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DESERTFEST Berlin – Jour 2 (Electric Wizard, Monolord, Elder, Monomyth,…) – 29/04/2016 (Astra – Berlin, Allemagne)

Déjà deuxième jour de ce Desertfest, et le ciel berlinois est à la fête : le soleil baignera toute la journée un Biegarten décidément fort agréable… que nous devrons quitter à chaque fois à l’appel des guitares qui retentissent sur les deux scènes de l’Astra… La journée s’annonce pleine de découvertes et de groupes qu’on a envie de (re)voir live, et elle commence très fort, dès 14h…

 

SAMAVAYO

Depuis quelques semaines le nom de ce combo berlinois revenait à nos oreilles comme un groupe à surveiller de près. On sent d’ailleurs que l’attente est bien présente, dans un Foyer très correctement rempli, tandis que le beau temps est au rendez-vous et rend plutôt agréable la perspective d’une bonne bière sous le soleil. Tout ouïs, on voit les locaux de l’étape enchaîner les 2-3 premiers titres et…on n’est pas impressionnés. Mais très vite, la tension monte et les compos apparaissent plus efficaces, plus originales aussi. Le groupe était-il quelque peu sclérosé par la pression de ce festival dans sa propre ville ? Quoi qu’il en soit le problème est réglé, et le groupe nous cueille pendant 40 minutes tour à tour avec des passages planants plus rock, lardés de breaks punchy, jamais exempts d’une bonne dose de groove. L’efficacité est décuplée dès que pleuvent les riffs les plus lourds, véritable exercice de style où le groupe excelle, et où se révèle sa puissance. Content d’être là, le chanteur annonce vers la fin du set “on n’a pas assez de temps” – et sur ce coup on est d’accord : on en aurait bien repris une dose de la trempe de cette dernière demi-heure de set.

 

WE HUNT BUFFALO

Avec force expectative, on se presse devant la main stage pour écouter de quel bois se chauffent les bucherons canadiens de We Hunt Buffalo : ne les connaissant que sur album, on s’imaginait une furie live, à l’image des autres groupes de leur label, Fuzzorama (Truckfighters, Valley Of The Sun…). Ça ne commence pas terrible tandis que Ryan Forsythe rencontre quelques problèmes de guitare. Et puis très vite on réalise que l’ouragan scénique imaginé n’aura pas lieu : le combo est plutôt du type sobre scéniquement, et se repose essentiellement sur la puissance de ses compos. Légitime, et pas si stupide comme stratégie : leur musique, variée, enchaînant riffs nerveux, rythmiques massives et plans plus planants, accorde de larges plages instrumentales à des jams et soli toujours efficaces. En revanche, on reste un peu sur notre faim au regard de la transposition sur scène de compos qui ont prouvé leur efficacité sur rondelle plastique : journée « sans », stress, manque d’expérience ? Quoi qu’il en soit on n’y trouve pas complètement notre compte aujourd’hui. Et apparemment on n’est pas seuls, le public se montrant intéressé, mais pas non plus déchaîné. Tant et si bien que quand le trio dégaine une reprise du « Thumb » de Kyuss, c’est tout juste si l’on sent un frisson d’excitation dans la salle. Ça reste un bon concert, mais on espérait plus.

 

SOMALI YACHT CLUB

On avait entendu parler de Somali Yacht Club avant d’entendre leur album, le buzz entourant leur musique et leurs prestations scéniques étant tenace. Cette édition du Desertfest fut pour vos serviteurs l’occasion de vraiment découvrir ce groupe, dont, à l’image de leurs prédécesseurs sur l’affiche (cf ci-dessus), on attendait une petite claque scénique. Déflorons le suspense : la claque n’eut pas lieu. Et pourtant la qualité intrinsèque du groupe est indéniable : développant une musique très largement instrumentale, le combo ukrainien s’y entend dès qu’il s’agit de pondre des passages psyche bien planants, se reposant sur une rythmique basse-batterie pleine de groove. L’originalité pointe le bout du nez à travers des breaks imprévisibles ou encore des arrangements parfois étonnants mais jamais trop barrés. Mais pour un motif inconnu, l’ambiance n’y est pas complètement. Il faut dire que cette journée, moins chargée en « gros » noms, voit le public un peu plus apathique que la veille (ou le lendemain), plus enclin à profiter du Biergarten ensoleillé. La prestation est de qualité, ça joue bien, mais il manque quelque chose, un petit on-ne-sait-quoi, pour en faire une prestation remarquable.

