Un weekend de pont, des copains motivés, une envie de Fuzz dans les veines, il n’en fallait pas plus à l’association Frénésique adjointe de Met’assos pour programmer une seconde édition du Dürnt Fest cette année. Le format est un peu particulier,admettons le, deux soirées avec quatre groupes à chaque fois, sur deux lieux distants de 25 kilomètres, on est plus proche de ce qui ressemble à un regroupement de concerts que d’un festival. Cependant, l’affiche avait de quoi faire envie et c’est avec plaisir que j’ai pris la route pour cette contrée idyllique aux portes de Paris, les Yvelines.
Jour 1
La salle de la Tour à Voisin le Bretonneux est un centre culturel qui tire son nom de son architecture (Incroyable hein!), j’arrive donc sur une place où siège une tourelle nantie de douves et où l’aménagement de l’espace propose salle d’enregistrement, salle de concert, lieu d’expo etc… une fois dans la place le premier constat est de retrouver des habitués des salles les plus lointaines avec des Lillois, Corréziens et autres Angevins, visiblement l’affiche n’a pas attiré que votre serviteur.
Electric Retro Spectrum, trio de Montreuil qui se dépeint comme un groupe aux objectifs mal définis ouvre le bal avec brillo. Le garage rock du Power Trio est servi par une voix féminine hyper bluesy à la limite de l’enharmonie. Une atmosphère lascive et basse qui vire au grunge sans s’encombrer de trop de cohérence. Ils marquent l’ouverture des deux jours avec une énergie scénique toute juvénile et un jeu de scène mobile sous un light show déconcertant tant il est fourni pour ce type de salle. Electric Retro Spectrum c’est une guitare, une basse et une batterie qui auraient eu toute leur place dans une scène de “Une nuit en enfer” au hasard, l’entrée dans le bar. Je l’ai dit, certains passages manquent de cohérence et la construction est abrupte, mais cela fait toute l’énergie du groupe qui vit sa musique avec passion et la partage sans compromis. Au registre des bonnes surprises, la complémentarité du chant de la bassiste et du guitariste qui ferait presque regretter de n’avoir pas un chœur à écouter. Le son frôle parfois la Surf Music et le batteur mets toute son énergie au feeling jazz sur certains intermèdes ce qui ne déplait en rien au public. La soupe est servie pour Décasia qui remplace Domadora qui a dut annuler sa venue
D’entrée de jeu le trio Heavy Psych Parisianno-Nantais démontre toute sa maîtrise du set, déroulant sans accroc des titres avec une exécution proche du studio. Bien évidemment quand on ouvre pour des groupes comme Stoned Jesus, et quand on arrive à se faire programmer plus d’une vingtaine de fois dans l’année, il aura fallu faire ses preuves et garder le rythme. Malgré un groupe plutôt jeune et n’ayant qu’un LP à son actif, le public ne sera pas déçu ce soir. Sans doute la voix semble en retrait dans ce patchwork de riffs psych à la sauce Jam. Mais cette capacité qu’a Decasia à passer d’un standard teutonique façon My Sleeping Karma à un rock pêchu voir corrosif fait montre d’une cohésion forte servie par des balances sans faille. Les lignes de basse soutiennent l’ensemble avec régularité plus que par virtuosité et ce n’est pas là une critique car faire le job passe pour moi avant la démonstration d’agitation du manche. C’est avec plaisir que nous recevons un titre de rappel en Jam, morceau qui a le plus de tripes grâce à sa spontanéité. Mais voilà, le set se termine déjà, près d’une heure se sera écoulée sans que NOUS ne nous en rendions compte.
Après un arrêt aux abreuvoirs qui servent quelques curiosités houblonnées locales et quelques échanges avec les connaissances de l’autre bout de la France il est temps de retourner dans l’obscurité de la salle pour recevoir les polonais de Spaceslug.
