Comme vous l’aurez peut-être remarqué, on aime bien Glowsun chez Desert-Rock. Certains pourraient même nous reprocher un certain favoritisme par rapport à tous les combos stoner francophones émergeants et un manque criant d’objectivité dès que nous évoquons le trio lillois. La raison de ce traitement de faveur est très simple : à force de croiser les membres de Glowsun sur la toile ou dans des concerts se sont devenus des potes. Outre le fait que ce sont des garçons très sympathiques, ils s’en sortent plutôt bien instruments en main, ont sorti une excellente démo dans les crédits de laquelle ils ont eu le bon goût de mentionner mon nom, balancent méchamment la sauce en concert et pour parfaire le tout, s’y connaissent bien en bière. Un tas de bonnes raisons pour accepter l’invitation de les accompagner dans leur périple suisse, sans compter l’opportunité de visiter le Kab’ et d’y rencontrer son équipe. La veille du départ, je rejoins le QG des nordistes sans me perdre, un exploit. La soirée se passe à essayer de charger le matos de la façon la plus intelligente possible, douter des talents culinaires de Johan et écluser gentiment quelques Affligem avant d’aller se coucher à une heure raisonnable en regard de la journée qui nous attend le lendemain. Lorsque je suis réveillé par les chuchotements de deux petits monstres généralement beaucoup plus bruyants, Johan a déjà parcouru quelques centaines de kilomètres avec les instruments afin d’anticiper les problèmes de douane. Après avoir retrouvé par hasard le sac contenant les pédales d’effets de Ronan, le départ se fait sans précipitation malgré l’excitation ambiante. Fidèle à lui-même, Feeb bat le rythme sur tout ce qui lui tombe sous la main pendant que Ronan, imperturbable, avale les kilomètres sans manifester le moindre signe de fatigue. Entre deux siestes, j’alterne les rôles de DJ et de GPS humain. La pause déjeuner en bordure des vignes champenoises sera marquée par un manque cruel de moutarde et des nouvelles rassurantes de notre éclaireur. Le bitume continue à défiler de façon monotone jusqu’à notre arrivée dans le Jura.
La vue d’une montagne m’emplit toujours d’émerveillement et de sérénité et tout le monde semble ressentir des émotions similaires dans la voiture qui entame les premiers lacets au milieu d’un décor verdoyant. Pour la première fois depuis notre départ matinal, les membres de Glowsun oublient un peu le concert qui les attends ce soir. A la sortie d’un virage, le lac Leman, immense, s’offre à notre vue et nous indique que notre destination est proche. Après un passage de la frontière qui ne sera qu’une formalité, nous arrivons enfin à Genève.
Trouvez une adresse dans une grosse ville inconnue un vendredi en fin d’après-midi n’a rien d’aisé et ce n’est pas sans mal que nous atterrissons finalement devant L’Usine. Le bâtiment imposant abrite deux salles, un studio d’enregistrement, un disquaire, un coiffeur, des chambres et quelques bureaux. L’endroit tient du squat reconverti en haut lieu de la culture underground. Le Kab’, la salle dans laquelle aura lieu le concert, offre une belle capacité et le plafond technique rassure le photographe qui sommeille en moi. Pas grand chose à voir avec les salles minuscules et les scènes éclairées par trois projecteurs et demi auxquelles je suis habitué. Nous sommes très bien accueillis par le maître des lieux qui nous indique les loges pendant que tout le monde s’affaire à préparer l’endroit pour le concert de ce soir. La grande pièce qui sert de loge a été entièrement redécorée par la kyrielle de groupes qui sont passé dans ces murs, couverts de stickers et de graff’. Le professionnalisme de l’équipe rassure les membres de Glowsun et toutes les conditions sont réunies pour que le concert de ce soir soit une réussite. Je les abandonne en pleine discussion avec les autres musicos à l’affiche pour rejoindre Chris au bar. Sa sobriété est de notoriété publique mais c’est le meilleur endroit qu’il a trouvé pour préparer le repas de ce soir en compagnie d’un membre du forum qu’il me tardait de rencontrer. J’espérais une spécialité culinaire locale mais ce ne sera malheureusement pas le cas. Je me rattraperai plus tard en testant les différents breuvages proposés, persuadé d’y perdre largement au change. Il faut bien l’admettre, les Suisses ont encore quelques lacunes en matières de bières et bien que dans un souci d’éviter tout jugement rapide, j’aie largement approfondi l’enquête, mon avis reste très mitigé. Trêve de digressions ethylogiques, le but de ma venue demeurant l’envie de m’en foutre plein les oreilles. Le Festival Underground, dont c’est la 16ième édition, propose une programmation très éclectique incluant douze concerts répartis sur trois soirées. Outre Glowsun, on retrouve ce soir Vlkodlak (metal médiéval), Mephisto Systeme (Rock indus) et Phased (Stoner). On passera rapidement sur les prestations de Vlkodlak (sur papier çà à l’air drôle, sur scène çà l’est 5 minutes bien que ce ne soit certainement pas le but recherché) et de Mephisto Systeme (grosse débauche de matos, look de circonstance et reprise de Nine Inch Nails inévitable. Pas désagréable à regarder, surtout depuis la droite de la scène, face à la charmante bassiste), non pas qu’elles furent mauvaises mais parce qu’elles sont hors-sujet.
