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DOMADORA – No Roof project (31/07/2015 sud de Paris et 29/08/2015, près de Clermont Ferrand)

Pour qui suit de près la scène stoner psychédélique française, il devient difficile de ne pas avoir entendu ce nom prononcé : Domadora. Le trio français est devenu au fil des derniers mois LA valeur sûre de la scène : ses différentes prestations à Paris, dont un hommage à Earthless le 5 décembre 2013, ainsi qu’une tournée avec Steak et Crystal Head, font du combo un nom qui compte. Reste que Domadora s’est vite aperçu qu’il est en réalité plus un jam band qu’un combo traditionnel. Ce n’est pas là le genre de musique que l’on peut apprécier en une demi-heure de set coincé entre d’autres groupes mais bien une musique faite pour transporter les âmes par delà les codes traditionnels du concert. Fort de cette identité nouvelle, le groupe se met alors à la recherche d’espaces plus propices à leurs aspirations psychédéliques.

La première étape de ce revirement de carrière se fait le 31 juillet dans un lieu tenu secret au sud de Paris. Organisé par les Stoned Gatherings en 5 jours, l’événement se monte comme un happening ultra privé, pour des raisons évidentes de sécurité. Un petite vingtaine d’invités, contactés via les réseaux sociaux se retrouvent alors devant une gare RER et attendent l’arrivée de l’orga, qui acheminera le joyeux convoi jusqu’à la clairière où les attendent un générateur et les trois musiciens de Domadora. Pendant près de deux heures, sur une presqu’île, avec lac et foret comme décors naturel, le trio envoute l’assistance en tissant une toile opaque de riffs et de breaks irrésistibles. Quelque part entre Hendrix et Earthless, avec le ciel comme seul toit, Domadora invite au voyage. Une fois tout le monde revenu sur terre, puis raccompagné au RER, le groupe acte sa transformation en Jam band et cherche à tout prix de nouveaux terrains naturel et inspirants pour leurs prestations.

Et cela tombe bien : l’association Black Owl, située à Clermont Ferrand, avait au même moment des aspirations de « Generator Party », le plus vieux fantasme stoner qui soit. Tout naturellement, ils pensent à Domadora pour clôturer une soirée placée sous le signe du psychédélisme, avec She Hunts Koala, Decasia et The Blondi’s Salvation. Pour le décor, cette fois-ci, une vieille grange, perchée sur une colline au milieu des Volcans d’Auvergne. La scène est un amas de tapis, au milieu de l’herbe. Autour, une piscine, quelques tentes et une soixantaine d’amateurs de musiques qui font voyager les sens. Les quatre heures qui séparent Paris de la destination, encore une fois tenue secrète, passent finalement plutôt vite. A l’arrivée certains piquent une tête dans la piscine, les autres trouvent place dans un hamac. Les trois musiciens de Domadora, eux, font leur balance. Il est 15 heures et la journée, fort ensoleillée, sera des plus relaxantes. C’est à la nuit tombée que les concerts s’enchainent, avec She Hunts Koala en premier lieu. Le combo Toulousain, visiblement influencé par Sleep, déroule un set chamanique et lourd tandis qu’une lune ronde et pleine apparaît en contre-bas. Cette dernière illuminera le set de Decasia, dont le style est plus (trop ?) proche de Colour Haze. Devant la scène, la poignée de privilégiés s’assoit et se nourrit des vibrations procurées par la musique des Nantais. Pour ceux qui ne se nourrissent pas que de son, des sandwichs au St Nectaire (de la ferme, à tomber) ou au saucisson (tout pareil) sont prévus, ainsi que d’incroyables pâtés aux pommes de terre. Question bières, les fûts s’enchainent sous la tireuse, étanchant les soifs grâce à une formule aussi simple que magique : bière de caractère à prix plus que raisonnable. Puisque de fûts il est question, c’est une jeune (et jolie) demoiselle qui vient s’asseoir derrière ceux de Blondi’s Salvation. Le combo nantais est fait de très jeunes amateurs de psychédélisme, vivant jusqu’au bout leurs rêves hippie. Les 5 membres vivent en communauté, ont construit leur propre studio et multiplient sur scène les instruments. Il y a quelque chose qui rappelle les Doors (mais pas que) dans cette aventure sonore aussi naïve que délicieuse. L’assemblée voyage sur des terres d’orient et la fumée des altérations psychotropes montent jusqu’à la lune sans la faire tousser. Il est presque minuit lorsque Domadora s’installe sur les tapis, devant la vieille grange. Le public s’est maintenant rapproché. Il est devant, sur le coté, et même derrière la scène. Seul la lune surplombe la colline désormais. Le trio transporte alors l’audience dans les limbes du stoner, là où seule la rythmique a encore un sens. Par dessus, Belwil et sa vielle Gibson dessinent à grand renfort de notes les contours d’une nuit éternelle. Jam For The Full Moon. Le public désormais debout exulte et rend au groupe l’énergie que le trio déploie. Lorsque les dernières notes tombent dans la nuit, la lune brille toujours au dessus de la grange. C’est dans cette dernière que la soirée se poursuit, puisqu’une « Jam Room » y a été installée. La musique peut ainsi continuer jusqu’au petit matin.

Desert-Rock tenait à parler de ces deux initiatives, par le biais d’un report croisé. Merci aux Stoned Gatherings et à Black Owl d’avoir rendu cela possible. Merci également à Domadora pour leur musique et leur gentillesse. Espérons que ce genre d’initiatives, visant à briser les codes traditionnels du concert seront nombreuses à l’avenir.