Tandis que les retardataires cherchent encore quoi offrir à leur mère sous le sapin, c’est Noël avant l’heure au Glazart. Ce jeudi 14 Décembre à Paris, Garmonbozia Inc. et les Stoned Gatherings nous gratifient de trois paquets bien assortis. Rien de moins que Steak, The Atomic Bitchwax et Greenleaf. Et alors que je cavale comme un dératé pour ne rien manquer, je me sens comme un gamin sur le point de déballer sa première Playstation.
Pas le temps de prendre une bière que je me place en face de l’ampli basse. Avec la ponctualité chirurgicale propre au Glazart, il ne s’agirait pas de se retrouver bloquer au comptoir alors que les guitares commencent à cracher. Ça ne rate pas, à peine en place, le quatuor outre-manche ouvre le bal. Enfin le bal… On parle davantage d’une vague de lourd riffs bien efficaces pour Steak. Pas de fioritures ici, la viande est cuite à point et servie sans sauce. À l’instar de Cam qui arbore sa basse une corde en moins (la plus aiguë, bien évidemment). Pourquoi s’enquiquiner à gratter sur quatre ce que l’on peut distribuer sur trois ? L’humeur timide des Londoniens est rattrapée par la qualité de leur prestation qui échauffe une salle se remplissant très vite. Un jeu puissant soutenu par une voix qu’on aurait souhaité plus forte. Le public est réactif, et à l’envoi de « Coke Dick » extrait de leur nouvel album, les cheveux commencent à s’agiter et les nuques à s’étirer.
Après la colonisation de la scène par les Anglais, vient l’heure de l’indépendance américaine. Finn et Chris ont la pêche, et accompagnés d’un Bob Pantella qui mitraille ses fûts comme si les laisser refroidir une minute menaçait de tout faire exploser, ils parviennent à transmettre leur énergie à une foule qui s’agite de plus en plus. Avec un album tout frais sorti d’usine, on aurait pu s’attendre à une présentation des nouveaux titres ; pourtant le groupe déroule son répertoire survolté en partant du premier opus, en se contentant d’y ajouter (seulement ?) trois de leurs récentes compositions. Le pari reste cependant réussi et le tout s’enchaîne à merveille. Ce n’est un secret pour personne, The Atomic Bitchwax, ça va vite. Et lorsqu’après « Liv a little », monsieur Koznik nous demande si l’on veut du groove ou plus de fast, chacun s’empresse de redemander sa dose de frénésie. Sur « Giant » les plus énervés s’emportent et ça se bouscule enfin. Comme le disait ma psy, un bon pogo c’est comme une crise d’angoisse, une fois la première survenue, les suivantes n’en sont que plus fréquentes et redoublent d’intensité. Un adage qui se vérifie pendant tout le show jusqu’à une apothéose chaotique sur « Shit kicker ». Leur rythmique dévastatrice nous donne l’impression de chevaucher un bison sous coke, là où la mélodie des refrains s’avère plus aérienne sans perdre un chouïa de dynamisme. Les soli furieux (pas assez forts à mon goût) viennent enfoncer le clou de la machine impétueuse qui interdit tout statisme à son audience. Après une tentative de chillout en claire, n’apparaissant que comme une prise d’élan pour mieux sauter durant le rappel, le trio galope sur «Force Field». Les Américains achèveront leur vigoureuse prestation par un break interminable digne de ce que le Rock’n’Roll des 70’s a de mieux à offrir. Et le Glazart gagne dix degrés.
Après Steak et Atomic Bitchwax, on est en droit d’imaginer que la « feuille verte » va proposer une accalmie salvatrice, ou a minima un contenu moins bourrin. Erreur grave… N’oublions pas que derrière la feuille reste attachée une bûche. Et dès les premières envolées de « Trails & Passes », on sent que la partie est loin d’être terminée. L’énergie de Greenleaf se déploie et nous transporte en plein cœur de la nébuleuse stoner. Alternance de passage heavy-blues, de doux interludes, de rythmiques méchamment burnées et de soli enivrants. Faut avouer que question riff, le background de Tommi Holappa (ancien guitariste de Dozer) pèse autant que le CV d’un triathlète au royaume des culs-de-jatte. Des phrasés de maître sublimés par la voix captivante d’Arvid Jonsson, dont les yeux écarquillés se posent sur la foule comme sur autant de serpents à charmer. Petit bémol au niveau du solo de batterie. Une performance embrouillée et quelque peu embarrassante qui s’achèvera par un lancer de baguette frustré au plafond. Néanmoins, sous la clameur générale la locomotive Olsson parvient à repartir. Et ni ce petit écueil ni la corde cassée de Tommi, changée en moins d’une minute pendant une impro de ses copains, ne parviendront à amoindrir le goût délicieux de l’expérience. On chante, on danse, on s’exalte de l’effervescence du groupe et le sentiment semble partagé. Un succès confirmé par une absence totale de cd/vinyle sur leur merch, et ce avant même de brancher la première guitare. Greenleaf, pendant longtemps considéré comme un « side-band », nous démontre une fois de plus toute l’étendue de ses capacités et confirme son statut de groupe à part entière. La balance du son s’avère absolument nickel et nous permet de profiter pleinement de cette symbiose.
En somme une soirée réussie, tout en progression. On ressort du Glazart les yeux pétillants et un sourire béat au visage. Le gage de qualité désormais indéniable des deux collectifs Parisiens.
Joyeux Noël.