Je ne vous cacherai pas que j’attendais avec impatience de voir le show des Spaceslug qui ont sorti cet été un excellent Eye The Tide que j’ai eu le plaisir de chroniquer. Caractérisé par des passages atmosphériques prenants et une puissance indéniable Spaceslug fait monter la pression dans la salle. La Scène polonaise ces dernier temps délivre toute sa puissance et nous aurons l’occasion de revenir là dessus au cours du weekend. L’application et la maîtrise du groupe agissent comme un rouleau compresseur sonore qui s’appuie sur ses précédents albums plus que sur le dernier en date dont on ne pourra entendre que “Words Like Stones” et “Obsolith”. La voix Sludge de Bartosz offre un esprit de rage qui sert un jeu hyper puissant. Les pistes réalisées en studio sont quasi réinterprétées ici. Le tempo s’accélère et la structure dérive. Indéniablement l’esprit post du dernier album est abandonné sauf en de rares occasions ce qui est surtout dut au chant une fois de plus. Jeu Ultra inspiré, passages surprenants, clairement Spaceslug livre LE set de la soirée tout en puissance et en interludes subtiles. Dommage que ce premier jour ne se clôture pas sur ces limaces de l’espace.
Le groupe parisien officie dans un genre Atmo Post teinté de Black Métal. Leur album sorti en 2016 From shape to name avait été plutôt bien accueilli par la critique et on aura pu les écouter de-ci de-là au fil de leurs tournées. Ce soir Eyes Front North aura la charge de clôturer la soirée. Quitte à paraître ingrat, j’avoue mon herméticité à ce qui est livré sur scène. Il y a chez ces gars là une belle énergie, une volonté d’en foutre plein les oreilles et il serait injuste de le reprocher. Mais j’ai peu goûté les transitions et une batterie qui m’a paru fade, en clair une entrée en matière pas très convaincante. J’ai le sentiment qu’un esprit Death surgit parfois, tel un monstre marin dont on ne voit que l’échine et si les influences se multiplient, sans doute par goût pour le Post-Metal. Les atmosphères se succèdent et se mélangent cependant force est de constater que le public y trouve largement son compte, la recette aura donc convaincu la “foule” présente et c’est bien là l’essentiel.
Jour 2
Changement de décor, nous arrivons ce soir à Rambouillet, ville bourgeoise de confins du 78, sera-t-elle prête à recevoir la vague qui s’apprête à déferler? vous le saurez…tout de suite… L’événement est prévu à l’Usine à Chapeau, une salle de concert bien connue des habitant du cru pour sa programmation éclectique et parfois pas piquée des vers. Nous pénétrons dans l’enceinte et découvrons une salle bien agencée, disposant d’un balcon qui pourra servir tant à faire les emplettes au merch qu’à ponctuellement aller admirer les sets. C’est parfait.
C’est Human Toys qui à la lourde charge d’ouvrir la soirée. Je ne resterai qu’évasif sur le sujet, puisque ce duo aux accents de punk mâtiné de Surf Music, si ce n’est parfois de Rockab’ ne correspond pas trop à notre ligne éditoriale. Cependant si vous aimez les boîtes à rythmes, le theremin, les corsets et les colliers pour chiens, ce groupe à la forte énergie visuelle bricole quelque chose qui ne devrait pas vous déplaire. Pour les autres, ne vous en faites pas, la suite ne devrait pas vous déplaire et le public même si venu peu nombreux s’est étoffé par rapport à la soirée passée.
Deadly Vipers semble très attendu du public, les perpignagais vont d’ailleurs en combler une grande partie. Nous avions goûté leur album l’an passé et la patate Desert Rock de nos fuzzonautes remet la soirée dans les clous d’une musique plutôt très dans nos cordes. Le jeu de scène est assumé, parfois un rien poseur du côté du chanteur Fred, mais c’est toujours bien intentionné. La qualité du set tient à quelques trouvailles de qualité et le public ne s’y trompe pas. Puis à bien y regarder on sent clairement que Kyuss est passé par là. Ce bandana…on dirait Brant Bjork en culottes courtes! mais putain, non il n’y a pas que ça, il y a aussi les riffs et l’esprit. Alors d’un coup je me dis, devrais-je hurler au plagiat? devrais-je m’insurger lorsque les notes de “Gardenia” semblent résonner? Que néni! surtout pas, ça prend le corps comme il faut et emporte l’esprit vers nos terres de désert, tout comme on aime. La salle commence à transpirer et le jeu de scène fait mouche. Il suffit de voir les sourires sur nos trognes assoiffées en sortie de set.
