Le voilà enfin, le premier acte de cette série “Live at the Mojave Desert”, abondamment teasé depuis plusieurs semaines. Pour rappel, dégouté d’avoir annulé son festoche Stoned & Dusted, Ryan Jones a décidé de se lancer dans un “projet COVID” un peu spécial, en proposant à cinq groupes de faire chacun un concert dans un coin reculé du désert (il s’est pour celà appuyé sur son expérience récente avec Yawning Man), lançant pour l’occasion son label afin de sortir ensuite chaque concert en disque. Et le projet commence donc ce samedi soir, avec la diffusion du set de Earthless.
Contexte COVID oblige, la diffusion de ce premier concert suit un petit protocole auquel on est désormais habitué : rendez-vous à une heure fixe devant son écran pour le début des hostilités, on est priés de préparer sa bière avant (ou le pop corn ?). A l’heure dite, on est accueilli par une longue séquence “d’ambiance”, avec une playlist de titres sympas sur fond de visuels psyché animés, de quoi descendre gentiment le premier verre sans trop d’action…
Un peu plus loin, le trio de production se livre à une petite “auto-interview” pour contextualiser un peu le projet, très cool, ça sent la passion et ça fait plaisir. C’est enfin Isaiah Mitchell qui se retrouve interviewé ensuite, encore un moment sympa. Tout ceci est bien évidemment enregistré de même que, on vous le rappelle, le concert : posé sur bandes il y a quelques semaines, cette approche de concerts “live” avec horaire de RDV fixe notamment paraît un peu étrange dans ce contexte, mais pas gênant : pour tout dire, on se raccroche volontiers à tout ce qui nous fait nous rappeler des “vrais” concerts, ces derniers temps !
Au bout d’une heure finalement, le concert commence, et on est chaud ! Ça tombe bien, car l’ambiance est bien celle du sable chaud : l’après-midi dans le désert de Mojave, les plans sont impressionnants et délectables. On y voit en particulier plusieurs plans montrant la production nécessaire à cet événement (camions, une vingtaine de techniciens, drones, caméras partout…). Musicalement, le groupe se lance dans un “Violence at the Red Sea” plutôt classique (comprendre : 20 min tranquille), qui fait parfaitement le job de nous rappeler les composantes clés de Earthless en live : Rubalcaba et Eginton tiennent la baraque avec une rythmique et une base mélodique virtuose, tandis que Mitchell, fusionnant avec sa Wah-wah, essaime ses leads et éructe des soli space rock d’une fluidité confondante.
Après une petite séquence / intermède avec une interview un peu informelle des musiciens, on retourne dans le désert… mais en pleine nuit cette fois ! L’ambiance est toute autre, et visuellement aussi, avec notamment des plans un peu plus resserrés. Le trio entame un autre de ses classiques, “Sonic Prayer”, s’appuyant sur une intro à rallonge toute en montée en puissance (permet de bien apprécier le talent de Mario Rubalcaba et son approche parfois “tribale” de la batterie), pour aboutir à ce riff qu’on connaît bien. Cette ambiance nocturne permet aussi de voir apparaître le quatrième homme du concert : un light show remarquable, qui finit d’occuper l’espace (et il y en a, de l’espace !) autour du groupe : spots puissants aux tonalités évolutives, et surtout projections psyche sur l’énorme bloc rocheux voisin, l’effet est saisissant.
On est bien chaud quand, après déjà 45 min de set, le groupe nous sort une petite pépite, dégottant de son sac à raretés le vieux “Lost in the Cold Sun” ! Et il ne le fait pas en mode glandeur, puis qu’il en propose une version de rien moins que quarante bonnes minutes ! Quintessence du jam rock, le titre déroule sans provoquer l’ennui, toujours bien accompagné par les effets visuels toujours aussi pertinents. On notera aussi l’usage ponctuel d’effets vidéos divers (superpositions, ralentis, effets “miroir”, etc…) qui apportent encore un peu de valeur ajoutée à cette production (qui n’en manquait pas, déjà servie par une très grande variété de plans et cadrages divers, fixes ou mobiles). Le titre, plutôt lent, nous emmène gentiment dans la nuit naissante (chez nous), avant que l’on ne se fasse cueillir par un gros coup d’accélérateur surprise, pour nous replonger sur sa longue conclusion dans une douce langueur space rock…
Et puis tout s’arrête, de manière un peu abrupte finalement, après une heure et demie d’un live de grande qualité. Pour “redescendre” un peu (même si on peut présumer que vous êtes restés à la bière tout du long…), la suite de l’interview des trois producteurs nous apporte quelques infos complémentaires sur le projet et les prochains événements de la série…
A chaud après le concert, difficile de dire qu’on n’a pas kiffé : admettons-le, c’est probablement le meilleur concert de Earthless que vous verrez en vidéo, que ce soit pour le lieu du concert ou sa production visuelle. Quant au son, on n’en a pas parlé, il a été de bout en bout absolument remarquable, puissant et clair, sans faille (sauf pour les interviews, où il était trop faible – ce qui n’a pas posé grand problème, on n’était pas là pour ça…). Reste la réflexion, posée à tors et à travers ces derniers mois du “concert sur internet” : est-ce que l’on peut substituer de vrais concerts avec des live streams ? Bien sûr que non, et c’est bien là que les responsables du projet ont bien vu : en proposant un concept bien spécifique, sorte d’hybride entre le bon vieux DVD live et le concert en direct, le tout s’appuyant sur les principes du stream “en différé”, avec une production de grande qualité, ils amènent sur un plateau d’argent de quoi faire patienter le fan de stoner échaudé par la situation sanitaire du moment. Une belle réussite.
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