoned Jesus (nous ne sommes pas les seuls d’ailleurs). Le groupe, qui avait annulé sa prestation londonienne à la dernière minute, est bien présent aujourd’hui et fait salle comble. Les ukrainiens vont vite faire mouche avec leur psyché explosif, et réussiront à faire chanter la salle principale. Après le set des éléphants, le fuzz est donc bien à l’honneur en ce samedi après-midi. Devant tant de maîtrise, la tentation est grande de se faner l’intégralité du set de Stoned Jesus…
… pourtant, une force invisible nous pousse à rapidement quitter cette débauche et rejoindre la Vulture stage avant l’arrivée de White Manna. Alors que nous n’attendions pas grand chose du set des cinq californiens, nous allons assister à LA branlée du jour. Le groupe balance un space rock hybride et hypnotique, tapissé de reverb. Les plus anciens crieront Hawkwind. Les plus « jeunes » parleront d’un croisement improbable entre Pharaoh Overlord pour le côté répétitif, Ten East pour le côté planant et The Wellwater Conspiracy pour les vocaux. Simple, sexuelle, transcendante, la prestation du combo se terminera par une procession vers le stand merchandising où on se bouscule pour acheter CD et vinyls. White Manna ou les vainqueurs du jour, bien avant l’heure, par un très net KO.
Avec tout ça, on a raté Church of the Cosmic Skull. Direction donc la Desert stage où Unsane bastonne sévère dans un style qui tranche avec la programmation du jour sur la scène principale. Quelques grammes de brutalité dans un monde de (presque) finesse. Le groupe débite riffs et hurlements plus vite que Lucky Luke ne dégaine. Un beau bordel.
Pendant ce temps là, les suédois de Troubled Horse ont la lourde tâche de passer après le raz de marée White Manna. Qu’à cela ne tienne, nos lascars vont mouiller le maillot et éclabousser de leur heavy rock de bonne facture une salle qui va (malheureusement pour eux) se vider petit à petit pour grimper d’un étage et assister au show Beastmaker. Ambiance doom donc du côté de la Canyon stage où il est difficile de se frayer un chemin. Le trio enquille les riffs devant la foule des grands jours et la bière coule à flots en guise d’offrande. Servis par un son incroyable, les américains sont coupables de mettre une sacrée dégelée aux Desertfesters.
Sur la Desert stage, la pression monte en attendant Windhand, autre porte-étendard doom du jour. La performance va pourtant nous laisser sur notre faim. Tandis que Beastmaker profitait de conditions sonores idéales sur la Canyon, c’est un peu brouillon pour les Etats-uniens, en particulier pour la voix de Dorthia qui a bien du mal a percer le mur de guitares pour se faire entendre. Dommage.
Les Ohhms n’auront pas de mal à se faire entendre eux, c’est certain. Sludge jusqu’au bout des ongles, les anglais vont faire preuve d’une débauche sonore et physique pour appâter le chaland. Les amplis tremblent et les troncs oscillent sous les coups de boutoir d’une musique brute et pourtant définitivement technique. Un cran plus fort que Steak Number Eight en matière de sauvagerie.
Petit tour par la case Satan’s Satyrs histoire de se rafraîchir les oreilles et l’esprit après tant de bestialité, pour assister à un show aussi bien visuel que musical. Si les poncifs du genre, aussi bien en matière vestimentaire qu’en terme de « poses », sont omniprésents, c’est pour servir la cause hard/doom que promeuvent les américains sur un titre comme « Show me your skull ». Brillant.
La fin de soirée approche et vient l’heure d’un choix que, finalement, nous n’aurons pas de mal à prendre. Direction la minuscule Vulture histoire d’avoir une place de choix pour House of Broken Promises. Nous laissons donc Graveyard et sa horde de fans hanter la grande salle pour le rock sulfureux des californiens. Bonne pioche : le groupe va construire un set accrocheur du début à la fin. « Obey the snake » et « Blister » sont là, bien évidemment. Vient ensuite un medley des meilleurs riffs de metal (on a eu droit à du Pantera pendant le soundcheck, on pioche dans le répertoire Black Sabbath pour le set). Mais surtout, Seay et Cancino vont « s’affranchir » de John Garcia et piocher dans le répertoire d’Unida (c’est quand même un peu beaucoup leur bébé !) pour clore les débats. Sous la forme d’un medley (encore un) entamé par le riff monstrueux de « Wet pussycat », Joe Mora la joue décomplexé et prouve qu’il n’a finalement rien à envier à la légende vocale du désert. Le temps file, le groupe déborde, et se fera couper la chique après le sauvage « Black Woman ». Un pur régal.
Nous arriverons donc peu après le début du set de Dÿse, le duo allemand. Seulement armés de leur guitare, de leur batterie, et d’un amour immodéré pour l’humour absurde, les allemands prouvent qu’un binôme suffit pour produire une déflagration de plusieurs kilotonnes. Les deux lascars sont haut perchés (comme d’habitude) et vont œuvrer pour la bonne cause et clore cette deuxième journée de la meilleure des manières. Après l’aller fourni par HOBP, les teutons s’occupent du retour et vont laisser groggy les festivaliers encore présents et assez frais. Du Dÿse de haute volée donc pour mettre un terme à une deuxième journée de toute beauté.
**************************
JOUR 3
Dernier jour déjà, toujours sous un soleil estival. Après cette monstrueuse journée de samedi, nous sommes peu nombreux à l’ouverture des portes.
Big Fat Lukum, jeune groupe belge à la lourde charge d’ouvrir ce dimanche. Le combo va envoyer du steak pendant une bonne demi-heure, mais malheureusement devant une foule éparse et composée majoritairement de connaissances à eux.