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Second groupe fort attendu ce soir, Red Scalp va galvaniser le public. Ce groupe de Polonais (Tiens donc!) est là pour offrir sa touche Bluesy et son jeu de grattes ravageur. Si ce combo de guitares, basse, clavier, toms et sax emprunte des chemins aventureux sur le papier, il réalisent un Stoner savoureux et riche qui sort de l’ordinaire. La force vocale des chanteurs qui prennent le micro en alternance ou en chœur font ressortir une richesse rare en la matière. Quant au Saxophone alto qui vient s’intégrer, on pourrait craindre le pire, mais il n’en est rien, il ajoute une touche pop presque surannée mais sans fausse note. On y retrouve des classiques du genre Stoner avec cette dose de personnalisation qui fait le sel de Red Scalp. La salle alors ne se contente plus d’agiter la tête mais danse carrément pour plus de la moitié de ses participants. Cette danse devient réellement transe puis Pogo lorsque les toms joués aux mailloches entrent en scène et libèrent l’esprit tribal qui fait la renommée du groupe. Red Scalp ne porte pas son nom pour rien et on serait bien resté encore un peu avec eux!
Voilà l’achèvement de ces deux soirées bien remplies qui monte sur scène, Stonebirds s’apprête à livrer son talent aux auditeurs. Le jeu immédiatement montre à quel point le set est maîtrisé, une prestation quasi identique à celle du studio qui rend l’acte de scène encore plus jouissif. Le jeu de basse en tapping ultra technique (Basse six cordes fretless, voyez vous ça!), la puissance des chants prennent aux tripes, la guitare fait naviguer d’un sens à l’autre et la batterie assène les coups tantôt avec puissance, tantôt avec un doigté extraordinaire. Le charisme des trois bretons fait qu’avec un minimum d’effort le public rentre majoritairement dans le set…jusqu’à ce qu’une coupure de courant pirate la montée de “Scarifice” et il faudra bien 5 minutes pour remettre tout en ordre de marche. Mais après ce temps infini, la musique reprend, hors les cases, surprenante comme certains de ces groupes actuels ( je pense en particulier à un Lumberjack Feedback ou un NNRA) auquels il est bien insuffisant d’accoler le terme Doom. Le trio nous gratifie d’un set basé sur sont album Time avec “Only Time” Ou “Shutter’ et même un morceau inédit. Chez Stonebirds, le cri et le growl se mêlent comme le vent qui rugit sur la lande et le Mont Saint Michel de Brasparts à l’automne. La force émotionnelle des compositions est de terre, de sel et d’eau, se livrant à la mélancolie comme le regard qui se porte au loin sur l’amertume d’un Brennilis au milieu de cette terre de début du monde que l’homme moderne n’aurait pas dû toucher et où pourtant il peut se sentir en paix avec lui même. Stonebirds, c’est tout ça, la rage de vivre, la mélancolie et pour final, l’amour comme Fañch l’annonce sur “Animals” avant que le set ne se clôture bien trop vite à mon goût.
Il est l’heure pour l’association Frénésique de clôturer le bal. Un discours de remerciement qui nous va droit au cœur et l’on ressort avec de beaux souvenirs, preuve que ce festival était une réussite. Il n’aura manqué qu’un public bien trop absent, à croire que le weekend de pont ainsi que la sédentarité des curieux parisiens aura eu raison d’une jauge possible pourtant fort raisonnable. Alors j’espère que ces lignes vous auront convaincues que vous avez manqué quelque chose et qu’une prochaine année saura vous accueillir plus nombreux.
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