A quelques minutes de monter sur scène, la tension est à son paroxysme dans le camp des Lillois. L’envie d’en découdre et de laisser une bonne impression est manifeste, d’autant plus que le public présent ne connaît probablement pas le groupe. Après une longue intro tout en crescendo, c’est un Johan complètement libéré qui attaque le riff de « No Way ».
L’accumulation de dates récentes commence à produire son effet et la machine tourne de mieux en mieux. Cela se traduit par l’absence de temps morts et d’hésitations, particulièrement sur les morceaux plus anciens et les mieux rôdés. Bien sur, Glowsun ne peut pas encore s’appuyer sur une longue expérience scénique pour proposer des sets hyper-calés et les fautes ne sont pas complètement absente de leur prestation. Mais au-delà de ces quelques erreurs de jeunesse, c’est surtout l’énergie déployée et l’implication des musiciens dans leur musique que l’on retient. Et puis, la force de Glowsun demeure le fait de proposer des compos variées et de qualité, ce qui au final reste le plus important. Alors que leurs concerts s’appuyaient essentiellement sur les quatre morceaux de la demo il y a quelques mois, le set de ce soir s’est considérablement étoffé de nouvelles compos qui rassure complètement sur leur talent de composition. Proposant toujours une grande diversité d’ambiances, ces morceaux collaborent à la définition du style original de Glowsun s’appuyant sur l’alternance de passages psyché et de gros riffs jubilatoires, le tout soutenu par une section rythmique assurant un groove omniprésent. Cette alternance crée une tension croissante qui se conclut souvent dans un déluge de décibels offrant à Feeb l’occasion de cogner comme un bûcheron, ce qu’il semble particulièrement apprécié. Seul regret, les jams improvisées qui émaillaient les concerts précédents sont passées à la trappe à la faveur des nouvelles compos en raison du temps imparti au groupe. Mais on évitera de se plaindre, Glowsun vient de livrer la meilleure prestation à laquelle il m’aie été donné d’assister jusqu’à présent et les progrès engendrés en quelques mois n’augure que du bon pour l’avenir.
Il n’est pas loin de minuit quand Phased investit la scène du Kab. Pour être honnête, je n’ai jamais entendu parler de ce groupe auparavant. Depuis, j’ai largement rattrapé mon retard tant leur concert m’a séduit. Fraîchement signé sur Elektrohasch, les Suisses (à vrai dire, ils ne sont pas tous Suisses mais il est tard, on ne va pas s’attarder sur des détails) ont déjà sorti deux albums et quelques 7”, existent depuis près de 10 ans et ont changé mainte fois de line-up. Leur style, ils le définissent comme du Psychedelic Deathrock, tout un programme. D’entrée de jeu ils attaquent avec une série de morceaux toute guitare dehors. Imaginez Hawkwind qui aurait brûlé ses synthés, jouant avec une énergie plus rock’n’roll, voir carrément punk et lorgnant largement du côté du Doom. Dans la musique de Phased, on retrouve pleins d’éléments qu’on a déjà entendu ailleurs habilement mélangés pour obtenir un rendu assez unique. Ce mélange hétéroclite fonctionne à merveille, certains aspects prenant parfois le dessus, ce qui donne au set de Phased un certain relief et permet de surprendre l’auditeur. Ajoutez à cela une très bonne présence scénique et un son à la hauteur et vous obtenez une belle découverte qui mériterait amplement de s’exporter hors de ses frontières.
La soirée se terminera finalement a 4h00 du mat’ à disserter sur l’intégrité jamais mise en défaut de Ian Mc Kay, avant de tenter de s’endormir au son des basses qui résonnent depuis la salle située face à notre chambre où se tient une soirée Ragga. Merci pour tout à Glowsun et aux gens du Kab’, on remet çà quand vous voulez.
Jihem