 

MONOMYTH

Ces derniers mois ont vu le groupe hollandais redoubler d’efforts pour se confronter au public « occidental » (au-delà des Pays-Bas et de l’Allemagne, quoi…), à travers un nouvel album excellent d’abord, et avec quelques prestations qui ont laissé des marques (celle du Desertfest Belgium il y a quelques mois reste dans les esprits). On est donc assez confiants lorsque nos humbles bataves montent sur scène noyés dans une épaisse fumée. Confiants dans une discographie solide et cohérente, ils engagent leur set sur la douzaine de minutes de « Vanderwaalskracken », un morceau fleuve qui prend très vite son rythme de croisière. En moins de temps qu’il n’en faut pour finir sa bière, le public leur mange dans la main, avec des premiers rangs presque en transe : le facteur immersif et hypnotique des néerlandais est remarquable, semblable à ce titre à un My Sleeping Karma. Scéniquement bien présents (sans surjouer), aidés par un light show impeccable, le quintette produit une musique psyche teintée parfois de kraut rock (sur « 6EQUJ5 » surtout, le second titre joué) ou de space rock (« LHC », issu du dernier album). Les titres s’enchaînent sans un mot, les instruments changent au fil des ambiances, le second clavier prend parfois une gratte pour gonfler un peu le son des passages les plus puissants, et jamais la tension ne retombe. Le public sanctionne la fin du set d’une salve d’applaudissements qui voit le groupe manifestement heureux le saluer en retour. Monomyth repart en ayant fait aujourd’hui un bon paquet de nouveaux convertis.

 

THE LORANES

Après la performance de haut vol des Bataves sur la grande scène, nous regagnons le petit espace plongé dans l’ombre (et comme nous avons eu la bonne idée de faire un saut dehors vu que les Néerlandais ont terminé en avance pour rallier Londres, nous n’y voyons absolument rien). Il nous faudra quelques instants pour nous habituer à ces lieux sombres et à discerner les velus Germains qui ont installé leur grosse caisse flanquée de leur logo sur la petite estrade leur servant de scène. Avec une seule production à son actif, le trio régional est bien placé sur l’affiche pour conquérir de nouveaux fans avec son rock psychédélique très axé jam. Il faut dire qu’une vieille connaissance de nos services occupe le côté jardin de la scène avec sa basse : Mammut. L’ex-membre de Kadavar, la formation montante, s’agite comme un diable alors que son acolyte côté cours en fait de même en plaquant des riffs sur sa gratte vintage et en assurant les parties chantées. Comme bien souvent dans notre monde, la qualité du chant n’est pas le point fort du groupe, mais son groove vintage bien lourd est bougrement efficace ce qui est nettement plus important. Quand bien même le répertoire des Allemands n’est pas énorme, ils occuperont le temps imparti avec grande classe et une efficacité toute teutonne ; une affaire à suivre de près.

 

COOGANS BLUFF

Changement de décorum pour la suite des festivités, nous nous dirigeons rapidement vers la grande salle dans laquelle la configuration de scène a été passablement chamboulée. Il faut dire que c’est un set un peu particulier auquel nous aurons droit avec la formation de Rostock . Un ovni est à l’affiche de cette journée avec une section cuivre installée derrière le batteur qui se retrouve du coup sur l’avant de la scène avec sur ses côtés les deux hippies de service dont un joli spécimen en marcel. C’est très rock à ratissage très large dans l’ensemble avec une option psychédélique bien marquée et quelques insertions de cuivres à la ska ça et là, voire même durant de longs changements radicaux au sein des titres. Assez populaire dans ces contrées, les Allemands vont extraire des morceaux de la plupart des pièces constituant leur honnête discographie. Pas très open à ce type d’exercices de style nous tapons mollement le sol de nos semelles et passons un moment pas franchement désagréable, mais pas transcendant non plus malgré notre ouverture d’esprit légendaire ; les autochtones quant à eux font montre de plus d’enthousiasme. Il faut de tout pour faire un monde.

