JOUR 3 :
La seconde journée a fait du bien pour se reposer un peu, après un premier jour harassant. Rien de bien excitant ce matin toutefois, si bien que l’on commence à prendre nos marques à partir de midi environ. En effet, il va falloir la jouer fine : deux groupes jouent quasiment en même temps, ça va être chaud…
On commence donc par la tente Terrorizer dans laquelle RED FANG a l’excellente idée de commencer son set 5 minutes plus tôt, son soundcheck étant expédié en quelques coups de médiators. Les américains entament donc leur set et franchement, c’est pas mal du tout. Les riffs sont cinglants, le son est excellent, les zicos à fond dedans… Franchement, ça sonne bien, le concert commence très bien… malheureusement, au bout de 3 titres, je dois quitter la tente au pas de course pour ne pas rater l’autre sensation de la journée, qui joue à quelques centaines de mètres… Je me garderai donc d’apporter un jugement sur la totalité du set, mais ce que j’en ai vu montrait un groupe bien parti pour faire une grosse impression.
A l’inverse de leurs collègues américains, LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL finissent leur soundcheck un peu en retard, je ne rate donc pas une miette de leur set. Très vite, les strasbourgeois me rassureront sur mon choix de planning : quelle qu’ait été la qualité du set de Red Fang, ce concert aura été excellent. Officiant sous la « petite » scène du Metal Corner (une tente de taille très conséquente en réalité, placée juste à la sortie du camping), le groupe rassemble petit à petit les derniers campeurs et l’ensemble des passants et curieux mélomanes. La tente se remplit ainsi progressivement de plusieurs centaines de personnes, et le groupe est bien décidé à ne pas les laisser repartir une fois ferrés. Pour cela, bien conscients qu’une opportunité comme celle-là ne se rate pas (ce n’est pas uniquement une ligne prestigieuse sur un CV) ils tournent à plein régime, comme à leur habitude. Les zicos sont donc à fond dans leur trip, jouent et chantent comme si leur vie en dépendait : il faut voir Billy marteler sa batterie comme un cinglé, Francky et Johnny enchaîner les poses de guitar hero, ou Sonny beugler dans son micro… Choix étrange, même si la plupart des morceaux de la set list sont issus de leur dernier album, le groupe choisit cette opportunité pour jouer quelques nouveaux titres (ou en tout cas des titres qui me sont inconnus), on peut saluer cet excès de couillitude ! Le groupe ayant joué à 200 à l’heure, fatalement il reste 5 minutes au compteur lorsque le set est terminé : à l’arrache, le groupe choisit de conclure avec sa célèbre reprise des Bangles « Walk like an egyptian », propice à échange d’instruments, stage diving, chœurs avec le public, etc… Bref, le groupe et le public repartent avec le sourire, et nous on est bien boostés pour continuer cette journée qui commence sous les meilleurs auspices.
Pour se remettre petit à petit en forme, on passe voir la prestation des genevois de KNUT sous la Terrorizer. Rien de particulièrement passionnant dans ce set d’un groupe que j’ai déjà vu plusieurs fois, il est vrai. Leur metal teinté de sonorités noise et d’influences allant forcément chercher du côté de Neurosis et confrères fonctionne bien, et le public semble progressivement entrer dans le concert. Après une si grosse dose de rock’n’roll, j’imagine qu’il est un peu plus difficile de rentrer dedans en ce qui me concerne ; pour ma part, je passe donc un peu à côté.
S’ensuivent quelques pérégrinations plus ou moins intéressantes sur le site (dur dur la bascule Tsjuder / Duff Mc Kagan !), puis je reviens sous la Terrorizer pour le set très « hypé » de GHOST : tout le monde parle du groupe depuis 2 jours, comme « la » surprise décalée du festival… bien vu ! Pour être décalé, le groupe l’est à tous les niveaux ! Les musiciens sont tous vêtus de soutanes « intégrales » (même leur visage est dissimulé) et le chanteur, grimé en pape proche de la décomposition cadavérique, frontman pour le moins décalé, assure le show par son charisme remarquable (sa voix n’étant pas en reste). Musicalement, difficile de définir la musique du combo scandinave : metal, doom, hard, prog,… tout y passe ! Mais au final, ça joue bien, et les titres sont franchement super bien gaulés : plus d’une fois on se prend à hocher la tête en rythme, surpris par le côté catchy de certains morceaux. Pas uniquement une blague ou un groupe anecdotique, Ghost paraît mériter quelques écoutes vinyliques, et si possible d’autres passages live pour confirmer tout le bien qu’ils ont démontré sur scène.
