DESERTFEST BERLIN, Jour 1, 25 avril 2013, Berlin, Allemagne

Deux de vos chroniqueurs s’étaient filé rendez-vous pour l’édition 2013 du Desertfest de Berlin. Ce second volet, du festival dédié au Dieu stoner et à ses saints, proposait une affiche qui envoyait le bois et il aurait été criminel de ne pas s’y rendre. Outre de la musique, nous avons aussi rencontré des organisateurs aussi sympathiques qu’efficaces, un public génial au sein duquel on entendait souvent parler français et une ambiance bon enfant fort conviviale. Après s’être attrapé dans un des aéroports de la capitale allemande, nous avons rapidement rejoint l’ouest berlinois dans l’ex-secteur étasunien.

En arrivant dans les parages de l’Astra, on comprend petit à petit que l’ambiance de ce Desertfest s’annonce excellente. Situé en bordure du Kreuzberg, quartier jeune et branché de Berlin et ex-haut lieu des mouvements alternatifs teutons, il se côtoie aux abords de la salle une mixité de cultures assez ahurissante. Le lieu du festival est planté au milieu d’une ancienne zone industrielle en friche qui est taguée jusqu’au moindre centimètre carré. En rentrant dans les lieux encore vides en début d’après-midi (le festival ouvre ses portes dans quelques heures), le potentiel de cette structure est évident, et tout a été prévu par l’orga pour ravir les fans de stoner qui commencent à s’amasser gentiment devant les portes, en cette radieuse journée berlinoise…

[Satellite Beaver]

Après avoir échangé avec le staff du festival et s’être baladé un moment du côté de l’East Side Gallery qui est à un jet de pierre de l’Astra, c’est muni de nos kits de rockporters que nous nous sommes repointés dans le périmètre du festival pour SATELLITE BEAVER qui avait l’honneur d’ouvrir ce festival. C’est en voisins que ces Polonais ont fait le déplacement et c’est sur la petite Foyer Stage qu’ils ont envoyé la poudre devant un public quelque peu clairsemé en cette fin d’après-midi. Pratiquant un style bien bourrin, le quatuor entraîne cependant rapidement le public à secouer sa nuque. Il faut dire que les gros lourds qui étaient déjà présents n’attendaient que les premiers accords pour hocher du chef emmené dans leur folle danse par des musiciens visiblement présents pour se faire plaisir. Le style DIY de la petite scène allait comme un gant à ce combo actif dans un registre qui se laisse parfois aller à quelques plans fuzz dans leurs compos bien sludge. Même si le soleil brillait encore sur Berlin à l’heure à laquelle le groupe s’est produit, c’est bien à lui que nous devions la température tropicale qui régnait dans la salle durant un set suintant la testostérone que le frontman, Szymon, finit torse nu en vociférant dans son micro.

[Samsara Blues Experiment]

Après presque trois quarts d’heure de gros son, il était temps de se diriger vers la grande scène Main Stage pour le premier concert qui y était donné. Il est nécessaire ici de préciser que ce festival offre la possibilité de voir l’intégralité des shows en programmant les groupes sur ses deux scènes sans que jamais ceux-ci se télescopent et en laissant aux spectateurs le loisir de tirer sur une clope, un joint ou de se tirer une bière entre les deux espaces dédiés à la musique qui ne sont distants que de quelques dizaines de mètres. Il revenait aux Allemands aux longs cheveux deSAMSARA BLUES EXPERIMENT l’honneur d’offrir la première prestation sur la grosse scène. Loin de pratiquer un chauvinisme à deux balles, l’organisation a avant tout visé l’efficience et nous regretterons deux jours plus tard le fait que My Sleeping Karma ne se produise pas dans ce même espace. Le quatuor berlinois qui jouait à la maison avant de se rendre au Desertfest londonien, nous livra un concert dans la lignée de ses prestations habituelles. Un gros voyage cosmique empreint du psychédélisme de Pink Floyd et le public a immédiatement été réceptif au set aérien des allemands. Si nous avions déploré par le passé le côté statique des shows de SBE, il faut bien avouer que désormais Christian (guitare et chant) et Richard (basse) s’ingénient à faire juste ce qu’il faut de show pour contrebalancer la rigidité de l’impressionnant Hans à la seconde gratte et la disparition régulière de Thomas derrière ses fûts. Cette première incursion en terres tripées avec juste ce qu’il faut de couilles pour ne pas verser dans les plans de hippies – « Into The Black » étant la meilleure illustration de cette bicéphalie – a convaincu une bonne partie du public ainsi que nous-mêmes qui nous tirions le sourire aux lèvres assister au prochain concert.