Même constat pour High Fighter. Les teutons sont pénalisés par l’horaire, et par les dégâts causés la veille par leurs compatriotes de Dÿse. La Canyon stage semble boudée et le heavy rock puissant des allemands, ne trouvant pas de réel écho, retombe à plat.
Nous quittons donc l’étage du Trix en direction de la Main stage pour s’apercevoir avec stupeur que la foule est arrivée en masse à 16H00, pile poil pour le set de Monolord. Dès les premiers accords, le doute n’est plus permis : les suédois sont là pour un set surpuissant. La grande salle ressemble à s’y méprendre à une piscine à vagues (ou à riffs), une kyrielle de stoneheads tanguant au rythme des bûches monolithiques qui arrivent à intervalles réguliers. Ça va être compliqué pour les combos qui vont suivre. Imparable.
Nous filons direct vers la Canyon pour le set d’Hemelbestormer. Certes, le groupe flamand propose un sludge convenu qui ne va pas révolutionner le genre. Le tout reste néanmoins techniquement maîtrisé et incroyable. Nous prenons donc un réel plaisir à nous prendre en pleine face les parpaings de plus de 10 minutes que va balancer le combo tout au long de son set. Après Monolord, voilà la deuxième claque du jour.
Après tant de lourdeur, un peu de légèreté s’impose. Nous traçons donc tout droit vers la Vulture pour le set de Redd Kross et leur rock’n’roll festif. Vêtements des années 70 sur le dos, les gaillards de L.A. vont animer la minuscule scène aidés derrière les fûts par un certain Dale Crover. Visiblement heureux d’être là, les Redd Kross enflamment le Desertfest (et une foule massive) au son de leurs meilleurs titres, ainsi que de reprises des Beatles ou de David Bowie. « Annie’s gone » mais nous, nous somme restés jusqu’au bout.
On jette un œil rapide à Dool avant de prendre la direction du show de Saint Vitus. Les vétérans du Doom ont pris un sacré coup de vieux et nous frémissons en voyant Scott Reagers arriver sur scène avec son mug de thé, et son comparse Dave Chandler au bras d’un déambulateur humain. Une fois sa guitare dans les mains, ce dernier va faire pourtant faire le job, aidé en cela par la monstrueuse paire rythmique Henry Vazquez/Pat Bruders. Difficile de se faire un avis sur la prestation qui laisse volontairement de côté la période Wino.
Mantar va repousser les limites de l’adage prôné par ses compatriotes de Dÿse la veille, à savoir : il suffit d’une guitare et d’une batterie pour faire des dégâts. Le binôme germanique ne se contentera pas d’une simple déflagration sur la Canyon stage ce soir mais bien d’une véritable exécution. Mantar est là pour tuer et n’épargner personne. Hanno la joue un brin provoc’ (« Hey Desertfest, I know you’re here to listen to some hippie shitty music ») avant de défourailler devant une salle pleine à craquer. Nous comprenons mieux ainsi la portée des paroles de « Era Borealis ». Encore plus que sur skeud, c’est vraiment sur scène que le mantra de Mantar prend tout son sens : « Kill, Destroy, Fuck shit up ». Grandiose.
Rapide coup d’œil à la salle principale où il nous est impossible de rentrer. Tous les hippies mentionnés par Hanno se sont en effet donnés rendez-vous pour le set de Kadavar qui a débuté il y a 20 minutes et que nous allons donc rater.
Pas grave, il reste la Vulture stage où les australo-néerlandais de Spirit Valley se préparent. Le duo profite de la programmation pour attirer les anti-hippies en déversant son ovni-rock psychédélique. Le résultat est finalement assez impressionnant et on croirait par moment à une version fuzz de Depeche Mode tant le timbre vocal rappelle par moments celui de Dave Gahan. Une bonne petite découverte.
Nous partirons cependant avant la fin (et raterons également Spidergawd, déjà vus sur l’édition Londonienne) pour aller nous restaurer et prendre des forces avant la tête d’affiche du jour. Les Melvins sont dans la place (aux mêmes horaires que Mos Generator que nous allons par conséquent malheureusement rater) drainant un éventail de fans aussi large que le cul de l’archipère du Graal dans Preacher. Toute la magie des Melvins se trouve résumée dans la reprise des Beatles « I want to hold your hands » : quelque soit le genre abordé par King Buzzo et ses comparses, le résultat est irrémédiablement surgonflé à la testostérone. « The Bit », « Queen » ou encore « Anaconda » résonnent comme autant de brûlots. La salle, déjà en surchauffe, finit par s’enflammer. Les Melvins maîtrisent de A et Z et achèveront leur set par deux bûches monstrueuses tirées de Lysol : « Hung Bunny » et « Roman Dog Bird ». Exceptionnel.
Le chapitre final de ce Desertfest revient à Conan. Pour pouvoir l’écrire convenablement, le trio de Liverpool doit d’abord ressusciter les morts laissés par Mantar avant de les exécuter une deuxième fois. Une foule compacte se dirige donc vers l’abattoir pour une dose létale de « Throne of fire » et de « Revengeance ». Le doom des cavernes a encore frappé très, très, très fort pour mettre un terme définitif cette édition belge du Desertfest.
Malgré de fréquents conflits de programmation qui empêchent de profiter de tous les sets proposés, le festival reste donc une référence du genre et une belle réussite, en programmant une très large palette de musique stoner. Le Desertfest a encore de beaux jours devant lui. Vivement l’année prochaine.
Crédits photos : MarmotA avec la permission du Desertfest Belgium.
Laisser un commentaire