Après une petite balade (sous le soleil !) à l’occasion de laquelle je constate l’improbable succès public de Cavalera Conspiracy (le public enchaîne les circle pits furieux les uns après les autres), je rejoins assez vite la tente pour assister au set de KYLESA. Eternelle rencontre manquée entre Kylesa et moi, je n’ai jamais été complètement séduit par leur musique. Alors que leurs concerts m’avaient jusqu’ici semblé très « froids », leur musique puissante mais aseptisée, je note aujourd’hui un son plus chaleureux, et des compos plus accessibles, moins hermétiques. Le groupe fonctionne bien, le public est nombreux tassé dans la tente pour assister à leur gig, et les musiciens se donnent bien en retour, et surtout, rendons à César ce qui revient à César, le bassiste Corey Barhorst. Anti-star par excellence, Laura Pleasants reste relativement en retrait en terme de présence scénique. La double-batterie ne m’a toujours pas convaincu, mais au final, le set laisse un excellent souvenir. Rien de transcendant toutefois, et pas non plus selon moi à la hauteur du culte voué à ce groupe.
GRAND MAGUS prend la suite sur la même scène, avec une configuration plus modeste : une basse, une batterie, et JB au chant + guitare. Depuis quelques années, le groupe du suédois nous pose un cas de conscience certain : alors que leurs premiers albums d’excellents stoner / doom nous avaient collé de sérieuses mandales à leur sortie, petit à petit le groupe s’était orienté vers un heavy metal très traditionnel, qui ne laisse désormais plus vraiment de place au stoner (une tendance que l’on observe à l’identique chez son ex-groupe d’adoption, Spiritual Beggars). D’ailleurs (je peux me tromper, n’ayant pas analysé la set list en détail), le groupe ne joue durant son set aucun titre issu de ses deux premières perles, préférant servir à un public d’aficionados de nombreux extraits de ses derniers albums. Objectivement, force est de constater que non seulement JB chante merveilleusement, mais que ses soli et rythmiques de gratte sont impeccables, et la musique du groupe est vraiment superbement exécutée. Subjectivement, en revanche, on est en train de faire notre deuil…
La tension monte petit à petit en attendant les mythiques GOATSNAKE, et atteint même son paroxysme quand, 10 minutes après le début supposé du set, le groupe n’est toujours pas sur scène… On peste devant ces 10 précieuses minutes de musique gâchées ! Heureusement, le quatuor monte sur scène et surprise derrière la basse, le frenchy Guy Pinhas ! Etant un gros branleur, je n’avais pas noté dans les communiqués que le groupe revenait sous sa formation initiale… [Parenthèse perso : à sa vue, alors que je prenais mes premiers clichés, j’ai eu un flashback redoutable : fin mai 2001, soit il y a presque exactement 10 ans de cela, je faisais mes premières photos de concert à Los Angeles, devant Acid King… et Guy Pinhas à la basse ! Le trip…] Très vite l’artillerie lourde est lancée, et la basse ronflante de Pinhas commence à labourer les conduits auditifs avec une efficacité de métronome sur le magnifique « Flower of disease » : un titre complexe, aérien et heavy, emblématique de la musique du groupe. Lorsque Pete Stahl monte sur scène, vêtu de vêtements de ville d’une banalité stupéfiante, son charisme naturel fait pardonner en 10 secondes le retard du groupe, et envoûte instantanément le public. Le voir vivre chaque morceau à fond, arpenter la scène de long en large, venir à la rencontre du public pour partager sa musique, participent à son aura. Clairement, le public lui mange dans la main, tout le monde est aux anges. Son organe vocal exceptionnel, avec ses tonalités nasillardes si caractéristiques et sa puissance, ne sera pas une seule fois pris en défaut. Greg Anderson sur le côté est à fond, il sourit, prend la pose, et globalement, assure ses montagnes de riff sans effort. Lorsque l’on ouvre à nouveau les yeux, un filet de bave au bord de la lèvre, le groupe a déjà joué plusieurs titres comme dans un rêve : en vrac, « Innocent », « Slippin’ the Stealth », « The Dealer », « IV »… Bref, une set list de rêve qui s’en va piocher dans tous les albums du groupe. Goatsnake, sur ce set, a montré un savoir faire remarquable, et surtout a démontré que le stoner le plus pointu, lorsque joué avec passion et talent, pouvait transporter des foules. Ce qui fut fait. La claque.