 

MONDO DRAG

La performance du type “école de musique avec collision de styles” étant terminée sur la main stage, nous venons nous insérer dans le Foyer qui aura montré ses limites durant ces trois jours de folie. L’espace n’a clairement plus la capacité de contenir des formations renommées (nous le constaterons plus tard avec le troisième groupe commençant par « Mo » de la journée : Monolord et surtout le lendemain avec Greenleaf ou Egypt) voire même d’être fréquenté aux heures de pointe. Mais laissons là ces considérations logistiques qui voient les premiers rangs couchés sur les barrières protégeant la scène, et immergeons nous dans le psychédélisme vintage que nous propose la bande d’Oakland. L’adjonction de claviers sur des riffs – pour certains hérités du Grand Black Sabbath – donne une bonne dynamique au set des chevelus qui renouent avec le rock psychédélique des seventies. Les spectateurs rentrent bien dans le set des Californiens dont le style est très abordable pour le grand public (ce qui n’a pas toujours été le cas lors de cet événement et c’est tant mieux pour nos gueules). Quelques passages bien inspirés émailleront la performance de Mondo Drag qui prouve une bonne maîtrise de leurs instruments ; une mention spéciale aux guitares et à l’orgue. En ce qui concerne la dimension comique : nous nous tordons encore de rire au fameux gag de l’organiste qui ose faire « santé » avec une tasse de thé au pays de la bière (il y en a qui n’ont vraiment peur de rien). En dehors de cette considération humoristique, nos lascars ont réussi à conserver un public compact et c’est un peu le minimum syndical lorsqu’on à la chance de se produire en début de soirée alors que les festivaliers sont tous dans l’enceinte du festoche.

 

ELDER

Elder ou le groupe à côté duquel nous sommes systématiquement passés durant leurs diverses prestations en festival. Nous nous étions promis de garder le focus sur la formation de Boston pour leur deuxième passage au Desertfest de Berlin. Il y a deux ans, le trio se produisait sur la petite scène et les desert-rock-porters que nous sommes avaient eu la désagréable impression de ne pas avoir su rentrer dans leur show. Cette sensation était plus à mettre en relation avec nos viscères qu’avec la performance délivrée par les Etasuniens. Il nous fallait donc briser cet enchantement sur ce coup-ci d’autant plus qu’Elder a, depuis son dernier show dans cette manifestation, a sorti une plaque énorme, Lore, qui a marqué toute la communauté l’an passé. Les Ricains vont fortement nous aider à adhérer à ce concert avec le soutien bienvenu de projections sur l’arrière de la scène. Chaque musicien tient sa place et entraîne dans son sillage le public ramassé devant lui. C’est surtout Jack, le bassiste de la bande remonté sur ressorts, qui attire les regards sur scène, car Nick, le chanteur-guitariste, était parfois fort concentré sur ses deux partitions qui, avouons-le tout de go, ne sont pas les plus simplistes de le galaxie. Si nous mettons de côté quelques rendus vocaux étouffés par la sono – lesquels ne composent pas la charpente principale des prestations de ce groupe – nous avons droit à un set qui frise la perfection. Ce show génial verra certains joyaux interprétés parfaitement avec une mention spéciale à « Compendium » tiré du dernier opus en date. De plus, ces jeunes gens ont choppé de la bouteille et ils font montre d’une certaine maturité scénique qui nous aura certainement plus séduite que par le passé. Nous ne serons pas les seuls dans ce cas puisque c’est sur une véritable ovation que le public prend congé des musiciens au terme d’une performance de haut vol qui les voyait idéalement placés sur l’affiche, bien avant une tête de gondole qui en laissera certains – dont nos pommes – sur leur faim.

 

MONOLORD

On a vu Monolord la dernière fois sur l’immense main stage du Desertfest Belgium, scène qu’ils avaient maîtrisée de main de maître. Les voir aujourd’hui programmés sur la petite Foyer nous laisse dubitatifs… mais pas eux ! La bave aux lèvres, ils montent sur le petit triangle de scène avec la même envie d’en découdre. Et dès les premiers claquements de basse telluriques de Mika – le bassiste est en furie et ne tient pas en place sur ce début de set – le public est en incandescence : les premiers rangs sont une véritable bataille rangée, une ambiance surréaliste dans un contexte de concert de doom ! Le jeune trio de doomsters suédois – ils existent depuis moins de trois ans, on l’oublie un peu vite ! – veut marquer les esprits, ça se sent, et leur set de trois-quarts d’heure passera à la vitesse de l’éclair. La tension du début, intenable, s’apaisera un peu par la suite, ce qui permettra au public de mieux encore rentrer dans les méandres lugubres créés par le groupe, qui pioche surtout dans son dernier album, Vaenir, pour constituer sa set list, mais n’oublie pas son prédécesseur : c’est d’autant plus vrai que la pièce maîtresse de ce set sera sans contexte cette version sournoisement heavy de « Empress Rising », désormais devenu le classique incontournable de la formation scandinave. Tirant le titre dans tous les sens, le groupe parachève son œuvre de destruction massive avec une efficacité qui ne souffre aucune discussion. Thomas, le guitariste, fera pour l’occasion un passage dans la fosse – probablement pour mieux goûter aux salves d’infrabasses et aux coups de massue décochés par sa section rythmique impeccable. Parfaitement brutal.

