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DESERTFEST BELGIUM – Jour 2 (Electric Wizard, Karma To Burn, Yob,…) – 11 octobre 2014 – Antwerp (Belgique)

Le soleil n’aura tenu que le vendredi mais qu’à cela ne tienne nous sommes à couverts au Muziekcentrum d’Anvers pour une deuxième journée toujours plus riche en excellents moments. Découverte hier soir en jetant un coup d’œil à l’after party, la révolution des salles de concert : le casier ! Pourquoi toutes les salles de concert n’ont pas ce système fort pratique de casier (comme à la piscine) à 1 euro où toutes tes couches de protection contre les vents et marées peuvent trouver place sans t’encombrer toute la journée. Bref on se déleste et on attaque.

 

DAVID CELIA

 Fraîchement débarqué de son Canada, David Celia ouvre les hostilités en ce deuxième jour. Habitué des deux autres Desertfest comme il nous le raconte lui-même, il sait très bien que sa musique n’est pas à proprement parler notre style de prédilection mais que nous sommes un public qui y est réceptif. Et réceptif nous le sommes. Seul avec sa guitare, ses multiples pédales pur créer boucles et effets, et ses grelots au pied, le canadien en impose en toute simplicité. Tantôt psychédélique dans ses phases instrumentales et plutôt country/folk dans ses instants chantés, il nous envoute et nous transporte (au Duna Jam par exemple comme il nous y invite). Heureux d’être là, en plein partage avec ce public de début d’après midi très clairsemé, ça commence doucement mais ça réchauffe déjà les cœurs et les oreilles. Une jolie découverte surtout pour ces moments planants.

 

MOONWARD

 On ne peut malheureusement pas assister à la fin du concert si l’on veut profiter du show entier de Moonward. Les jeunes veulent reprendre le flambeau et ces trois là sont un bel exemple du potentiel qui règne de par le monde. On revient dans un monde de saturation mais le psychédélisme ne nous quitte plus. La température a du mal à monter en début de set, les protagonistes n’étant pas forcément à l’aise face à un public qui ne connaît pas. Mais un public de connaisseurs néanmoins car dès que la machine Moonward prend son envol, laisse parler les soli et surtout s’éloigne des sentiers formatés d’une chanson couplet/refrain/couplet, l’audience jubile. Comme une version encore brute de Colour Haze. Ça a besoin d’être poli, affiné mais pfiou quand le batteur se lâche toute l’énergie est sous contrôle des mélodies et méandres des compos du trio. On est sous le charme.

 

COWBOYS & ALIENS

 Pas de temps à perdre, on manque la fin du set pour se prendre une bonne dose de heavy-stoner avec Cowboys & Aliens. « Vétérans » de la scène belge, le groupe a connu ses hauts et ses bas, mais quel plaisir d’enfin les voir en live et sur la scène principale qui plus est. La guitare débite ses riffs assassins sans crier gare, avec en support une section rythmique qui plus que de tenir la boutique la booste. Là-dessus vous rajoutez une des meilleures voix de la scène stoner, oui rien que ça, et vous voilà en présence du groupe qui aurait pu devenir culte s’il n’avait décidé de se séparer face à l’adversité quand les choses auraient pu devenir grandes. Cowboys & Aliens c’est les Unida européens. On sent le sable nous brûler les pieds à chaque attaque de médiator et on est ébloui par chaque éclat de cymbale qui reflète le soleil du désert. C’est carré, les riffs lorgnent parfois vers un hard-métal de bonne facture et ça fait du bien par où ça passe.

 

STEAK

 Décidément pas le temps de respirer on regrimpe vers la Canyon Stage pour un bon Steak. C’est vrai qu’un peu de protéines nous fera pas de mal, la journée commençant déjà très fort. On ne présente pas les anglais qui font sensation partout où ils passent et avec leur nouvel album sous le bras ils n’ont de toute évidence pas l’intention de s’arrêter là. Certainement un petit retard dans l’arrivée du groupe car celui-ci est encore en train de tenter de faire des balances alors que la foule s’amoncèle devant la scène. Un morceau se lance… ouf, ce sont encore les balances parce que ça sonnait pas maîtrisé pour le coup. Le temps de sortir de scène pour mieux y revenir et le quatuor balance la sauce. Quelques problèmes de son plus tard, notamment au niveau du chant noyé dans la masse, les riffs s’enquillent et nous encanaillent petit à petit. La température grimpe, l’hommage au précurseur de la scène stoner est véritable, le groupe n’invente rien mais exécute comme il se doit. Manque néanmoins un souffle de folie et d’envie dans ce set, ils font le boulot mais la magie n’opère pas à mon avis à son maximum.