Il faut bien une grosse heure pour se remettre du choc, ce qui fut mis à profit pour aller voir un bout de Judas Priest et avaler quelque victuaille pour se remettre de nos émotions. Tranquillement l’heure du set de ELECTRIC WIZARD arrive. Lorsque l’on voit le groupe finir son soundcheck sous les projecteurs, on sourit de soulagement, trop frustrés que l’on est à chacun de leurs sets de les voir évoluer dans une pénombre du plus profond ennui. On déchante vite quand, dès les premiers accords, les lumières s’éteignent pour baigner la scène dans une torpeur rougeâtre imbuvable. Le paradis du photographe, en gros… Le groupe a en réalité trouvé un bon moyen de mobiliser le public sur l’ensemble de son set : diffuser un vieux film porno non stop en arrière plan de la scène. Mouaip. Au final, sans doute toujours sous le coup de l’uppercut Goatsnake, le set de EW me paraît un peu fade : probablement pas un groupe pour festival (même si ça avait bien fonctionné ici même il y a deux ans).
Pudiquement, je passerai rapidement sur la prestation pour le moins décalée de HAWKWIND. J’aurais adoré écrire ici que leur sens du second degré avait fait mouche et que l’on s‘était bien marré. Sauf que même si l’humour est bien présent, l’amateurisme des effets visuels (des danseuses à peine grimées montées sur des échasses pour simuler des aliens…) et la prestation globale (que l’on dirait totalement échappée de scènes coupées de Spinal Tap) laissent un sentiment plus proche de la pitié que du sourire compatissant. Par ailleurs, les musiciens sont vraiment (trop ?) vieux, et leur space rock complètement assumé, même s’il garde une dose de groove bien présente, est très daté et l’on peine à accrocher. Evidemment, persuadés de cartonner (à tort), le groupe dépasse de 15 minutes son horaire de fin… Grrr…
De fait, je regrette un peu de ne pas avoir été voir Ozzy à la place de Hawkwind (ça n’aurait pas changé grand-chose à la moyenne d’âge, notez) mais il est trop tard désormais : il faut rester sur place pour s’assurer d’être aux premières places pour KYUSS LIVES !. De manière assez stupéfiante, le « phénomène » déjà rencontré l’an dernier au même moment se produit à nouveau : sans parler de l’atmosphère littéralement électrique qui précède le concert, on voit se masser sur le bord de la scène et derrière (en coulisse) des dizaines de curieux et d’amateurs (un phénomène pas constaté une seule fois en 3 jours de festival). Evidemment, le groupe monte sur scène 15 bonnes minutes plus tard que prévu, et entame son set avec un libérateur « Gardenia », permettant à Garcia de soigner son entrée après un long tour de chauffe de ses musiciens. Concentré, Oliveri reste sur son côté de la scène et soigne ses lignes de basse. Son jeu au médiator finalement ne choque pas tant que ça (même si l’on ne peut que regretter la rondeur et la profondeur du son de Reeder). Quant à Fevery, il ne bougera quasiment pas de tout le concert, affichant l’assurance franche et le charisme d’une sole meunière. Ce qui ne signifie pas qu’il joue mal, bien au contraire : les lignes de guitare sont maîtrisées, et les andouilles qui le comparent à Josh Homme devraient se repasser quelques bootlegs live de Kyuss et compter les pains du grand rouquin ! (ça c’est le problème avec une armée de pseudo-fans qui ne connaissent le groupe que via leurs albums à la production impeccable – mais c’est un autre débat). Enchaînant avec « Hurricane » et « One Inch Man », le groupe choisit de contenter sa fan base et de viser le KO au premier round. Ensuite seulement, le groupe pioche dans son unique album « légitime » (rappelons que « Blues… » est le seul album de Kyuss avec Bjork et Oliveri) via « Thumb » et « Freedom Run ». Puis s’ensuivent des titres issus de leurs trois derniers albums, en vrac… Garcia, lui aussi plutôt sérieux ce soir, assure, tout simplement : ayant retrouvé sa voix d’antan (ou presque), il est infaillible. Quant à Brant Bjork, on avait simplement oublié, derrière le modeste guitariste, quel excellent batteur il est : carré, solide, il assure sa part du job sans soucis. Certes, il n’y aura pas ce soir la « magie » que d’aucuns pouvaient espérer, mais au final, voir la tente Terrorizer dégueuler de monde à 2h du mat’ après 3 jours de festival, remplie de fans et de néophytes en train de danser sur place avec le sourire, c’est une part de magie que l’on ne peut pas négliger.
