C’est doomanche, quoi de mieux à faire que de se rendre dans ce temple du doom (10) [rappel : le compteur du nombre de mots “doom” en est à 10 après la chronique du J1…] qu’aura érigé l’orga pour ces trois jours ? Rien.
THROW ME IN THE CRATER
Impossible de ne pas dodeliner de la tête pendant la traditionnelle fouille à l’entrée et alors que les hollandais entament tout juste leur set. Un sludge massif transparaît à travers les murs du Glazart qui s’apprête à trembler une deuxième journée complète. Confirmation une fois à l’intérieur, ça joue gras. On est en présence d’un quintet dont le chanteur nous éructe à la face toute sa rage, à la limite de l’aphonie, arpentant la scène de long en large. Imaginez un mélange entre Mike Williams et Barney (celui de Napalm Death, pas des Simpson), dans les vocaux comme l’attitude. Musicalement le rapprochement peut se faire aussi, et l’énergie hardcore déployée est plutôt bienvenue pour nous mettre dans le bain de ce deuxième jour. Palme d’Or de la Crasse.
MAMMOTH WEED WIZARD BASTARD
Étonnés eux-même de faire partie de l’affiche et de commencer à se faire un nom (et quel nom!), les gallois ont lancé un pavé dans la mare doom (11) avec leur premier LP Noeth Ac Anoeth, sorti l’an dernier. Malgré la voix lointaine et aérienne de Jessica difficilement audible pour celles et ceux qui veulent voir le quatuor jouer au plus près, une partie de l’audience va plonger dans la lenteur hypnotique du groupe, coincé entre deux formations plus méchantes. Il faut un peu s’accrocher pour rentrer et rester dedans mais le combo au sobriquet (volontairement) tragico-comique est véritablement capable de coups de génie. Tissant de longues (voire très longues) compositions sombres, l’alchimie entre les quatre fonctionne et nul doute que ce combo sans prétentions n’a pas fini de nous surprendre. Palme d’Or du Nom Improbable.
HANG THE BASTARD
Drôle d’événement que ce dernier concert en territoire gaulois des londoniens. Hang The Bastard va délivrer une prestation haineuse, la plus violente du week-end. Le split imminent annoncé par le groupe n’a pas entamé l’implication du groupe, mais une légère sensation de demie teinte va ressortir de ce show handicapé d’un son brouillon. Comme souvent le chanteur est difficilement discernable dans les premiers rangs, un frontman aux allures de Ben Ward, qui pourtant ne ménage pas ses efforts. Peut être un peu trop d’attentes placées dans un groupe sur la fin et qui souffre immanquablement de la comparaison avec Herder, champion incontestable en terme de mélange stoner/doom (12)/hardcore. Palme d’Or de la Hargne.
SAMOTHRACE
Ce qui s’annonçait comme un des moments les plus épiques du festival va malheureusement être entaché de soucis indépendants de la volonté de tous. Les pauvres américains vont voir leur set gâché par des problèmes techniques. A deux reprises le guitariste verra son son disparaître, et une fois le problème enfin réglé c’est la basse qui fait des siennes. Le lui aussi six-cordiste finira le concert branché en direct dans son ampli, amputé de son panel d’effets assez fourni. Compliqué du coup de se faire une opinion sur l’ensemble du set et du groupe, dommage vraiment car ce qui parvient à nos esgourdes semble plutôt inspiré. La guitariste s’occupe d’envoyer des riffs bien pesants et mélancoliques, parfois dans la veine d’un Pallbearer tandis que son acolyte s’attelle, quand la technique lui permet, du côté mélodique à coups de leads ou d’arpèges gorgés d’effets. Derrière les fûts, aux cymbales placées très hautes qui donnent un côté visuellement sportif, un (autre) dreadeux assure des parties bien appuyées. On a hâte de revoir ce combo de Seattle dans de meilleures conditions… Palme d’Or des Problèmes Techniques.