 

SATAN’S SATYRS

Dans ce cadre on quitte très rapidement la salle avant que les applaudissements ne cessent pour fondre vers la grande scène où Satan’s Satyrs commence à peine de punk-doomer l’audience. Il y a du charisme dans ce leader du trio américain. Le croisement impossible de Mike Jagger, Lee Dorrian et Cliff Burton, mène sa troupe au-delà du riff doom survitaminé, ils nous enterrent vivant et nous pissent dessus. Décidément les ingé son font un travail d’une redoutable précision sur ce fest. Ca balance du riffs, ça headbangue, ça crie dans le micro, bref ça transpire l’envie de donner des baffes sonores. On ne sait plus si le groupe est devenu grand grâce à la présence de son leader au sein d’Electric Wizard ou si ça n’est dû qu’à leur talent. Une chose est sûre entre ses deux projets, celui que ce bassiste mène est bien plus « dérangeant » dans le bon sens du terme que son illustre sorcier. Dérangeant parce que inclassable, dérangeant parce que doté de gimmicks accrocheurs dans un écrin brut de décoffrage, dérangeant parce que addictif à un point qu’on n’oserait admettre. Faites que ce groupe dure et perdure, il a encore des choses à nous offrir.

 

PALLBEARER

 

Nous voilà arrivés au stade où l’on ne sait plus où donner de l’oreille. Le merch s’est offert un nouveau stand à l’image de la première journée : Fuzzorama Records a élu domicile aux côtés des autres. Alors on picore un peu de tout mais finalement on n’entend pas grand-chose, un poil de Dirty Fences, pas le courage de voir qu’un morceau de Herder parce que finalement on ne veut pas rater Pallbearer. Leur doom mélancolique en a séduit plus d’un au Hellfest l’année dernière et avec un deuxième album à défendre aujourd’hui, le quatuor est bien plus qu’une mise en bouche mais bien une pièce montée à lui seul. Effectivement la montagne d’émotion qui se dégage de la scène en ferait chialer le plus costaud d’entre nous. Les nouveaux morceaux puisent plus loin dans les mélodies sans renier le doom robuste des débuts. C’est presque du doom progressif finalement, le chant se partage, la tension est palpable. Pallbearer séduit encore et toujours plus. En tournée avec Yob, le groupe semble avoir trouvé en ces derniers de vrai grands frères d’arme. Une chanson leur est dédiée. Le public est de toute façon comme hypnotisé. Toute cela est sobre, les fioritures sont dans les arrangements plus que dans les apparences. Pallbearer c’est un paysage de campagne à la tombée de la nuit. Mystique, beau, sans surprise mais devant lequel on reste béat.

 

YOB

Toujours le même problème, Your Highness d’un côté qui a l’air de bien retourner la Vulture Stage, The Shrine à l’étage qui théoriquement fait de même sur la Canyon Stage ou manger et prendre place pour Yob en toute sérénité. Décidément il est de plus en plus dur de faire le bon choix. Voulant prendre la claque Yob comme il faut, on espèrera retrouver les deux groupes susmentionnés prochainement. En même temps pas de regret parce qu’au vu de ce qui nous attend et qui plus est qui commence en avance, ça aurait été dommage d’en rater une miette. Le trio prend place. L’envoutement opère dès les premiers accords. Son massif et pesant, l’écrasement est total et pourtant on respire. L’effet Yob on appelle ça. Le magnétisme du groupe et principalement de son leader nous entraînent aux confins de nos tripes, nous les retournent et nous les rendent plus belles. Comment autant de beauté peut se dégager d’une telle puissance. Comment une voix aussi tourmentée tantôt growl, tantôt nasillarde, peut être aussi ensorcelante. Comme un voyage au-delà de notre subconscient, Yob nous prend par la main, nous la serre, nous la broie, pour mieux nous préserver des tumultes de la traversée intersidérale qu’il nous offre et surtout pour s’assurer que l’on arrive entier au firmament de ce trip : la splendeur brute et originelle. Un concert de Yob c’est une expérience extra-sensorielle, à l’image de l’écoute de leurs albums et principalement de leur dernier bijou à l’honneur ce soir. Vous pouvez le décrire comme vous le voulez mais ça se passe de commentaire. Tant de générosité aussi violemment offerte c’est troublant. Le groupe a commencé en avance et a du coup du temps devant lui. Eh bien on aura le droit à un morceau supplémentaire, non prévu, annoncé pour être plus direct pour rentrer dans le timing. Mais qu’importe, le temps a suspendu son vol que ça dure 2 minutes ou 30, le public ne peut que se réjouir même si la baffe est monumentale. On ne sait plus si on est à terre ou en train de planer. Un effet de transe ou une gueule de bois, quoi qu’il en soit le groupe était heureux d’être là, ça s’est (res)senti, ça s’est partagé.