[The Shrine]

On change de ton assez vite quand THE SHRINE se pointe sur la scène du Foyer. Les californiens ont laissé leur skate au vestiaire et déboulent sur scène pour en découdre ! Après les volutes plutôt psyché de Samsara Blues Experiment, le choc est violent : le trio de furieux enclenche pied au plancher et leur mélange de stoner punk au son bien gras met un peu de temps à conquérir un public qui n’était clairement pas dans cet état d’esprit musical quelques minutes plus tôt. Mais petit à petit, les riffs rèches dégainés avec hargne par Josh Landau gagnent tout le public qui se retrouve massé près de la petite scène, où l’atmosphère devient suffocante. Le chanteur/guitariste déjanté, au look de hard rocker 80’s (veste à patch sans manche, Flying V old school…) ne se ménage pas et beugle ses couplets comme un furieux. Au croisement de Black Sabbath, des Ramones, des très anciens Suicidal Tendencies (pour l’esprit punk hardcore mêlé aux shreds de furieux), ou encore de Valient Thorr, The Shrine a de quoi plaire à beaucoup de monde ! Cet esprit garage débridé finit par emporter l’adhésion d’un public qui aura trouvé ici un défouloir bienvenu en fin d’après-midi…

[Victor Griffin’s In-Graved]

Une clope, un truc pour étancher la soif et nous revoici du côté de la Main Stage pour la première tête d’affiche véritable de ce festival : VICTOR GRIFFIN’S IN-GRAVED ! Nous avions apprécié les premières aventures solo de l’ex-contributeur de Pentagram et Place Of Skulls, et c’est avec pas mal d’impatience que nous attendions de considérer de visu ce que donnait ce nouveau projet sur lequel nous ne nous étions pas encore penché avec le sérieux nécessaire (nous ne sommes pas des gens sérieux). Première bonne surprise : nous croisons Guy Pinhas, le frenchie omniprésent dans le monde stoner (Acid King, Goatsnake, Thorr’s Hammer, etc…), qui s’apprête à nous balancer un bon gros son de quatre-cordes. Même si ce nouveau projet n’est pas ce que nous qualifierons comme étant du stoner pur sucre, le public adhère rapidement au style déployé par le bonhomme et par son band. Les lignes de keyboards donnent une patine très appréciable aux compositions très hard rock que Victor Griffin et ses acolytes ont envoyé sur scène. Si certaines compositions présentes sur le premier opus sorti fraient dangereusement avec le rock fm, il n’a pas été question durant ce set berlinois de mièvreries, mais bel et bien de bon gros rock bien lourd comme il faut. L’affluence en fin de journée – ouais plutôt au cœur de la nuit en fait – sur le stand merch où Victor vendait sa came nous fit remarquer que nous ne fument pas les seuls a être emballés par ce nouveau projet qui fait parler la poudre. La deuxième surprise du concert a résidé dans la monté sur scène de Ron Holzner (Trouble, Place of Skull, Debris, Inc.,…)– qui est aussi présent sur le disque par ailleurs – pour un titre. Beau boulot que cette prestation dont le point d’orgue fut « Love song for the dying » une sorte de power ballad sur disque et un gros déluge bien bourrin sur scène.