 

ELECTRIC WIZARD

Finie la rigolade, le moment est venu de retourner dans la grande salle, devant la grande scène pour le grand groupe qui est la tête d’affiche de la journée et qui bénéficie donc d’un temps de jeu allongé par rapport à ses petits camarades. Les Britanniques ont donc plus d’une heure pour convaincre le public allemand (ou francophone car il est bien représenté cette année) même si la différence de statut entre cette formation et certaines lui ayant précédé dans la journée (Elder, Monolord ou Monomyth par exemple) ne saute pas forcément aux yeux. Il faut dire que cette édition voyait une foule de groupes de haut niveau se succéder tout au long des trois jours et des healdiners un peu en deçà de ce statut (soit ils n’étaient pas de véritables têtes d’affiches soit l’affiche état de haut niveau point barre ; nous optons de notre côté pour la deuxième solution). Bref les vétérans du Dorset se sont radinés sur scène après avoir teasé le public avec sa projection de fond d’écran (une animation timide de leur logo sur fond noire) et des lights violacées mettant en avant le lettrage à leur effigie sur la grosse caisse. Bénéficiant d’un son d’une rare qualité, ces mythes de la scène (ou d’une partie d’entre elle en tous cas), ont eu tout le loisir d’exprimer leur art tout en lourdeur et en lenteur. Les soli de guitare, le look (très) soigné, les projections de nichons et de larges extraits de nanards datés en fond de scène, les éclairages lugubres ainsi qu’une atmosphère poisseuse, ont constitué les principaux atouts d’un set où la gaudriole n’était pas de rigueur sur scène. Madame a pris la peine de réarranger sa coiffure à plusieurs reprises parce qu’elle le vaut bien, Jus Osborn était parfois habité lorsque ses doigts arpentaient rapidement le manche de sa gratte, mais, quand bien même les standards du combo étaient au rendez-vous (« Dopethrone », « Black Mass », « Funeralopolis » ou « Dunwich ») en ratissant large dans leur disco, quelque chose a manqué à ce show. Un nous ne savons quoi de folie peut-être. Peut-être qu’entre les wallabies de la veille et le détachement de rigueur du jour avec la poker face (qui ne nous a pas rendu gagas), il y a possibilité, pour les têtes d’affiches, de positionner le curseur quelque part où c’est ni trop ni trop peu. Dommage car nous attendions un peu plus d’une formation qui a tellement compté pour la scène doom-stoner.

 

DEATH ALLEY

Après cette double salve de doom, les p’tits gars de la prog du Desertfest, toujours habiles et malins, jouent le contraste et proposent de terminer la journée avec les hollandais de Death Alley et leur high energy rock, seul capable de sortir le public de sa torpeur. Quitte ou double… mais ça passe ! Et haut la main… Faut dire que les bataves ne se démontent pas : au taquet, les bonhommes, sourire aux lèvres, captent l’attention de tous les festivaliers fatigués et nonchalants qui quittaient la main stage suite à Electric Wizard et comptaient gagner le bar au plus vite : raté ! Le rock irrésistible de Death Alley les tiendra en haleine encore quarante-cinq minutes. Difficile de ne pas apprécier ce groupe dont les influences ratissent large, en gros des Hellacopters au MC5. Même si chaque musicien fait le taf avec vigueur (y compris son créateur Oeds Beydals, ancien gratteux de The Devil’s Blood – pas vraiment le même genre musical – qui enquille quelques soli pas dégueux), tous les yeux sont sur Douwe Truijens : le chanteur sur ressorts se démène comme un beau diable, torse nu sous son petit gilet en cuir sans manche, slamme à l’envie, se déhanche et danse avec le sourire jusqu’aux oreilles. Un vrai showman ! Bref, le set de Death Alley procurera la dose d’énergie et de fun qui permettra de finir la journée avec le sourire, et pour certains (que nous ne citerons pas) d’entamer un after imbibé pour quelques heures encore…

 

Pour résumer notre journée :

  • la bonne surprise : Samavayo
  • la confirmation & la grosse claque : dans deux genres différents, les deux “mono” de la soirée – Monomyth et Monolord
  • la (petite) déception : Electric Wizard

 

 

[A SUIVRE]

 

Chris & Laurent