 

KARMA TO BURN

Après tant d’émotion, il faut se reprendre en main. Une haute dose de stoner burné instrumental est dans ce cas fortement recommandée. Et quoi de mieux dans ce cas que les maîtres incontestés et incontestables du genre, j’ai dénommé Karma to Burn. Contestables ils l’ont été ces dernières années. Deux albums pas aussi inspirés qu’on aurait pu le laisser entendre, un line-up qui explose, mais finalement ils sont de retour. Le petit dernier Arch Stanton remet les choses au clair, leçon de riff que l’on n’attendait plus mais que l’on méritait. Le nouveau line-up semble plein d’inspiration autour de son guitariste qui retrouve là une nouvelle jeunesse, lui seul rescapé du trio d’origine. La Canyon Stage est comble, le son est énorme, et la sulfateuse distribue les mandales sans sourciller. Le trio est de retour et en toute puissance décime les nuques. Début de set qui tape déjà fort et dans les différents albums, si la prochaine tête d’affiche n’était pas aussi rare sur nos contrées on serait bien resté se prendre une grosse lampée de tord-boyau made in Karma to Burn. Heureusement pour nous ils ne sont pas avares en concert en France, hâte de les retrouver.

 

ELECTRIC WIZARD

Oui le sorcier électrique est rare par chez nous et on ne peut tout de même pas se permettre le luxe de les rater. Prestation en demi-teinte au Hellfest due à un son à la limite de la bouillie et sans réelle âme, on attend beaucoup sur cette scène belge qui offre une vrai qualité sonore et ce de manière constante depuis le début du festival. Et avec la sortie de Time to Die qui présageait un retour aux sources sur album alors pourquoi pas aussi en live. Le groupe entre en scène et les fans sont présents, une bonne ambiance se fait sentir. Un vieux film porno-gore français en fond de scène et le sorcier commence les hostilités. Bon déjà un hic, depuis quand Electric Wizard doit jouer avec autant de lumières, aucune atmosphère ensorcelante, le groupe se la joue épuré peut être plus brut, plus viscéral comme à l’époque sauf qu’avec une setlist principalement voire que orienté sur les trois dernières offrandes du groupe, difficile de faire dans le viscéral. Où est passée la haine profonde, le groove enfumé qui la laissait paraître presque séduisante ? Exit tout cela, le batteur assure, la basse assure, les grattes assurent, tout le monde assure en fait mais où est passée l’âme du groupe ? Ca sent le pilote automatique, même s’il tire sur sa pipe (et pas celle de Popeye) en plein milieu de concert, rien n’est enfumé dans cette atmosphère. Alors les morceaux sont cools, bien exécutés, les nouveaux morceaux ressortent bien ternes finalement dans cette histoire et si “Supercoven” reste une pièce de choix, le final classique de “Funeralopolis” semble presque obligé, voire forcé. Un goût d’inachevé dans la bouche. Le Wizard a encore ses moments de magie parce que les riffs sont bons et que le sourire vient aux lèvres naturellement dans ce cas mais tout cela semble désincarné. Est-ce là finalement le top du dédain haineux à la Electric Wizard ? Un bon show dans l’efficacité mais qui ne traversera pas les âges, si ce n’est le weekend.

 

Sur cette demi-déception, il est temps de repartir sous la pluie parce que demain il y a encore du lourd à digérer.

 

[A SUIVRE…]

 

[Photos : daMusic.be]