[Dÿse]

Changement de paradigme avec DŸSE qui investit le Foyer quelques minutes après l’orgasmique prestation de Victor Griffin. Ces deux lascars œuvrent dans un registre pas très éloigné de celui des Cyborgs. C’est un gros fourre-tout sonique quelque part entre le garage rock et le heavy. Les Teutons s’illustrant entre les deux grosses pointures de ce premier jour à l’heure où le public avait envie de prendre des munitions pour Pentagram, de pisser ou de croquer un moreau, ce ne fût pas l’émeute devant la scène pour leur show qui contrastait assez avec le reste de l’affiche de ce festival. Bref nous avons assisté à un concert pas franchement mal foutu, mais qui ne nous marqua pas spécialement en regard de ce à quoi nous avons assisté durant ces trois jours de jouissance pour nos oreilles.

[Pentagram]

Place à la tête d’affiche incontestable de cette première journée du DesertFest, avec PENTAGRAM qui monte sur scène de manière quasi-cérémonieuse. On constate d’abord l’absence annoncée du vétéran Victor Griffin, qui s’est détaché du ‘Ram depuis quelques mois pour se concentrer sur sa carrière solo (voir chronique plus haut), remplacé par un petit jeune, Matt Goldborough. L’instru de « Day of reckoning » commence, et le maître de cérémonie Bobby Liebling monte sur scène de manière théâtrale, pour lancer un « Forever my queen » assez réussi. Dire que le bonhomme est très en voix serait un peu abusif : à 60 balais, tenir la scène comme il le fait tient déjà de l’exploit… Et puis Pentagram n’a jamais été connu pour la performance vocale de Leibling, mais plutôt pour sa prestance, son charisme et ses vocaux hantés. Et pour ça, on en a pour notre argent ! Maquillé, le cheveu gris hirsute, doté d’une chemise d’un ancien temps, il fait le job sans problème. Difficile d’en juger sur les derniers titres (nous avons noté au minimum 2 morceaux issus de leur « Last Rites » de 2011 – « Turning to night » et « Treat me right »), mais sur les grands classiques du groupe, on a beau noter le vocaliste un peu à la peine pour tenir les notes les plus longues, il n’en démérite pas pour autant : sourires, grimaces maléfiques, danses improbables… Le show est au rendez-vous et le public s’éclate, le sourire jusqu’aux oreilles. Le petit nouveau assure bien à la gratte, sachant qu’il n’a que 2 ou 3 concerts maxi dans les pattes, nous n’avons pas noté de pain… Avec si peu d’expérience, on ne le comparera pas au père Griffin, mais il fait le job, tout comme ses collègues à la rythmique, qui se la donnent bien. Lorsqu’au rappel Leibling s’engage dans le plutôt rare « Be forewarned », le public est plutôt déstabilisé, mais la doublette de classiques « Sign of the wolf » et « When the screams come » termine ce concert de haute volée.

[Lonely Kamel]

Le sourire aux lèvres, le public s’engage vers la scène Foyer pour un dernier set pour la soirée, celui de LONELY KAMEL. Les norvégiens avaient annulé leur participation au Desertfest de l’an dernier en dernière minute, pour cause de maladie, et ils montent sur scène en cette fin de soirée en sachant qu’ils ont une revanche à prendre. Dotés d’une expérience scénique remarquable, le quatuor scandinave à la pilosité faciale affirmée envoie effectivement le bois. Avec une sorte de stoner psyche bien puissant, nappé de hard rock 70’s un peu bluesy parfois, le combo maîtrise son set à la perfection. Alors que le bassiste Stian n’est pas le plus expansif, à l’image de Thomas qui doit en plus assurer les vocaux, Lukas, lui, se la joue guitar hero et se lâche bien sur le côté droit de la petite scène. Le tout est tour à tour nerveux et enlevé, les passages plus planants succèdent aux riffs bien péchus. Le chant de Thomas, profond sans jamais sonner trop guttural, apporte un relief important aux morceaux. Au final, le set déchire bien, et nous pensons que si la fatigue cumulée de la journée ne nous avait pas pris en traître, on aurait encore plus apprécié. Un groupe à revoir au plus tôt sur scène, et en tout cas une excellente clôture pour cette journée qui a tenu toutes ses promesses.

Photos : Chris & Laurent

Chris & Laurent

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