C’est dans le cadre du festival Antigel, un événement s’étalant sur plusieurs semaines dans la Cité de Calvin qui voit l’art se décloisonner un poil avec, par exemple, des performances musicales hors cadre (piscines, halles industrielles, etc.), que les Etasuniens revenaient enchanter leurs fans genevois avec leur nouvelle plaque sous le bras : « Primitive and Deadly », sortie l’an passé sur Southern Lord. Cette performance hors des lieux estampillés « rock » n’est pas une première pour l’actuel trio puisqu’en 2008 déjà ils avaient donné une prestation à l’Alhambra alors que le lieu devant les accueillir, la Cave 12 d’alors, avait fait l’objet d’une évacuation dans le cadre de la politique antisquat menée par la municipalité.
C’est ainsi qu’une foule bigarrée composée de rockers, d’habitués des lieux et de bobos s’est retrouvée dans l’abri-antiatomique réaménagé sous un établissement scolaire du Centre Ville, qui sert désormais de salle à la légendaire Cave 12, un mardi soir de janvier en plein frimas. La salle, de petite taille, était bien remplie et c’est une foule compacte qui attendait la venue de la formation US en écoutant des bidouillages de nappes synthétiques lorgnant vers le drone vu qu’aucune première partie n’était à l’affiche ce soir-là.
Après avoir patienter de longs instants, le concert ne commençant pas à l’heure annoncée, aux sons de cette bouillie louche, nous vîmes le désormais trio se radiner sur scène – après une mise en garde de l’orga qui nous précisa que si des flashs étaient utilisés pour prendre des photos : le groupe quitterai la scène – pour débuter direct leur prestation en tapant dans le sale, le lourd et le lancinent (des adjectifs qui conviennent à la totalité de ce set) avec un titre pioché dans leur dernière production en date. Après une relecture de « Even Hell Has Its Heros » agrémentée de quelques plans de gratte et sensiblement rallongée, Dylan Carlson salue l’assistance et indique que le groupe va nous interpréter des compos récentes ainsi que quelques vieilleries extraites de son imposante discographie.
Après « The Bees Made Honey In The Lion’s Skull » (tirée de l’album du même nom) reformatée pour une prestation live sous forme de powertrio piano fortissimo, l’homme à la Gibson rouge – munie d’une ignoble sangle à fleurs – qui est le seul élément constant depuis les débuts de cette structure – introduit ses partenaires : Adrienne Davies au mascara dégoulinant après quelques titres en guise de métronome à la batterie et Don McGreevy à la basse dopée par la sono. Le son est absolument énorme, la basse nous ravage les cages à miel et le public tangue comme des roseaux sur lesquels une légère brise soufflerait (la légèreté n’étant cependant pas de mise ce soir). C’est du Earth pur sucre qui nous est balancé, mais ça a tendance à tirer sur le redondant et certains spectateurs débutent un va-et-vient entre l’antichambre enfumée abritée du vent qui sert d’entrée et la salle elle-même.
Cette relative désaffection, peu perceptible aux abords de la scène où le public reste dense, n’interfère en rien auprès des musiciens qui continuent à envoyer de la puissance ralentie soutenue par un dosage du son faisant la part belle aux graves. « There Is A Serpent Coming » tirée de « Primitive And Deadly » sans la présence de Mark Lanegan est d’une intensité saisissante ; certainement le titre auquel ira ma préférence au terme de cette prestation congrue en nombre de compositions interprétées (je ne suis pas convaincu que j’aurai tenu le coup avec un « By Request » de 20 plages de 10 minutes…). Nous eûmes aussi droit à « Old Black » de « Angels Of Darkness, Demons Of Light I » avant que le groupe ne s’éclipse de la scène.
Rapidement de retour sur les planches, après une petite remise en forme, un ultime réglage des instruments, quelques mots échangés avec les premiers rangs et une ligne de basse aux forts relents de « Love Buzz », je pense que « From The Zodiacal Light » a été finalement délivrée marquant un point final à ce concert, mais là, je dois vous avouer avoir un doute sur le déroulé exact de la fin du show étant-donné que, comme de nombreux quidams, j’avais rejoins l’arrière de la salle pour profiter aussi de faire un brin de causette avec quelques bipèdes présents à cette sauterie. Il faut avouer que ce type de prestations lancinantes et étirées en longueur (comme cette review) peine à capter mon attention de bout en bout. Non pas que le niveau musical ou la qualité du set puisse être pointés du doigt, mais que l’intensité n’est pas toujours au rendez-vous dans le monde du drone spatial et expérimental. Une bonne soirée tout de même et surtout l’occasion de découvrir des interprétations très éloignées de certains de leurs compositions surtout les morceaux de la dernière plaque amputés de leurs vocaux.