Des concerts plein les oreilles et les yeux, on quitte cette édition du Hellfest avec un grand sourire : même si tous les groupes n’ont pas tenu leurs promesses, l’affiche dédiée au stoner était, cette année encore, d’une qualité remarquable, et n’a pas déçue. Espérons que le succès rencontré à nouveau en 2011 poussera l’organisation à renouveler l’expérience de manière aussi « pointue » l’an prochain. Et du coup, on espère y être aussi pour vous en faire part et si possible vous y retrouver !
Laurent
[Photos : Laurent]
Quand on dit du Hellfest que c’est un festival de métal, c’est vraiment pour dire tous les genres mélangés ! Ce même jour j’ai commencé à 11h par du flamenco métal ! Et oui il fallait le faire, IMPUREZA nous a donné ça . Ca sonnait bien finalement, assez curieux le mélange tout de même…
Ensuite j’ai filé vers la Main stage 2 pour voir les incroyables TURISAS, avec leurs peintures de guerre et costumes tout comme il fallait (style Pagan metal). Au niveau musical, j’ai trouvé assez classique. Le public était déjà bien présent à midi pour cette nouvelle journée.
Profitant d’une pause dans la tente VIP nous avons pu voir un groupe étrange, non identifié, qui nous produisait de la Dance Métal ou plutôt du Disco avec du métal. Des reprises de dance version Hardcore metal. Excellent !
J’ai vraiment adoré la prestation de CAVALERA CONSPIRACY. Ils ont été super bon pour générer une super ambiance dans le public. Tout le monde a bougé, même au fond. Et une poussière… terrible ! Les frères Brésiliens ont été très bons.
En suivant, Mr BIG proposait là encore un tout autre style dans ma journée Métal. Beaucoup de technique, un très joli son, très propre. Rien à dire là dessus. On sent la référence ! En revenant dans le carré VIP nous avons pu assister à un tout autre show, celui des SIRENS (que nous avions pu voir partiellement dévêtues lors d’une brève apparition sur la stage avec Rob Zombie). Charmantes ces dames…
Le soleil commençait a se coucher pour voir JUDAS PRIEST. Toujours autant de public : les deux scènes sont noires de monde, impossible de s’approcher. Mais heureusement l’écran géant est là. Et la bonne sono. Donc d’assez loin j’ai suivi notre bon vieux Judas… avec les bons vieux classiques. Du bon heavy métal, très bien interprété. Le nouveau guitariste ne m’a pas choqué, le père Downing est presque oublié !
Quant à Ozzy, lui aussi accompagné d’un jeune guitariste performant, son set est bon, et assure le minimum syndical : une part de classiques de sa propre discographie, une part de bon vieux Sabbath. Sa voix est correcte, l’interprétation est correcte, et le concert, au global, pas mauvais, mais rien d’extraordinaire.
Voilà qui clôt bien ce festival, avant d’aller finir de se rincer les oreilles sur Kyuss Lives !. Mais c’est une autre histoire !
Daniel
[Photos : Laurent]