ALTERED BEAST
Annoncé comme la reformation d’un obscur groupe de doom des 80’s, l’amas d’amplis verts sur la gauche de la scène, l’imposante batterie (la seule du week-end équipée d’une double grosse caisse) et les capuches de rigueur ne tromperont leur monde que très peu de temps : Conan est en train de marteler la pauvre scène du Glazart ! Le trio anglais sans son bassiste, occupé ailleurs, se voit accompagné de la guitariste de Samothrace pour assurer cette date surprise. Devant le son énorme déployé, la sono semble à bout de souffle, la recherche perpétuelle du son tellurique de Jon Paul Davis est plus qu’en bonne voie, chaque apparition live le voit doté d’un arsenal encore plus impressionnant. Le rendu sonore est en conséquence, difficile de faire plus massif, appuyé par le jeu de batterie le plus technique du festival. Loin d’être au rabais, ce show surprise va atomiser joyeusement le public qui, considérant la fan-base grandissante des anglais, aurait peut être été plus nombreux si Conan avait été annoncé… Palme d’Or de la Surprise du Chef.
TONER LOW
Même rituel que la veille, nos résidents néerlandais se préparent paisiblement à nous asséner cette fois leur deuxième album. Projections plus spatiales que la veille pour un opus aux allures de référence en matière de doom (13) psychédélique, plus personnel mais aussi moins accessible que son prédécesseur. Un véritable voyage chamanique dans lequel le – de nouveau – trio va nous embarquer sans peine, Toner Low est autant un groupe de musique qu’un psychotrope puissant et addictif. De nouveau, une fois ses lunettes sur le nez, le batteur ne relèvera pas la tête de tout le set, complètement immergé dans son kit et dans sa musique. La bassiste impressionne de nouveau avec un son d’une rondeur incroyablement épaisse et son jeu tout en glissés. En trois concerts la pesanteur a considérablement augmenté dans un Glazart sous le choc. L’interprétation est à la hauteur, avec des tempos régulièrement ralentis, l’interlude au saxophone sur « Two » baignée d’un silence qui file des frissons, ces hollandais sont décidément hors normes, on a pu le constater hier et on le reconstatera demain. Palme d’Or du Jury II.
TROUBLE
Groupe culte, mésestimé et un temps presque oublié, Trouble passe montrer aux jeunes loups comment tenir une scène. En tournée avec Crowbar, les vétérans du festival n’auront même pas besoin d’un morceau pour mettre tout le monde d’accord. Leur doom (14) à l’ancienne fait mouche et leurs tubes sont attendus, acclamés et chantés par un public aux anges. Kyle, chanteur inénarrable, se met le public dans sa poche en moins de temps qu’il n’en faut pour dire doom (15), avec son charisme et ses vocaux haut perchés parfaitement maîtrisés. Musicalement on nage complètement dans la NWOBHM, sorte de chaînon manquant entre Black Sabbath (dont le « Supernaut » sera repris avec brio) et Iron Maiden. Riffs les plus metal des trois jours, duels de solos et leads harmonisés, parfaitement exécutés, sont de la partie pour le bonheur des petits et des grands, Bruce et Rick formant une paire de gratteux plus qu’affûtée. Rob, pas en reste, englobe tout ça avec son groove de bassiste, tout content d’avoir un petit coin de fans pour lui sur son côté de scène. Le set passe à toute vitesse dans une chouette ambiance ; la leçon. Palme d’Or de l’Expérience.
CROWBAR
Le moins qu’on puisse dire c’est que le groupe de la NOLA squatte les festivals et nos colonnes en ce moment, à grands coups de taloches dont seul Kirk a le secret. S’il est parti de Down, c’est pour privilégier son bébé, un gros bébé barbu et gras. L’occasion de remettre les points sur les « i » et réaffirmer que les parrains du sludge, c’est eux. Le groupe s’installe, balance pépère et envoie sans sommation un « Burn Your World » furieux et ralenti dans nos tronches. C’est l’anniversaire du mythique Broken Glass, vingt printemps déjà, alors on a droit à plusieurs morceaux tirés de l’album, sans oublier les incontournables « The Lasting Dose » et « Planets Collide » qui restent vraiment des monuments du genre avec leur patte mélancolique inimitable. Les compères de Sieur Windstein, quinquagénaire qui a tout de même cette fâcheuse manie de cracher sans cesse sur scène, assurent comme des chefs, mention spéciale à l’indéboulonnable Tommy Buckley à la batterie qui ne paie pas de mine mais envoie un sacré bois. Palme d’Or du Gras.
Ce week-end de Pentecôte est malheureusment déjà bien entamé et cette deuxième journée a tenu ses promesses. Les membres de Mammoth Weed Wizard Bastard n’en reviennent pas de rencontrer les gars de Trouble, dont le chanteur régalera l’assistance d’anecdotes hilarantes. Et dire que demain on va revoir Toner Low…
A SUIVRE…